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Critique de saigneurdeguerre


Quel bonheur que de pouvoir consulter sur papier, dans un superbe ouvrage, une partie importante de l'oeuvre de Laurent Durieux, un incroyable graphiste belge devenu la coqueluche de quelques-unes de plus grosses pointures du cinéma américain puisqu'il réalise pour eux des affiches et des couvertures de DVD (voire de CD) !

Dans la préface due à Francis Ford Coppola, celui-ci explique clairement pourquoi il adore confier le travail de ses affiches, lorsqu'il resort des films qui ont marqué l'histoire du cinéma, à Laurent Durieux (qui travaille en collaboration avec son frère Jack).

La couverture de l'ouvrage nous fait irrémédiablement penser au fabuleux peintre américain Edward HOPPER. Durieux ne nie pas l'influence de ce dernier, mais il est loin d'être juste un disciple de l'illustre personnage.
L'originalité du travail de Laurent Durieux repose sur les petits détails qui changent toute la perception que l'on a d'une affiche. L'artiste ne se contente pas de donner une image tirée du film pour la sublimer et attirer le public.
Ainsi, l'affiche qu'il a faite pour « Jaws » de Steven Spielberg n'a rien à voir avec l'originale. Celle-ci, impressionnait par l'immense gueule de requin, hérissée de dents plus tranchantes que les lames les plus affûtées, s'apprêtant à ne faire qu'une bouchée de la belle nageuse qui crawlait à tout-va pour tenter de sauver sa peau. Rien de tel dans l'affiche de Durieux ! Que propose-t-il ? Une plage de sable fin et doré, un ciel bleu uniforme, et c'est à peine si on entraperçoit quelques flots. le centre de l'affiche est occupé par un parasol sous lequel on devine une dame en maillot de bain, une radio posée à ses côtés, une glacière derrière elle et un essuie de plage. Plus loin, un enfant fait des pâtés avec le petit seau indispensable lorsqu'on se rend sur une plage pour profiter du soleil, tandis qu'un autre semble s'intéresser à un chien qui s'amuse à courir alors que le maître-nageur a l'air de davantage sommeiller sur sa chaise haut-perché que de surveiller des flots dont la tranquillité ne saurait être troublée. Mais, bon sang, qu'est-ce qu'il a fichu le Laurent Durieux ? Il se goure sur toute la ligne ! Il confond « Martine à la plage » avec JAWS ! Jaws, Les DENTS de la mer ! Pour être amer, j'étais amer ! Comment défendre le travail d'un graphiste que j'adore avec une affiche qui se trompe totalement de sujet ?
Voilà ce que j'avais en tête en assistant chez COOK&BOOK, à la présentation de l'ouvrage par l'auteur. J'avais envie de l'interpeller mais vu le public venu très nombreux à la présentation de l'ouvrage, et à la conférence de l'auteur, je craignais de devoir garder ma frustration pour moi. C'est vrai, quoi ! Voilà un type dont vous vénérez le travail et pour une affiche des plus emblématiques, il loupe complètement le coche comme dirait une fine mouche !
Et là, en pleine conférence, accompagnée d'une projection de quelques-unes des affiches de l'auteur, Durieux projette son affiche de JAWS ! Nooooon ! M'enfin ! Il cherche à se ridiculiser ! Ce n'est pas possible ! … Heu ! … Ah ? … Ah, bon ? le requin est représenté sur l'affiche ? Mais où donc ? Il doit être très petit, alors… Comment ? Il est au centre de l'affiche ? M'enfin ! Il est fou Durieux ! Au centre, il n'y a qu'un parasol ! … Et soudain, l'aileron du requin saute aux yeux et on ne voit plus que lui ! Dans ce fameux parasol divisé en huit quartiers, jaunes et rouges, s'est glissé un intrus : un quartier noir… en forme d'aileron de requin ! Et du coup, on ne voit plus que lui !
Durieux m'a complètement bluffé avec cette affiche que je trouvais franchement ratée alors que j'avais devant les yeux la menace sournoise que représentait ce requin dans cet univers si tranquille et sans aucune apparente dangerosité. Cet exemple montre le génie de ce graphiste hors normes. Il ne se contente pas de reproduire une image tirée du film. Il cache aux yeux de tous l'essentiel des sentiments et des ambiances en les plaçant sous nos yeux d'une façon tellement évidente que notre cerveau à du mal à les percevoir !

Un ouvrage pour les amoureux du graphisme, des belles affiches de films, les cinéphiles, les amateurs d'énigmes et tous ceux qui aiment les beaux livres.
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