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Critique de LaBiblidOnee


Est-ce que vous aimiez les sorties au cirque quand vous étiez enfants ? Si oui, qu'est-ce qui vous fascinait autant ? Je ne parle pas du cirque à la télé, qu'on regardait de loin derrière nos écrans, où tout paraissait lisse et facile pour ces presque marionnettes en habit de lumière. Mais de ces sorties sous chapiteau où l'on voyait, sentait et ressentait en vrai des choses qui nous paraissaient incroyables. J'avais toujours si peur que les artistes chutent, ou se fasse dévorer, que j'essayais toujours d'imaginer comment était la vie en coulisse, les entrainements et les astuces pour minimiser les risques, et si cette vie valait le coup une fois ôtés les habits d'apparat, de prendre tous ces risques pour elle. Dans cette histoire, Elisa Shua Dusapin raconte cet autre côté du miroir, avant l'habillage. Et pour cause !


Sa narratrice, Nathalie, est costumière. Elle débarque dans l'enceinte d'un cirque permanent à Vladivostok, embauchée par Léon pour réaliser les costumes de scène d'Anna, Nino et Anton. Nous les rencontrons donc presque à nu, sans leurs costumes de scène. Ce trio s'entraine à la barre russe, spectacle oscillant entre la poutre et le trampoline. Comme très souvent les numéros de cirque, et ceux d'équilibristes en particulier, le danger est omniprésent. L'exercice requiert force, concentration, équilibre… Et surtout une grande confiance entre chaque membre de l'équipe, particulièrement entre les deux porteurs Nino et Anton, et Anna l'étoile filante.


L'objectif de Nathalie, qui nous fait pénétrer ce monde mystérieux, est de créer un costume qui raconte une histoire avec le spectacle, qui mette visuellement en valeur le rôle et les mouvements des personnages, tout en permettant la souplesse de mouvement nécessaire à l'exploit de réaliser quatre sauts périlleux d'affilée… Car l'équipe doit bientôt assurer un grand show, et ils ne veulent plus d'accident, comme celui précédemment arrivé à un dénommé Igor. Alors pour bien capturer l'essence de l'exercice, du spectacle, et de chaque personnalité, Nathalie se rapproche au maximum du monde du cirque qu'elle ne connaît pas, de la vie de ces artistes, de la difficulté et du stress de leur métier, mais sans modifier leur fragile équilibre, leur entente, leur cohabitation. Elle tente de créer une interaction entre la costumière et ses modèles.


Chacun tente de jouer le jeu sans trahir sa personnalité, en se livrant pudiquement. Une intimité se crée dans les bâtiments désertés pour l'entre-deux saisons, dans les odeurs de fauves qui ont imprégné les murs désormais vides. On assiste en coulisse aux répétitions, des liens se nouent, intenses comme tout ce qui est bref et dangereux. Car les gens du cirque sont des nomades, leur coeur a peu d'attaches et pourtant, Elisa Shua Dusapin parvient en moins de deux-cents pages à faire naître un lien entre eux et nous. Si les relations durables sont traditionnellement valorisées, elle démontre et rappelle que les émotions peuvent naître de chaque rencontre, même des plus brèves. C'est un récit intimiste tout en douceur, que j'ai découvert grâce à Sachka ; les coulisses d'un monde de sueur et de paillettes, en voie d'extinction.


« Je dis que je suis contente d'être là, de contribuer à donner un peu de poésie, du rêve que vient chercher leur public…
- Tu trouves ? m'interrompt Nino.
Il continue avec sérieux :
- Moi je pense que le public vient surtout pour voir si ça fonctionne. Jusqu'où on tient. On peut dire qu'on veut du rêve mais en vrai, c'est la faille qu'on espère. En voir chez les autres, ça rassure. »
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