Pourquoi les gens sont-ils tellement attachés à leurs chiens ? Parce que c’est le compagnon idéal. Pas d’engueulade possible avec un chien. Un chien ne dit jamais rien, et on peut lui dire ce qu’on veut. Le mari, l’amant, la femme ou la maîtresse ne seront jamais aussi soumis, dépendants et accros aux caresses qu’un chien. Le principal défaut de l’âme sœur, ce n’est pas son manque de docilité ou le fait d’avoir la migraine plutôt qu’envie de faire des câlins. Non, son principal défaut, c’est de vieillir et de mourir. Un chien, c’est pratique. Quand ça meurt, ça se remplace. La même race, la même couleur, et hop ! c’est reparti ! Je parle surtout des gens seuls accrochés à leurs chiens. Et ils ne peuvent plus être reliés à quelque chose ou à quelqu’un autrement que par une laisse. Ils disent que plus ils connaissent les hommes, plus ils aiment leurs chiens. Ils ont définitivement rejeté le monde autour d’eux. En laissant des petites crottes partout, ils veulent se donner raison de rejeter ce monde. Au mis comme ça, ils sont sûrs que partout c’est effectivement la merde. Et vu l’état de nos trottoirs, on peut fièrement affirmer que nous autres Français sommes ceux qui ont le plus au monde peur de vieillir et de mourir.
Quand j’étais petit, un jour, j’ai vu que l’on vidait l’appartement du voisin. Toutes ses affaires étaient entassées dans la rue. Mon père m’a dit que le voisin était mort. J’étais fasciné par cette montagne vertigineuse, tout ce qu’un homme avait accumulé en une vie et dont personne ne voulait. Le soir, il ne restait plus rien, les éboueurs étaient passés.
On ne fait pas les mêmes rêves d’un lit à l’autre. Je suis à un carrefour dans une petite voiture. Des camions arrivent à toute vitesse et m’empêchent de passer. Ça y est la voie est libre. C’est à moi, enfin. Mais je ne sais pas conduire. Voilà le genre de rêve que je fis depuis que j’ai déménagé.
Le matelas est trop mou. C’est un lit à ressorts. Et moi, je veux un lit à lattes. Et puis, c’est un vieux lit. On ne sait pas qui a dormi dedans, y en a qui sont morts peut-être… Je ne peux pas supporter cette idée.
Il existe une partie du cerveau où se cachent tous les souvenirs qu’on veut oublier. Au début, cette partie du cerveau est aussi petite qu’un point. Ensuite, elle grandit au fur et à mesure qu’on a des choses à oublier… Jusqu’à prendre la forme d’un losange. C’est une sorte de terrain bien délimité et bien gardé. C’est difficile d’y déposer des choses, mais une fois que ça y est, on est sûr que ça reste et que ça ne dépasse pas. Parfois, on se met au bord et on regarde ce qu’il y a à l’intérieur du losange des oublis. Ça fait un peu peur parce qu’on ne distingue pas grand-chose et, en même temps, on est effrayé par ce qu’on risquerait d’y trouver. Avec le temps, sa surface devient poreuse. Il y entre et il en sort des choses de manière anarchique. Brusquement on se souvient de ce qu’on croyait avoir oublié définitivement. Et un souvenir qu’on pensait garder pour toujours disparaît.
Bien, les amis, on se met au boulot… Il y a un appel d’offre de la mairie. Le sujet est épineux : les crottes de chien.
Je suis content d’être avec vous.