Publié en 1823, l'
Ourika de Mme de
Duras est une contribution unique à la littérature française : contre vents et marées, il représente une adolescente noire du XVIIIe siècle bien éduquée qui a toujours l'air à son meilleur jour et maîtrise à la perfection l'étiquette de l'aristocratie française. le ciel aurait dû être la limite pour ce personnage aux multiples talents, mais l'angoisse et la dépression s'installent quand elle réalise soudainement ce que signifie vraiment être noir dans une ère de ségrégation raciale. La prise de conscience de sa position précaire dans le monde n'est pas seulement une surprise, mais aussi une expérience bouleversante qui détruit les rêves, la confiance en soi et la perception d'
Ourika. de la posture d'une enfant prodige insouciante attirant les faveurs des nobles françaises, elle se retrouve dans la position d'une jeune femme solitaire sans échappatoire à son existence pourtant misérable.
Le découragement d'
Ourika et son ultime passage montrent le pouvoir de la société de briser ceux qui ont l'impudence de contester ses règles. Pourtant, à côté de tout cela, ce roman raconte aussi une histoire beaucoup plus édifiante, qui démystifie certains stéréotypes profondément enracinés qui ont nourri l'ordonnance sociale.
Ourika paie de sa vie sa transgression des hiérarchies sociales sacro-saintes, mais elle fait aussi exploser les mythes sur les femmes – et les femmes africaines en particulier – qui persistent depuis des siècles. Elle parle de la capacité des femmes à accomplir des exploits extraordinaires dans tous les domaines de l'activité humaine.
Ourika est un exemple éclatant du potentiel intellectuel et du succès des femmes ; l'une des toutes premières – sinon la première – représentations littéraires d'une femme africaine douée « accomplie en tout ». Sous la tutelle des meilleurs professeurs de son temps, elle a acquis une vaste gamme de compétences et de connaissances. Les lecteurs français ont dû attendre la fin du 20ème siècle pour trouver un autre roman présentant une reconnaissance similaire de la capacité des femmes africaines noires à réaliser des prouesses intellectuelles et sociales considérables.
On pourrait penser que l'héritage littéraire de Mme de
Duras a disparu à cause des mains de grands esprits socialement acceptables qui ne pouvaient pas supporter le défi des femmes à leur hégémonie, d'où son quasi-absence de la littérature traditionnelle depuis deux siècles. Après la lecture de Mme de
Duras et d'autres salonnières qui ont réussi à réorganiser les priorités sociales à l'époque de la Révolution française, il est difficile de comprendre pourquoi des personnalités aussi importantes sont encore rabaissées aujourd'hui.