AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La revanche du rameur : Comment survivre aux médecins, .. (23)

Le brainstorming a donc introduit des règles qui tentent de limiter ces freins à la créativité et à la spontanéité :
- ne jamais critiquer les idées des autres
- en corollaire, être sûr que l'on ne va pas être critiqué et ne pas hésiter à se laisser aller à émettre les idées les plus absurdes
- rebondir librement sur les idées des autres en tentant de les améliorer
- la seule hiérarchie présente est constituée par l'animateur du groupe et son seul rôle est de veiller à l'application des règles précédentes.
Idéalement, il ne fait pas partie de la hiérarchie du groupe de travail.

La capacité du brainstorming à faire émerger des idées neuves et de l'intelligence collective est toujours surprenante. (...)
Notez les analogies avec le fonctionnement général du vivant :
- absence de plan détaillé
- diversité débridée
- essais, échanges d'informations, sélection
- absence de hiérarchie et de jugement de valeur autre que la pertinence immédiate de l'idée exprimée telle que le groupe la ressent

Malheureusement, le brainstorming présente des tares qui lui interdisent de se développer au sein des structures hiérarchiques :
- l'abandon de pouvoir est une souffrance pour un dominant (...)
- même si chacun joue le jeu, la hiérarchie reste inscrite dans le cerveau des participants. Ils savent qu'à la fin de la réunion, les dominants reprendront leurs droits et se souviendront de ce qui a été dit et notamment des soutiens ou des critiques que leurs idées ont reçus
- le dominant hiérarchique va s'approprier les idées qui augmentent son pouvoir et rejeter les autres

C'est pourquoi le brainstorming n'est quasiment plus utilisé que pour faire émerger des idées de groupes non hiérarchisés, et quasiment jamais en interne dans les administrations.
Commenter  J’apprécie          150
Les mâles humains sont organisés hiérarchiquement en fonction d'une échelle de domination/soumission.
La structure hiérarchique des femmes est plus complexe et interagit avec la hiérarchie masculine. (...)

La structure hiérarchique du genre Homo porte le germe de l'organisation planifiée qui domine nos sociétés actuelles :
le chef (dominant) commande et coordonne l'action.
Mais surtout, seul ou assisté d'une élite de sous-dominants, il pourra (...) créer des règles prédéfinies et élaborées qui s'imposeront aux dominés. (...)

Progressivement, le dominant ne s'est pas cantonné à l'appropriation prioritaire des femelles et des ressources.
Il est devenu un chef opérationnel qui dirige et applique une stratégie.
Commenter  J’apprécie          91
Deux universités ont pour habitude de se confronter annuellement dans une compétition d’aviron. Le doyen de l’université A qui a perdu les deux confrontations précédentes contre l’université B décide d’appliquer aux sportifs de son équipe les techniques managériales modernes qui font par ailleurs le succès de son établissement. Il débloque un budget conséquent pour ce projet et fait appel au cabinet de conseil Mc Delsen fondé par d’anciens élèves. Les deux équipes s’entraînent dur mais l’équipe A bénéficie donc d’une réorganisation mettant en œuvre une nouvelle méthode.

Lors de la première épreuve, le bateau B gagne avec un kilomètre d’avance. Le doyen de l’équipe A et les consultants de Mc Delsen en sont très affectés. Le management se réunit pour chercher les causes de cet échec. Une mission d’audit composée de seniors managers est désignée. Après enquête, elle constate que leur équipe est constituée d’un barreur, de cinq consultants qualité et de trois rameurs, alors que l’équipe B comporte un barreur et huit rameurs. La direction décide de lancer une réflexion pour la revanche, réflexion confiée à un groupe d’experts de haut niveau.

Ceux-ci proposent de procéder à une réorganisation totale du bateau de l’université A.

Il est décidé de rédiger un manuel qualité, des procédures d’application, des documents de suivi. Une nouvelle stratégie est mise en place, basée sur une forte synergie. Elle doit améliorer le rendement et la productivité grâce à des modifications structurelles. On parle de Zéro Défaut, de Qualité Totale. La nouvelle équipe supervisée par Mc Delsen comprend désormais un directeur général d’aviron, un directeur adjoint d’aviron, un manager d’aviron, un superviseur d’aviron, un consultant qualité, un contrôleur de gestion, un chargé de la communication interne, un barreur et… un rameur !

Il est demandé au rameur de rédiger un rapport d’activité tous les vingt coups de rame. Il est par ailleurs prévu une brève réunion de suivi et d’évaluation des objectifs tous les kilomètres.

La course a lieu et l’équipe A termine cette fois avec trois kilomètres de retard sur l’équipe B qui s’obstine à fonctionner avec un barreur et huit rameurs !

Le doyen et les consultants de Mc Delsen sont profondément humiliés et prennent une décision rapide, mais logique et courageuse : ils licencient le rameur, celui-ci n’ayant pas atteint ses objectifs ; ils vendent le bateau et annulent la mission ainsi que tous les investissements prévus pour la réorganisation.

Avec l’argent ainsi économisé, le doyen rénove son bureau, et l’associé Mc Delsen en charge du projet octroie une prime aux managers et aux superviseurs ; il augmente les salaires des directeurs et s’attribue une indemnité exceptionnelle de fin de mission.
Commenter  J’apprécie          40
Il a fallu élaborer des standards de travail. Ces standards définissent la manière de bien travailler. Il suffit alors de faire glisser progressivement la notion de compétence (je connais mon travail) vers celle de Qualité (je fais mon travail comme l'indique le standard) pour maintenir la domination. Ce standard de travail peut porter des noms variés : norme, directive technique unifiée, certification, cahier des charges, recommandation, procédure ...

C'est le principe qui compte : l'agent n'est plus jugé sur ce qu'il sait faire, mais sur son aptitude à suivre une procédure préétablie et imposée par la hiérarchie.
Souvent, cette procédure émane d'un autre type de diplômé, qui a suivi une formation différente censée faire de lui un cadre (terme d'origine militaire).

Or, l'expérience montre que la corrélation entre ce niveau de qualification et l'aptitude à la fonction managériale n'est pas automatique.
Peut-être tout simplement parce que cette aptitude à motiver et diriger les hommes, qui est souvent constitutionnelle, ne fait pas partie des critères de sélection à l'entrée de ces formations.
Il est souvent reproché à ces cadres diplômés de manquer de pragmatisme, de bon sens, de méconnaître le terrain, de vivre dans l'aveuglement spécifique des élites coupées de leur base.

En quelques années, la notion de qualité du travail s'est déconnectée du produit ou du service final et encore plus de la compétence de son effecteur.
Un travail de qualité est désormais un travail qui suit les règles.
Un travail effectué hors règles n'est pas un bon travail, même si son résultat paraît conforme à ce que l'on en attendait. L'évolution de l'appréciation de la qualité dans le domaine de la médecine constitue un exemple intéressant.
Commenter  J’apprécie          30
Mais il faut d'abord que je vous explique pourquoi c'est un médecin qui va vous raconter cette histoire.

Si je suis docteur en médecine, je ne suis diplômé ni en sociologie, ni en anthropologie, et encore moins en sciences politiques ;
mais je pratique une médecine globale que l'on appelle générale.
Des milliers de personnes, de milieux et d'âges variés, se sont succédé dans mon cabinet pour y déposer leurs souffrances et me raconter leurs vies.
Les sociologues appellent ces échanges des "entretiens qualitatifs".
Cette pratique m'a beaucoup appris sur la nature humaine, sa complexité et la richesse des interactions entre les êtres.

J'exerce intensément une autre activité passionnante et instructive : les échanges virtuels. Immergé dans le réseau Internet depuis 1995, j'ai créé en 1999 un site communautaire (...) Des millions de messages ont été postés sur ses forums dédiés à telle ou telle maladie ou à l'avenir de la médecine.
Ce que j'y ai lu ou écrit, les rencontres que j'y ai faites et les conflits que j'ai dû y arbitrer ont fait de moi ce que l'on appelle désormais un community manager.
(...) J'ai également échangé des milliers de courriels avec des confrères sur des listes de discussion. Ces échanges professionnels m'ont permis de tisser un riche réseau social.
Sans ces multiples rencontres virtuelles et réelles, sans les critiques et les remises en cause permanentes de mes idées ou convictions sur les listes de discussion, je n'aurais jamais pu écrire ce livre (...)

Cette double culture de la nature humaine et de la vie communautaire sur Internet déborde largement le domaine de la santé.
Ajoutez la biologie et la génétique intégrées à la formation médicale, quelques lectures et rencontres, et vous obtenez le parcours transdisciplinaire qui peut expliquer mon audace face à un sujet d'une telle ampleur.

Je vais bien sûr vous parler de médecine, mais pas en tant que sujet principal.
J'y puiserai des exemples, des analyses ancrées dans ma réalité, et peut-être la vôtre, pour vous aider à comprendre comment notre société a pu arriver à un tel point de dysfonctionnement social.

La médecine va mal, et rares sont ceux qui ne l'ont pas constaté pour eux-mêmes ou leurs proches. (...) éducation, travail, administration, commerce.
Le malaise est structurel et général.
Commenter  J’apprécie          30
Nous montons tous les matins dans l'autobus de la production en sachant qu'il fonce en klaxonnant vers un mur que nous espérons le plus loin possible.
Commenter  J’apprécie          30
C'est alors que Google est arrivé.

(...) la pertinence d'une information sur le Web peut se déduire du sociogramme qui l'entoure. Je devrais logiquement parler d'infogramme plutôt que de sociogramme, car les liens Internet concernent des pages plutôt que des êtres humains. Mais ces liens sont créés par des auteurs humains et comportent une dimension sociale.
D'ailleurs, le célèbre schéma qui illustre ce sociogramme, appelé Page-Rank par son auteur Larry Page, représente des visages et non des pages.

La taille du smiley figurant une page traduit sa notoriété. Celle-ci dépend à la fois du nombre de liens qui pointent vers elle et de la notoriété de celle qui crée le lien. (...) Le fondement du Page-Rank est aussi simple que les critères d'affinité entre jeunes filles de Jacob Moreno. (...)
- Google commence par sélectionner les pages qui contiennent le mot "trombone".
- Il analyse ensuite dans ces pages les liens (cliquables) qui conduisent d'une page à l'autre au sein de cette présélection.
- La page la plus citée par les autres est censée être la plus pertinente.

(...) ceux qui maîtrisent un sujet sont les mieux placés pour savoir qui est le plus qualifié dans leur domaine. Il n'est pas nécessaire que tout le monde soit d'accord : l'analyse statistique et pondérée de ces liens subjectifs apporte une information supérieure à celle qui résulte de l'analyse de son contenu.

(...) Le mot "pondéré" est important. (...) Un lien provenant d'une page à forte notoriété a plus de poids pour augmenter celle de la page vers laquelle il pointe. Nous retrouvons un comportement humain constant : nous avons surtout confiance dans une information qui nous est recommandée par des journalistes réputés ou des amis dont nous connaissons la compétence.
Nous pondérons naturellement la fiabilité ressentie d'une information en fonction de sa source.

Beaucoup d'internautes croient encore que Google se contente de proposer les pages les plus populaires, les plus souvent vues. Ce n'est pas le cas.
Le mot "populaire" est ambigu. Il s'agit des pages les plus liées (et non vues) par ceux qui connaissent le domaine et ont écrit à son sujet.
Commenter  J’apprécie          29
Notre civilisation devient trop complexe et évolue trop vite pour rester prévisible. Nous atteignons les limites du mode d'organisation fondé sur la planification et l'analyse préalable.
L'énergie désordonnée et vaine que nous déployons pour tenter de franchir cette limite ne fait qu'accélérer notre chute car nous cherchons à mettre en œuvre encore plus de planification et donc de dés/organisation.
Commenter  J’apprécie          20
Outre les désastres que chacun peut constater au quotidien, il existe quelques arguments très forts pour penser que l'organisation hiérarchique et planifiée n'a aucun avenir dans les systèmes humains de taille importante.

Tout d'abord, il suffit d'étudier le vivant. La civilisation humaine moderne est le seul exemple de ce type d'organisation. La durée totale de nos expériences civilisatrices éphémères est une fraction de seconde à l'échelle de l'histoire de la vie sur Terre. Aucune autre espèce organisée dépassant le millier d'individus et qui aurait appliqué un modèle hiérarchique et une planification de l'action n'est parvenue jusqu'à nous.

Il est permis de penser que cette réalité repose sur une contrainte universelle qui s'est imposée aux tentatives du vivant dans ce sens. Pourtant, le modèle hiérarchique est ancien et courant dans les espèces évoluées vivant en groupes de taille moyenne, et les espèces grégaires à effectifs importants sont nombreuses.

Certes, me direz-vous, nous dominons le monde !
Oui, mais depuis si peu de temps ...

L'homme est à ce jour le seul exemple vivant de ce modèle d'organisation.
Je vous rappelle que la reine des abeilles ne commande personne, c'est un appareil reproducteur collectif. Le fonctionnement des insectes sociaux est hétérarchique, c'est-à-dire que l'autorité individualisée est un concept absent dans la ruche ou la termitière. L'autorité est assurée collectivement par tous.
Un sujet qui menace la collectivité est éliminé par ses congénères sans que cela passe par une décision autoritaire. Cela n'empêche pas ces insectes de construire des merveilles architecturales sans aucun plan apparent et de vivre en harmonie dans des colonies de plusieurs millions d'individus.

Les bancs de poissons, les oiseaux grégaires sont également organisés sur des rapports sociaux excluant la notion de hiérarchie. Ce n'est peut-être pas par hasard.
Commenter  J’apprécie          20
La médecine avait pour projet initial de soigner les malades.
En glissant vers la prévention, elle a obtenu quelques succès : forte raréfaction des accidents vasculaires cérébraux grâce au traitement de l'hypertension artérielle, dépistages utiles comme celui du cancer du col de l'utérus, prévention des conséquences du diabète. Mais la limite qui sépare l'action bénéfique de la prévention intempestive est vite franchie.

Je vais tenter de démontrer que la maladie qui affecte notre société obéit aux mêmes déviances : s'obstiner à agir en aggravant la souffrance, détruire en croyant prévenir. Cette maladie s'appuie sur des instincts de domination qui conduisent les dirigeants, les dominants, à se croire investis d'une mission organisatrice et planificatrice, au lieu de se contenter d'être de bons stratèges, ce qui est pourtant leur mission première.

Avant de chercher à modifier, réorganiser, déplacer, démonter quoi que ce soit (...) chacun devrait toujours s'interroger sur le danger ou l'altération potentielle que cette intervention peut provoquer. Une des valeurs fondamentales du médecin est Primum non nocere : avant tout, ne pas nuire.

Ce principe est de plus en plus oublié, en médecine comme ailleurs.
Si l'action préventive intempestive peut être néfaste, un autre travers humain peut en décupler le pouvoir de nuisance : l'organisation rigide et normative.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (24) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Ecrivain et malade

    Marcel Proust écrivit les derniers volumes de La Recherche dans une chambre obscurcie, tapissée de liège, au milieu des fumigations. Il souffrait

    d'agoraphobie
    de calculs dans le cosinus
    d'asthme
    de rhumatismes

    10 questions
    282 lecteurs ont répondu
    Thèmes : maladie , écriture , santéCréer un quiz sur ce livre

    {* *}