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sur 257 notes
Monsieur de la Reynie, je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.
Ma mère ne portait aucune trace de supplice
Cela signifie qu'elle a reconnu ses vices immédiatement
avec ou sang intervention de vos exécutants
La Voisin a reconnu ses maléfices...
A vous, M. le Lieutenant de Police
Pourquoi, suis-je enfermée à mon tour
Moi sa fille, depuis trois ans dans cette tour ?
Je vous écris cette bafouille
Non pour vous livrer aux plaisirs arsouilles
Point pour me plaindre de mon sort
mais vous mander de quoi améliorer mon confort
Je vous livre les secrets de la devineresse
Les (nombreux) rapports entre le roi , ses favorites et Xavier Dupont de Ligonnès
Certes ma mère a sacrifié plus de deux mille enfants
N'était-ce pas pour exaucer les voeux d'une Montespan !?
On me fait, à moi innocente, payer une faute que je n'ai pas commise;
Passeriez-vous à la Question, ces dames de Compagnie ou mieux, leur Marquise !?
Mais puisque l'important n'est qu'un détail
Malgré Ordonnance il n'y a rien qui vaille
Alors Vices et Versailles.
Monsieur de la Reynie, prévenez vos gens d'armes
A chaque tourment, un remède de bonne femme
A chaque goutte de sang versé,
Une larme ne cesse de couler...
Certains exercent leur folie meurtrière au nom de Dieu
L'enfer n'est plus chez moi mais bel et bien chez vous monsieur
Mais l'époque a changé
Les hommes n'ont plus besoin de moi
Oui l'époque a changé
J'ai tout perdu depuis que les hommes font bien pire que moi
Le diable s'habille plus en Prada
La Voisin ne participe plus au Sabbat
Un grand merci pour ce Roman Historique
aux Editions Robert Laffont,
à Isabelle DUQUESNOY
et toujours bien sûr à Masse critique.

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Ce livre, dont j'ignorais le contenu pour ne pas changer, m'a secouée comme il m'arrive très rarement. Après l'avoir refermé, j'en avais les jambes qui tremblaient, au sens propre du terme.

J'annonce donc d'emblée qu'on ne ressort pas indemne d'une telle lecture.
Très bien écrit, ou du moins quasiment transposé, puisque l'autrice a consulté les textes d'origine pour nous les rendre abordables à nous, qui lisons rarement le français du XVIIe siècle.

L'empreinte durable, à mon avis, vient du fait qu'il ne s'agit pas d'une fiction.
Du reste, quelques images d'époque surgissent une poignée de fois au cours du récit.

La narratrice est Marie-Marguerite Monvoisin, fille de Catherine Monvoisin, surnommée la Voisin.
Son récit commence le 28 mars 1680, jour de l'exécution publique de sa mère (à 40 ans tout juste) et la jeune fille (à peine 21 ans) finit le chapitre par cette phrase :
*
"La seule vérité sur la mort de ma mère est celle-là. Il ne faut pas en accepter d'autre, ce serait une menterie."
*
Ayant été elle-même emprisonnée, vient ensuite son premier billet adressé à M. de la Reynie, premier lieutenant général de police de Paris, pour tenter d'obtenir sa grâce et sa libération.
Pour ce faire, Marie-Marguerite confessera tout ce dont elle a été témoin des actes de sa mère depuis l'âge de 6 ans.

Ce "récit" nous fait plonger dans l'existence de la maisonnée : Antoine, le père, Catherine, la mère, Marie-Marguerite la fille, la grand-mère, et une fidèle servante.
Et tous les personnages secondaires dont s'entourait la Voisin sont parfaitement croqués.

Le livre a une redoutable efficacité, au point qu'on visualise parfaitement tout ce qui se passe au fil des pages, et je dois dire que c'est passionnant.
En plus d'apprendre tout ce que faisait la Voisin, son entourage n'est pas mis de côté, et on a un très bon aperçu de la société de l'époque.
Les Grands de ce monde, les plus modestes, les miséreux, et bien sûr, l'église, par l'intermédiaire de ses in-dignes représentants.

Quand on nous apprend l'H.istoire, les côtés sombres sont largement survolés et la vie sous le règle du Roi Soleil ne brille pas tant que ça lorsqu'on y regarde de plus près.

Je vous laisse découvrir le reste. Je suis vraiment emballée par cette lecture, très instructive malgré les passages éprouvants, du moins pour moi qui n'en connaissais qu'à peine les grandes lignes.
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J'ai adoré les précédents romans d'Isabelle Duquesnoy, « L'embaumeur » et « La Pâqueline ou les mémoires d'une mère monstrueuse ». Alors, lorsque l'opportunité m'a été offerte de découvrir le tout nouveau roman de l'autrice, la tentation était trop grande et c'est avec un plaisir non dissimulé que j'y ai succombé. J'en remercie l'équipe de Babelio, les éditions Laffont et Isabelle Duquesnoy pour ce très beau cadeau.

Ce récit historique nous plonge sous le règne de Louis XIV, entre 1679 et 1682, au coeur d'une sombre affaire qui va secouer la monarchie et la noblesse courtisane. Sous fond d'empoisonnements, de sorcellerie, de rites occultes, de messes noires, cette affaire va provoquer un véritable scandale politique et donner lieu à une chasse aux sorcières.

*
Lorsque le roman démarre le 22 février 1680, une foule est rassemblée en place de Grève pour assister à l'exécution de la célèbre Catherine Monvoisin, surnommée la Voisin.
Condamnée à être brûlée vive, elle fera partie des 36 condamnés à mort pour actes de diablerie.

*
Marie-Marguerite Voisin, sa fille, est emprisonnée à Vincennes, comme beaucoup d'autres. Accusée de complicité, « La chambre des diablesses » est le récit de sa confession.

« Mais qui se risquerait à fricoter avec cette jeune fille, que l'on dit née d'une orgie entre le diable et une sorcière ? On raconte qu'elle n'a pas de nombril, et qu'elle porte un troisième téton caché sur son corps. Preuve de son appartenance à la famille des démons. »

Dès son plus jeune âge, elle a été initiée à la distillation des plantes, à la fabrication de pommades miraculeuses, de poisons. Elle connaît tous les secrets de sa mère et a été témoin des allers et venues de riches clients issus de la noblesse et de la cour, dont la favorite du roi, Athénaïs de Montespan.

« L'ambition de ces couillons est le lit de ma richesse. »

Dans l'espoir de ne pas être torturée, ni exécutée, elle va raconter comment sa mère, au départ sage-femme, va se tourner vers des activités illégales, l'avortement, la divination, la chiromancie, la cartomancie, la sorcellerie, jusqu'à bâtir un commerce excessivement lucratif et se retrouver impliquée dans des messes noires et une tentative d'empoisonnement contre le souverain.

"N'oublie jamais ça : je vends des remèdes à des femmes désespérées qui n'ont aucun droit ni aucun moyen honorable de gagner leur propre argent.
Telle est la misère des nobles clientes qui fréquentent ma maison.
De quoi nous les faire prendre en pitié quelquefois."

S'il n'y a aucun suspense quant au sort de la Voisin, le lecteur se demande jusqu'au bout quel sera celui réservé à la jeune femme à laquelle on ne peut que s'attacher.

*
Ainsi, Marie-Marguerite nous fait entrer dans l'intimité de la plus célèbre des empoisonneuses, une femme mystérieuse, fascinante. On l'imagine aisément intelligente, réfléchie, flatteuse, insensible, redoutable, mais à la lumière des révélations faites, le lecteur la découvre aussi libertine, infidèle, terriblement grossière et vulgaire.
J'aime lorsqu'Isabelle Duquesnoy est provocante, insolente, inconvenante. Ici, la personnalité de la Voisin se marie parfaitement avec la plume expressive et enlevée de l'autrice qui n'hésite pas à l'affûter, offrant, pour le plus grand plaisir des lecteurs, un texte irrévérencieux, d'une vivacité acérée et mordante.
Ses personnages, saisissants de vie, sont croqués avec profondeur.

*
Alternant narration et correspondances adressées à La Reynie, lieutenant général de la police de Paris en charge de l'affaire des poisons, j'ai été totalement transportée dans le Paris de XVIIème siècle.

« Sa Majesté sait-elle qu'un demi-million d'âmes parisiennes luttent pour survivre ? Nos rues ne sont peuplées que de fripons, occupés à ruiner le provincial. L'on dit que les devineresses sont les pires diablesses ? Mais les rues chantent partout : « Les procureurs sont des voleurs, les demoiselles du Marais ont la vérole, le cabaretier vend du poison à boire, le meilleur médecin n'est qu'un assassin, les joueurs sont des tricheurs et vite, quittons cette ville infâme… » »

A travers le portrait des deux femmes, se dessine celui d'une époque de faste, où splendeur rime avec faveur, séduction avec ambition, préséance avec médisance, cupidité avec rivalité, influence avec concupiscence, ennui avec jalousie.
L'autrice nous dépeint avec beaucoup de réalisme, la cour du Roi Soleil, à la pointe de l'élégance et de la grâce, mais cachant assez mal la crasse et les traces de maladie de peau sous les fards, les onguents et les parfums.

« … les minauderies et les situations correspondent bien à l'époque. Les fastes de Louis XIV comme ses perruques ont couvert la décadence des aristocrates, leur crédulité, leur corruption. Et la condition pitoyable des femmes, riches comme pauvres. »
- Prologue -

A la lecture de ce roman, on appréhende aisément le sérieux travail de recherche qu'Isabelle Duquesnoy a effectué dans les archives relatant le procès, mais aussi dans les différents écrits décrivant les moeurs, les croyances, la vie quotidienne et le statut des femmes de l'époque.

« Par exemple, lorsque le maître de maison meurt, on doit toujours les avertir. Les maisons qui rechignent à leur annoncer le décès payent cher cette étourderie. Eh oui ! Quand on oublie de les prévenir, les abeilles retournent butiner… Et deux jours plus tard, leur miel a un goût de larmes. Il devient salé et il ne guérit plus les maux. »

Dans le prologue, l'autrice souligne le travail délicat d'écriture entre une rigueur historique, un français classique du XVIIème, et un vocabulaire abscons plus usité.

*
Le monde de l'occulte est passionnant, mais forcément dérangeant. Avec l'aide de l'abbé défroqué Guibourg et d'un escroc du nom de Lesage, la Voisin n'a pas hésité à empoisonner, pratiquer des avortements, organiser des messes noires où des nourrissons et des jeunes enfants étaient sacrifiés.
Le récit est glauque, effarant, violent, mais également très prenant, car l'horreur est atténué par le regard moqueur, railleur de l'empoisonneuse et par des descriptions qui suggèrent plus qu'elles ne disent. L'écriture de l'autrice suscite ainsi un curieux mélange de fascination et de répulsion, d'enthousiasme et d'aversion.

*
Pour conclure, Isabelle Duquesnoy excelle à brosser des portraits passionnants. Celui de la Voisin, femme de caractère, sans morale et meurtrière, est superbement restitué.

Historienne, diplômée d'histoire des arts et de restauration des oeuvres d'art, l'autrice réussit avec beaucoup de talent à rendre l'Histoire de France captivante. Son style plein de morgue, d'autosuffisance et de désinvolture fait de cette lecture, un récit original et truculent qui change des romans historiques plus austères.

Une rencontre saisissante, à découvrir bien sûr.
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Diablesse : meschante femme qui crie & tourmente toûjours son mary, ses domestiques, ses voisins, et ne peut vivre en repos avec personne. (Incipit)
Quel plaisir de retrouver Isabelle Duquesnoy dont j'avais dévoré la truculente Pâqueline !
Avec son nouvel ouvrage, l'excellente autrice de romans historiques nous fait découvrir l'un des plus grands scandales de la cour de Louis XIV, l'affaire des Poisons, une véritable affaire d'État, au coeur de laquelle se trouve Catherine Monvoisin dite La Voisin, empoisonneuse en titre !
Les chapitres alternent entre la vie de la Voisin, et les lettres de confession rédigées par sa fille Marie-Marguerite à l'officier de police La Reynie, dans le but de sauver sa peau, après que sa mère a été brulée vive sur un bucher en place de Grève.
Tout d'abord accoucheuse, avorteuse, Catherine Monvoisin, diseuse de bonne aventure, va petit à petit fabriquer des poisons de toutes sortes pour tuer les riches maris qui tardent à mourir ou trop occupés à culbuter leurs multiples maîtresses (selon dires de leurs épouses bien-aimées).
Alors Catherine rend service, en particulier, aux gens riches, et petit à petit elle va se faire un nom à la cour du Roi. Duchesses et marquises lui envoient prestement leurs petites bonnes acheter philtres d'amour, incantations, messes noires puis poisons, distillations d'enfants (bah oui quand même) …
Je suis ressortie de cette lecture étourdie par la découverte de ce pan de l'Histoire.
La description de la relation mère fille entre Catherine et Marie-Marguerite est très réussie, l'humour acide délicieux. Mais attention, nous sommes dans l'antre d'une véritable diablesse, et les horreurs commises par La Voisin se dévoilent peu à peu, le lecteur frissonne en pensant que tout cela n'a pas été que fiction...
Catherine Monvoisin se révèle terrifiante, d'une incroyable cruauté, mais Isabelle Duquesnoy nous en présente habilement plusieurs facettes ; cette femme hors du commun possède une personnalité complexe, d'une indépendance incroyable pour l'époque, avant-gardiste dans sa façon de vivre, libre de tout carcan et préjugés. C'est elle qui entretient son fainéant de mari, le trompe allégrement, se livre à une sexualité débridée tout particulièrement avec les curés qu'elle apprécie pour leur discrétion. Mais également, elle n'hésite pas à aider les femmes les plus pauvres auxquelles elle ne demande presque pas d'argent, et semble se sentir investie d'une mission salvatrice donnée par le pouvoir d'être l'ultime recours des femmes en détresse.
Les bons mots fusent, les expressions imagées issues de l'imagination débordante de l'autrice font mouche, certaines phrases sont d'anthologie, et j'en ris encore en y repensant plusieurs jours après ma lecture !
J'ai cependant regretté d'avoir trouvé cet ouvrage un ton en dessous dans la truculence que j'avais tant appréciée chez La Pâqueline, j'y ai trouvé un peu moins de verve et de vivacité, mais peut-être l'effet de surprise lié à la découverte de l'auteure s'est-il dissipé.
Je termine en tout cas cette lecture le sourire aux lèvres, et je ne résiste pas à l'envie de partager une petite recette de sa mère livrée par Marie-Marguerite, les ingrédients d'un philtre d'amour à saupoudrer dans le repas de l'élu de son coeur : à vos fourneaux !
« Ces poudres étaient pour l'amour, composées tantôt d'une manière, tantôt d'une autre, d'après ses diverses formules de sorcellerie. Il y entrait des mouches cantharides, de la poussière de taupes desséchées, du sang de chauves-souris et les plus ignobles ingrédients. On en faisait une pâte qui était placée sous le calice durant le sacrifice de la messe et béni par le prêtre au moment de l'offertoire.
Le roi avalait cette composition, mêlée aux confiseries que Madame de Montespan lui faisait becqueter le soir. À de nombreuses reprises, j'ai été chargée de collecter les mouches et de les écraser, puis de les faire sécher pour le compte de ma mère. Il ne s'agit pas véritablement d'une mouche, mais d'une sorte de scarabée vert, d'un très beau vert, lustré et vif, qui vit en colonie sur les troncs de lilas, de frêne et de sureau. » (p.288)

Si ça vous a plu, alors je vous propose un petit florilège de citations horribles et/ou fort réjouissantes, car j'ai en emmagasiné bien trop pour les poster au fil du temps, je ne vais pas y passer le mois ! Voilà de quoi vous donner le sourire et/ou vous horrifier -voire les deux en même temps (enfin j'espère) … et bien sûr vous mettre en appétit pour cette réjouissante lecture.
Attention, je vous préviens cependant certaines sont un peu hard / gratinées si vous lisez ce billet à l'heure du petit-déj !

***
Désormais Marie-Marguerite savait prendre sa part sans affolement. Dès que pointait une petite touffe de cheveux, la Voisin empoignait tout ce qui lui tombait sous la main : lampe à huile, crochet de balance romaine ou pelle à feu.
Alors, forcément, il n'était pas rare qu'elle déchiquette un peu le nouveau-né. Ou qu'elle blesse la petite tête, dans la difficulté à la sortir. Mais nul ne lui en faisait le reproche, car les femmes étaient résignées : les chirurgiens et les sages-femmes mettaient souvent leur nourrisson en pièces.
(p.31)

***
- Ton père est un mollasson, lui expliqua sa mère. Tous les hommes travaillent au labour, sur les foires ou dans les auberges. le mien ne fout rien, et il mange comme quatre. Tu l'entends me donner des ordres ? ” Femme, apporte-moi du vin ! Femme, fais-moi servir du boudin !". Je dois lui rappeler que je paie des servantes pour ne plus m'esquinter à son confort, et il ose me dire : "Quand le coq a parlé, la poule doit se taire !". Tu verras demain, comment que j'vais lui remettre les noisettes au fond du panier. (p.45)
***
Mais, maintenant, que veux-tu ... Je m'emmerde. On larmiche dans mon salon :« Ouin ! Mon galant ne me désire plus. » Bah, change ! Change d'amant, change de tête, change de ville, change de robe ou lave-toi les dessous-de-bras ! Je ne sais pas...« Ouin ! Mon mari ne me donne pas assez d'argent ! ». Beh, attends qu'il crève. Pourquoi diable, assassiner un vieux mari ? ! C'est tellement plus simple de prendre un amant, ou même plusieurs ! J'en ai bien trois moi, ... (p.142)
***
Édifiée par les bruits s'échappant de la sacristie dans laquelle ils s'étaient enfermés, Marie-Marguerite n'en était plus à se demander si l'abbé Guibourg et Catherine avaient trouvé un arrangement qui les contentait. Elle avait eu le temps de feuilleter à nouveau toutes les images pieuses du livre de messe, avant que sa mère ne lui fournisse la confirmation de leur concorde.
-J'aime badiner avec les prêtres. Les curés, ça bande comme un pont-levis : c'est long à monter, mais c'est du costaud. (p.177)
***
-Jardinier du dimanche, railla-t-elle, qui confonds carotte et panais ! Et ta courgette, là... Elle est tellement grosse qu'elle sera trop dure à manger.
-C'est pas ce que prétend ton Lesage, répondit Antoine.
-Si t'es venu pour me reprocher mes amants, tu peux t'en aller...
Il posa son panier et brandit l'énorme courgette.
Non, je suis sérieux. Adam Lesage m'a dit que les très gros légumes dégénérés sont excellents pour la mémoire...
-Ah ?
-Oui, parce que si je te l'enfonce dans la raie, t'es pas près de l'oublier.
Il guetta avec inquiétude la réaction de son épouse. Elle lâcha sa cornue remplie de liquide rosâtre et pouffa.
(p.180)
***
Puisque ni les messes, ni sainte Ursule, ni la chemise poudrée n'ont eu raison de votre époux, il est temps de passer par l'intérieur...
-L'intérieur ?
- Oui, un lavement. Mais bon... nous ne causons pas dans pissou d'eau tiède, hein !?. Un lavement à l'eau forte qui le dégraissera mieux qu'un ramoneur. Et pour cela, l'acide est miraculeux, vous verrez.
(p. 204.)
***
-Je vais te conter maintenant, poursuivit Catherine à l'adresse de Marie Marguerite, qui comprenait que sa mère tentait de se justifier, le sort des filles nées pauvres, auxquelles je n'ai jamais refusé mes services : naître fille est une malchance, mais chez les gueux, c'est une malédiction. […]
-Reprenons donc, et fais un effort d'imagination. Une fois que les sages femmes, dont j'ai fait partie, ont remodelé le petit crâne qu'elles ont déformé ou écorché, selon ses gênes pécuniaires, on décide d'offrir au ciel cet enfant chétif ou difforme. On le baigne dans l'eau-de-vie, puis on le maillotte et l'entoure d'une ficelle bien serrée, afin de lui raffermir le corps- ça, tu le sais, tu l'as appris avec moi. Vivant ou mort, le nouveau-né coûte toujours trop d'argent. Les maris qui ont eu le temps de tailler un berceau dans une pièce de bois achèvent leur travail, perçant plusieurs trous dans le fond, afin que s'écoulent les urines. On suspend le lit au plafond, façon de protéger le nourrisson des morsures de rats et des coups de becs de poules, que ses yeux larmoyants attirent.
(p.235)
***
Et je vous ai gardée la petite dernière, la plus mignonne pour la fin :
- Est-ce qu'ils dévorent des enfants ?
- Ils sont inoffensifs, assurait-elle d'un ton bienveillant. Et ils adorent les caresses. Veux-tu caresser mes saint-bernard ?
- Oh, oui ! Mais je ne m'appelle pas Bernard.
(p.173)

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Bienvenue au 23-25 rue Beauregard à Paris, dans les petites affaires de la maisonnée des Monvoisin entre mains de pendus, pustules de crapaud et autres charmants expédients.

Catherine Monvoisin, surnommée La Voisin, est sans doute l'une des empoisonneuses les plus connue grâce (ou à cause) de son implication dans l'affaire des poisons sous le règne de Louis XIV. Sa renommée est parvenue jusqu'à nous de mille et une manières. C'est qu'elle en a fait couler de l'encre la diablesse. Sa fille, Marie-Marguerite Monvoisin, surnommée Guiguite par son père, ne connait sans doute pas la même notoriété. Ce sont pourtant ses révélations qui ont fait trembler la sphère des intimes courtisans de Louis XIV, comme la Montespan par exemple, pour n'en citer qu'une.

Mais l'affaire des poisons n'est pas le thème central de ce livre. C'est par la petite porte que nous entrons dans la grande Histoire, la petite porte des Monvoisin, eux et eux seuls, eux et avec tous, eux et contre tous, c'est-à-dire le père, la mère et la fille Monvoisin, autour desquels gravite une « Cour » plus ou moins ragoutante. Je pense à l'abbé Guibourg et dans un autre genre, la noble clientèle de la Voisin, qui n'a rien à lui envier.

Il s'ouvre avec l'exécution de la Voisin le 22 février 1680 brûlée vive en place de Grève, devant une foule venue se repaitre en famille du spectacle, comme d'autres se rendent à une pièce de théâtre, ainsi qu'avec une lettre de Marie-Marguerite (la fille, donc) adressée du fond de sa cellule au lieutenant de police M. de la Reynie.

Deux éléments m'ont principalement gênée dans cette lecture.


Mais au-delà de ces deux éléments, c'est un roman délicieusement abominable qui se lit avec plaisir, malgré le fond parfois insoutenable (je pense notamment aux enfants).

L'écriture gaillarde et enlevée apporte un léger souffle des quartiers populaires du XVIIème siècle.

Le personnage de la Voisin (la mère donc) est sans doute le plus captivant et le plus réussi, quoique le mari ait aussi son charme. J'ai particulièrement apprécié que l'auteure ne tire pas à boulet rouge sur La Voisin. Certes, la dame a des défauts : elle est cupide, ambitieuse et diablement manipulatrice mais il me semble que l'auteure s'attache plutôt à montrer comment une personne peut être amenée selon les circonstances et sous l'influence d'un environnement, à commettre des actes monstrueux. Ainsi, nous découvrons surtout dans ce livre comment La Voisin, sage-femme et pyromancienne de son état a été amenée à devenir une meurtrière. Merci à ma complice Siabelle de m'avoir proposé cette lecture.
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Catherine Monvoisin, alias La Voisin, est au centre de « l'affaire des poisons », une série de scandales survenus entre 1676 et 1682, sous le règne de Louis XIV, où sont impliquées plusieurs éminentes personnalités de la haute noblesse.

La Voisin est à la fois, empoisonneuse, chiromancienne, avorteuse et sorcière.

Elle est arrêtée alors qu'elle complotait, pour le compte de la Marquise de Montespan, une de ses fidèles clientes, en vue de tuer le roi Louis XIV.

Elle meurt brûlée sur l'échafaud le 22 février 1680.

Elle avoue avoir tué 2 500 nourrissons.

Sa fille Marie Marguerite est emprisonnée et sommée de passer aux aveux.

Que va devenir Marie Marguerite ? Que va-t-elle avouer ?

Avec cette histoire effroyable, nauséabonde, inimaginable, Isabelle Duquesnoy, à l'aide de nombreux documents historiques, notamment les aveux de la fille, reconstitue la trajectoire de la Voisin à travers Marie Marguerite.

La Chambre des Diablesses suit une escalade dans l'horreur, qui débute avec les philtres d'amour et culmine avec les messes noires et le sacrifice de nourrissons – aucun détail sordide ne nous est épargné.

Avec une matière aussi noire, Isabelle Duquesnoy réussit avec talent à construire un thriller servi par une écriture singulière et distrayante. Elle trouve un bon compromis entre le côté irrévérencieux, notamment vis-à-vis des prêtres et des bonnes soeurs qui seraient de sacrés chauds lapins, la lubricité de la Voisin, et le faste clinquant du règne du roi soleil.

La Voisin reçoit dans sa maison au 23-25 rue Beauregard à Paris. Tous les jours une foule se presse à sa porte, non seulement des riches mais aussi des pauvres, les uns étant clairement séparés des autres (files, chambres d'accueil différentes). En souvenir de ses origines modestes, elle prodigue la charité aux nécessiteux.

Elle crée l'illusion avec des jeux de lumière, une « lanterne de peur » (lanterne magique) et des tours de magie. C'est un spectacle où elle et ses complices revêtent des habits de scène tape à l'oeil.

Elle tient à faire étalage de sa richesse avec des meubles du dernier cri, et à renfort de réceptions, avec mets couteux et belle vaisselle.

Elle dispose d'un nombreux personnel à son service, aussi bien pour les tâches domestiques que pour les basses oeuvres.

Les formules chimiques de ses potions sont aussi surprenantes que terrifiantes.

« Après avoir lu les aveux de la fille Monvoisin, Louis XIV convoque en privé Mme de Montespan et lui dit : " Par amour ? Vous osez parler d'amour quand vous m'avez fait avaler toutes sortes d'immondices qui auraient pu me mener au trépas ? de la bave de crapaud, un coeur de nouveau-né réduit en cendres, de la semence de puceau et que sais-je encore ? » (p.226)

« - Oui, Mère. J'ai vidé deux testicules de sanglier et des pustules de crapaud. Vos artichauts cuits ont été passés au pilon, ainsi que l'oeil de vipère et les crottes de renard. Mais en ce moment je ne trouve pas de cantharides sur les troncs d'arbre ». (p.214)

Il y a aussi l'Eau d'« Avium Risus » du prêtre Guibourg qui provoque la mort par le rire.

C'est troublant de noter qu'à l'époque, les sorcières se servent de placenta, d'organes de nourrisson, de crapauds, de chauve-souris, de sangliers, de renards, de vipères… comme produits de consommation courante.

Sinon, La Chambre des Diablesses abonde en passages grivois (pour ceux que ça intéresse, voir les citations).

Isabelle Duquesnoy a un style fluide, simple et agréable, où elle glisse savamment quelques mots archaïques (ou peut être inventés ?) qui enjolivent le récit sans l'alourdir : « rabonnir », « baboles », « barbidau », « belître », « galopine », « poufiotes », « pêtouilles », « bourgeouilles », « Squinquerque » …

La réalité dépasse la fiction. Nous nous prenons à imaginer cette époque si lointaine où les sorcières avaient pignon sur rue.

Comment est-on passé du XVIIème siècle à notre XXIème siècle ?

Comment est-ce possible qu'il y ait eu des messes noires où on sacrifiait des nourrissons ?

Comment est-ce possible d'empoisonner son mari, voire ses enfants, pour obtenir richesse ou partir avec un amant ?

Nous vivons dans un monde rationnel où les sorcières sont devenues des légendes.

Je pense que pour qu'il y ait des sorcières, il faut une conscience collective qui croit au surnaturel. Plus nous avançons dans le progrès technologique et la robotisation, plus nous devenons incrédules.

J'ai suivi ma babelamie Nico (NicolaK) sur le chemin de la Chambre des diablesses. Je tiens à la remercier de m'avoir fait faire un pas de côté hors de mon vivier familier.
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En ce moment les sorcières ont la côte. Egéries du féminisme on se revendique sorcière, les publications de grimoires, de recettes de sorcières, … pullullent. La sorcière c'est celle qui a refusé de se plier au patriarcat au risque de finir sur un bûcher. Dans un monde où les hommes ont le pouvoir, l'argent, la politique, les sciences, les médecins, les intellectuels… les femmes ont les sorcières. Elles soignent les maux de leurs soeurs, les accouchent, les aident à avorter s'il le faut, leurs fournissent des remèdes pour des maux que les médecins considèrent comme inventés ou qui ne les intéressent pas. Et de temps à autre elles les débarassent d'un mari violent. Mais à trop vouloir faire des sorcières du temps jadis nos soeurs de lutte il se pourait bien qu'on oublie quelques détails. Heureusement certaines personnes férues d'histoire sont là pour nous parler de l'autre visage des sorcières. Celui de celles qui par appât du gain, rancoeur, quête de pouvoir ont donné naissance à la légende de la sorcière diabolique.

Isabelle DUQUESNOY nous entraine dans les dessous de l'Histoire de France. Celle qu'on a voulu cacher sous le tapis à grand renfort de disparitions de preuves et de témoins. Celle que personne ne nous enseigne à l'école ; celle qui vous fait frisonner, sursauter ; celle qui vous laissera interloquée le coeur bondissant dans votre poitrine et les mains fébriles d'avoir tourné impatiemment les pages.

L'autrice vous entraine dans la chambre des diablesses rencontrait une vraie sorcière. L'une des plus célèbres. de celles qui s'adressent à Dieu comme au Diable sans croire ni à l'un ni à l'autre. Tantôt guerisseuse, tantôt empoisonneuse. Plus ombre que lumière mais la faute à qui ? Sans demande pas d'offre ? Pourtant vous en connaissez vous des commanditaires qui ont fini sur le bûcher ? Non et pour cause c'était l'apanage des sorcières.

Entre connaissances scientifiques épatantes et ésotérisme le portrait que nous dresse Isabelle DUQUESNOY de la célèbre La voisin est sans concession mais non dénuée d'une certaine compassion. Pendant tout le récit j'ai ressenti une certaine ambiguïté dans les sentiments que m'inspiraient cette sorcière. Car après tout une sorcière n'a que sa morale pour rester du bon côté car qu'elle soit magie blanche ou magie noire si elle est dénoncée elle finira tout pareil à rôtir sur le bûcher, parce que sa plus grande faute, quoi qu'elle est fait, restera d'avoir eu du pouvoir, de l'importance.

J'ai été complètement sous le charme de ce récit qui respire l'authenticité et qui m'a transporté dans une autre époque. La plume est saupoudrée de termes d'époque qui donnent un charme fou au récit. Un roman percutant.
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Louis XIV fit tout ce qui était en son pouvoir pour murer dans le silence ce complot contre lui. Amour, mort.... par des filtres, des poisons, des messes sataniques, des enfants sacrifiés.
Raté ! Comme quoi on peut être le Roi Soleil mais l'Affaire des Poisons est arrivée jusqu'à nous. Dans tous ses détails. Car si les dossiers de la Reynie furent détruits, un double en a été conservé et figure à la BNF.
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Isabelle Duquesnoy s'empare de cette histoire, avec une langue, une verve extraordinaires que j'ai aimées. J'ai effectué avec cette langue un voyage dans le temps passionnant aux côtés de Marie-Marguerite Monvoisin, la fille de la Voisin, l'empoisonneuse qui travaillait pour La Montespan entre autres.
Un voyage unique au pays des messes noires, des prêtres défroqués.
Un voyage au pays des filtres d'amour et de mort.
Mais surtout un regard acerbe sur une société dégénérée. Une description de la vie des plus pauvres et de celle des courtisans. Surtout celle des femmes de la Cour. Vous croiserez dans ce livre les plus grands noms.
J'avoue que j'ai eu parfois les cheveux qui se sont dressés sur la tête à la lecture de certaines "recettes"....
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Un roman historique que j'ai dévoré, appréciant les petites notes de la Voisin sur ses clients.
Un roman qui finit sur un épilogue tout aussi passionnant décrivant les sanctions subies : rien pour les femmes de haute naissance (dont la Montespan) et le pire pour ces sorcières coupables de tout.
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La fille de la sorcière

Le nouveau roman d'Isabelle Duquesnoy est… sordide, addictif et superbe !
Cette fois-ci, l'auteur nous entraine à la fin du XVIIe siècle à Paris. Son "héroïne" est Marie-Marguerite Voisin la fille de Catherine Deshayes dite la Voisin.
Cette jeune fille nous raconte l'histoire dite des poisons : une série de scandales impliquant des empoisonnements survenus entre 1679 et 1682, sous le règne de Louis XIV, et qui secouèrent Paris et la Cour, impliquant 442 accusés !

Ne pouvant étouffer ces affaires, le roi créé un tribunal spécial : la «Chambre dite ardente ».car ses audiences se tenaient dans une pièce tendue de noir et éclairée par des torches ou des bougies. Ce qui explique le titre du roman d'Isabelle Duquesnoy.

Madame Duquesnoy a travaillé sur les minutes du procès qui demeurent aux archives ; un travail sérieux et minutieux. Comme l'auteure le précise dans son prologue, "Lire un texte du XVIIe dans sa version originale donne l'impression d'avoir essuyé ses lunettes avec une tranche de jambon" !
Le jeu de l'auteure a donc été de donner l'illusion d'une langue ancienne à son récit (ce qu'elle réussit parfaitement !), avec vocabulaire dépassé, abscons; choquant.
Un exercice d'équilibriste au service de la vraisemblance et de notre bonheur !
Dans un style parfait, incisif, imagé, rempli d'humour, de sarcasmes et de grossièretés, Madame Duquesnoy nous immerge totalement dans ce XVIIe siècle, où tous les complots sont de mise et les empoisonnements pour se débarrasser de maris encombrants, des enfants malvenus ou pour retrouver l'amour de ses amants sont traditionnels !

Le récit est glauque à souhait, transpirant de violences, de secrets de ce siècle de corrompus. L'auteure donne la parole à Marie-Marguerite, la fille de l'empoisonneuse, qui nous conte sa vie, alors qu'elle est emprisonnée et que sa mère a été brûlée vive sur la place de Grève.
Ce récit est entrecoupé par les billets écrits par la jeune fille à Monsieur de la Reynie, le lieutenant général de police de Paris, chargé du procès.
On s'identifie donc totalement avec cette jeune fille dont les conditions de détention sont effroyables : personne ne doit lui parler, enfermée dans une chambre sans lumière…
Elle nous explique comment sa mère accoucheuse, avorteuse, experte en plantes et potions est devenue une prétendue sorcière, mêlée à l'affaire des poisons.

Là, il faut s'accrocher car cette femme n'a le nom de mère que sur le papier ! Elle est vulgaire, infidèle, sans état d'âme mais elle essaie d'inculquer à sa fille ses secrets et surtout à survivre dans ce monde de brutes !

Rien ne vous sera épargné : des avortements, des religieuses débauchées, des mères abbesses meurtrières, des cadavres d'enfants, des secrets de la pire espèce, des relations contre-nature jusqu'aux favorites royales ambitieuses et meurtrières !

C'est ainsi qu'Isabelle Duquesnoy nous narre ce XVIIe siècle, avec truculence et précision historique, loin, très loin des légendes dorées du siècle du roi Soleil !
Ici, tout est effrayant, sordide, sale, bruyant ou feutré selon les évènements…

Lisez ce roman et vous saurez tout sur cette affaire d'Etat, qui a impliqué jusqu'à la maîtresse royale, Madame de Montespan, et de nombreuses personnalités de la Cour !


En relisant ma chronique, ne soyez pas rebutés ou effrayés, ce livre est truculent, passionnant et très aisé à lire !
Un roman envoûtant !

Tellement emballée par ce roman, j'oubliais de remercier vivement Babelio et les Editions Robert Laffont pour ce service de presse !

"Selon que vous serez puissant ou misérable Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir." La Fontaine.
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La lecture c'est parfois pour nous autres lecteurs l'occasion de jeter un coup d'oeil par le trou de la serrure, de se livrer à ce vol d'intimité en satisfaction d'un penchant un tantinet voyeur. En quête de l'affriolant qui manque peut-être à notre propre vie. Parfois a-t'on besoin aussi d'un peu d'épouvante pour sortir de notre zone de confort, histoire de malmener un quotidien par trop routinier. Et si en outre pour dépeindre le monde comme il va, et déplorer ipso facto les mauvais penchants de notre humaine nature, on aime le faire sur le ton de la dérision, alors c'est avec le regard d'Isabelle Duquesnoy qu'il faut scruter l'histoire.

Cette auteure que j'avais déjà eu l'occasion d'encenser de ma satisfaction avec L'Embaumeur ou encore La redoutable veuve Mozart sait tourner les pages de la petite histoire qui lorsqu'elles s'ouvrent et s'additionnent donnent sa majuscule à la discipline. Et le lecteur de se pâmer d'aise, le sourire aux lèvres, à lire celle qui nous conte les affres de nos congénères avec un humour aussi noir que caustique, parfois même un peu glauque.

C'est un récit historique. Mais ça n'a rien d'ennuyeux, bien au contraire. Car question humour noir Isabelle Duquesnoy maîtrise la discipline. Avec la Voisin elle est parvenue au sommet de son art. Il faut dire, pour minimiser son mérite, que le personnage lui a facilité la tâche. La Voisin, de son vrai nom Catherine Deshayes épouse Monvoisin, ne faisait pas dans la demie mesure avec son verbe fleuri et l'emprise qu'elle avait sur sa clientèle huppée, mais pas que. Elle a su faire prospérer son commerce, sombrant au fil du temps, de son expérience et de sa notoriété grandissante du médical au divinatoire puis vers le macabre.

Accoucheuse, avorteuse, devineresse, enchanteresse, prêtresse en messes noires, devenue encore bien pire que tout ça, La Voisin s'enrichissait de la crédulité et la cupidité de ceux qui arboraient visage et perruque poudrés. Mais elle savait aussi prédire au pauvre lorsqu'il voulait savoir si la déveine de sa naissance lui donnerait un jour quelque espoir d'une vie meilleure. Faux espoir évidemment, car à cette époque les cloisons entre les classes sociales étaient particulièrement étanches. Mais la Voisin savait faire miroiter des avenirs meilleurs. Elle en avait fait son fonds de commerce. Son intelligence et sa malice ont fait d'elle une des personnes les plus riches de son temps.

La Voisin, un personnage dont j'avais vaguement entendu le sobriquet sans pouvoir en restituer plus que la savoir impliquée dans l'affaire des poisons. Au temps du grand roi. Au temps où les bûchers illuminaient encore parfois les places publiques à la délectation des contemporains assoiffés de macabre. Voilà donc que grâce à Isabelle Duquesnoy je la connais désormais par le détail cette personne haute en couleur. Elle finit sur le bûcher, l'ouvrage commence par là. On ne touche pas de la personne du roi, fût-ce par personne interposée sans prendre quelque risque en cette époque de justice expéditive.

Votre conjoint(e) vous insupporte, votre amant(e) vous délaisse, vous n'êtes plus en faveur à la cour, La Voisin est là pour vous venir en aide de ses potions et imprécations. Au diable les scrupules et faiblesses. Naïveté, crédulité, jalousie, La voisin sait jouer de tout cela et s'immiscer au plus haut de l'Etat, pourvu qu'espèces sonnantes et trébuchantes tombent dans son escarcelle. Et l'Etat on sait qui c'est au temps où l'astre solaire s'est attaché à la personne du monarque. Alors La Voisin s'est brûlé les ailes, forcément. Les ailes et le reste.

Isabelle Duquesnoy nous présente ce personnage avec une écriture aussi délectable que le personnage a pu s'élever dans le sordide. La fille de la Voisin, Marie-Marguerite, intervient par chapitres alternés. Il faut dire que la pauvre n'a bénéficié de l'héritage de sa mère que pour se soir fatalement accusée de complicité. Et plaider du fond de son cachot son implication à son corps défendant dans les forfaitures de sa mère. En peine perdue forcément.

A tourner les pages de la chambre des diablesses on va crescendo d'effarement en effarement. Mais ce n'est pas de la faribole, c'est de l'histoire. de l'histoire merveilleusement racontée par cette auteure dont le seul nom m'a fait adopter cette proposition de masse critique dont je remercie Babelio et les éditions Robert Laffont de m'en avoir fait profiter. Savoureux moment de lecture.
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