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Critique de Isa0409


🗑 « Les locataires, c'est toujours des salauds rapport a leur concierge. Quoiqu'ils fassent. Et même les meilleurs. »
(P.22)

🗑 Nos poubelles sont-elles le miroir de notre être ? D'après Madame Dodin, concierge du numéro 5 de le rue Sainte-Eulalie, il semblerait que la réponse soit « oui ». Inlassablement, depuis sa loge, elle se plaint de ses locataires et n'hésite pas à manifester son irritation et son ennui : au lieu de tous se précipiter au dernier moment pour vider leurs propres poubelles, ne pourraient-ils pas simplement faire un petit effort quotidien pour lui éviter de porter le poids de tous leurs déchets deux fois par semaine ?

🗑 « Pourquoi que chacun il la viderait pas, sa poubelle ? Pourquoi faut-il qu'il y en ait qu'une seule qui vide les chiures de cinquante autres ? »
(P.24)

🗑 Évidemment, aucun d'eux ne fait l'effort de penser à ce que ce geste (insignifiant pour eux) peut apporter de satisfaction et de soulagement à cette sexagénaire. A son irritation, les locataires répondent par l'insouciance et l'indifférence : seul son ami Gaston, balayeur, devenu son confident, est disposé à entendre ses jérémiades incessantes. Il faut dire que ces deux-là ont des tâches bien particulières et fort ingrates : qui voudrait s'occuper des déchets de ses pairs et des déjections de leurs amis à quatre pattes ?

🗑 Dans ce court texte, Duras livre une vision acerbe de notre société, dont les rouages semblent s'épuiser et dont l'essentiel devient invisible : sans ces figures, à quoi ressemblerait notre monde, s'il n'y avait personne pour nettoyer nos déchets, nos erreurs, nos pas de côté, nos actes manqués ? Inversement, que serait leur vie, et celle de Madame Dodin, si elle n'avait personne après qui râler, si demain, tout le monde décidait de faire cet effort ?

🗑 « Tant que je vivrai, j'emmerderai le monde, c'est vrai que c'est mon plaisir », dit-elle. Alors, même si Gaston rêve de partir, même si elle rêve que ses locataires la considèrent un peu plus, au fond, ces plaintes rabâchées en permanence ne sont-elles pas le reflet d'une crainte profonde, celle de devenir transparente, et de passer inaperçue et de ne faire tout ça, au final, pour rien ? Alors ils font de leur rue une scène, et ils en deviennent les amants impossibles, et ils se livrent une bataille infernale : l'affranchissement impossible de leur condition et la lutte pour leur amour interdit.

🗑 Madame Dodin, le récit de petites gens, de petites choses, de petites mains dans l'ombre qui nous débarrassent gentiment de nos ordures, aussi nauséabondes et persistantes soient-elles, et dont la seule aspiration est un regard, un sourire, un merci.




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