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Critique de Carolina78


Catherine Monvoisin, alias La Voisin, est au centre de « l'affaire des poisons », une série de scandales survenus entre 1676 et 1682, sous le règne de Louis XIV, où sont impliquées plusieurs éminentes personnalités de la haute noblesse.

La Voisin est à la fois, empoisonneuse, chiromancienne, avorteuse et sorcière.

Elle est arrêtée alors qu'elle complotait, pour le compte de la Marquise de Montespan, une de ses fidèles clientes, en vue de tuer le roi Louis XIV.

Elle meurt brûlée sur l'échafaud le 22 février 1680.

Elle avoue avoir tué 2 500 nourrissons.

Sa fille Marie Marguerite est emprisonnée et sommée de passer aux aveux.

Que va devenir Marie Marguerite ? Que va-t-elle avouer ?

Avec cette histoire effroyable, nauséabonde, inimaginable, Isabelle Duquesnoy, à l'aide de nombreux documents historiques, notamment les aveux de la fille, reconstitue la trajectoire de la Voisin à travers Marie Marguerite.

La Chambre des Diablesses suit une escalade dans l'horreur, qui débute avec les philtres d'amour et culmine avec les messes noires et le sacrifice de nourrissons – aucun détail sordide ne nous est épargné.

Avec une matière aussi noire, Isabelle Duquesnoy réussit avec talent à construire un thriller servi par une écriture singulière et distrayante. Elle trouve un bon compromis entre le côté irrévérencieux, notamment vis-à-vis des prêtres et des bonnes soeurs qui seraient de sacrés chauds lapins, la lubricité de la Voisin, et le faste clinquant du règne du roi soleil.

La Voisin reçoit dans sa maison au 23-25 rue Beauregard à Paris. Tous les jours une foule se presse à sa porte, non seulement des riches mais aussi des pauvres, les uns étant clairement séparés des autres (files, chambres d'accueil différentes). En souvenir de ses origines modestes, elle prodigue la charité aux nécessiteux.

Elle crée l'illusion avec des jeux de lumière, une « lanterne de peur » (lanterne magique) et des tours de magie. C'est un spectacle où elle et ses complices revêtent des habits de scène tape à l'oeil.

Elle tient à faire étalage de sa richesse avec des meubles du dernier cri, et à renfort de réceptions, avec mets couteux et belle vaisselle.

Elle dispose d'un nombreux personnel à son service, aussi bien pour les tâches domestiques que pour les basses oeuvres.

Les formules chimiques de ses potions sont aussi surprenantes que terrifiantes.

« Après avoir lu les aveux de la fille Monvoisin, Louis XIV convoque en privé Mme de Montespan et lui dit : " Par amour ? Vous osez parler d'amour quand vous m'avez fait avaler toutes sortes d'immondices qui auraient pu me mener au trépas ? de la bave de crapaud, un coeur de nouveau-né réduit en cendres, de la semence de puceau et que sais-je encore ? » (p.226)

« - Oui, Mère. J'ai vidé deux testicules de sanglier et des pustules de crapaud. Vos artichauts cuits ont été passés au pilon, ainsi que l'oeil de vipère et les crottes de renard. Mais en ce moment je ne trouve pas de cantharides sur les troncs d'arbre ». (p.214)

Il y a aussi l'Eau d'« Avium Risus » du prêtre Guibourg qui provoque la mort par le rire.

C'est troublant de noter qu'à l'époque, les sorcières se servent de placenta, d'organes de nourrisson, de crapauds, de chauve-souris, de sangliers, de renards, de vipères… comme produits de consommation courante.

Sinon, La Chambre des Diablesses abonde en passages grivois (pour ceux que ça intéresse, voir les citations).

Isabelle Duquesnoy a un style fluide, simple et agréable, où elle glisse savamment quelques mots archaïques (ou peut être inventés ?) qui enjolivent le récit sans l'alourdir : « rabonnir », « baboles », « barbidau », « belître », « galopine », « poufiotes », « pêtouilles », « bourgeouilles », « Squinquerque » …

La réalité dépasse la fiction. Nous nous prenons à imaginer cette époque si lointaine où les sorcières avaient pignon sur rue.

Comment est-on passé du XVIIème siècle à notre XXIème siècle ?

Comment est-ce possible qu'il y ait eu des messes noires où on sacrifiait des nourrissons ?

Comment est-ce possible d'empoisonner son mari, voire ses enfants, pour obtenir richesse ou partir avec un amant ?

Nous vivons dans un monde rationnel où les sorcières sont devenues des légendes.

Je pense que pour qu'il y ait des sorcières, il faut une conscience collective qui croit au surnaturel. Plus nous avançons dans le progrès technologique et la robotisation, plus nous devenons incrédules.

J'ai suivi ma babelamie Nico (NicolaK) sur le chemin de la Chambre des diablesses. Je tiens à la remercier de m'avoir fait faire un pas de côté hors de mon vivier familier.
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