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Critique de sylviedoc


C'est frais (mais pas toujours), c'est gai (mais parfois très noir), c'est comme le lait ! Cette publicité d'il y a quelques années s'applique parfaitement à la crémerie des Poissonard, ce haut lieu de la rue Pandolphe durant les années 40. On y trouve de tout, même si c'est parfois un peu frelaté, et en plus on y rencontre un microcosme de la population française durant l'Occupation et le gouvernement de Vichy. A commencer par la famille Poissonard, qui en une décennie va se métamorphoser : pétainistes convaincus en 1940, accueillant à bras ouverts ces Allemands si « corrects », qui « quand (ils) nous auront montré la façon de se gouverner, quand ils auront fait de nous un peuple majeur et sérieux (ils) retourneront tranquillement en Allemagne » ainsi que le dit M. Lebugle, client assidu de la boutique ; nous les retrouverons patriotes et résistants quelques années plus tard, quand ils sentirons le vent tourner. Comme bien d'autres, me direz-vous, certes, mais la différence, c'est qu'entre-temps, ils auront amassé des millions, grâce à leur roublardise et leur opportunisme.

On adore les détester, et en même temps on est presque admiratifs devant leur sens de l'auto-justification : « Après tout, n'étaient-ils pas des commerçants, dont le métier était de vendre, même au marché noir ? ».

Heureusement on rencontre aussi des personnages plus sympathiques et notamment Léon Lécuyer, dit Lélé, dont le destin croisera à plusieurs reprises celui des Poissonard. Ce jeune homme de 26 ans s'évade de l'oflag où il est détenu, en Poméranie et va découvrir la vie, l'amour, et la politique en accéléré, lui qui ne connaissait que les études de lettres avant la guerre. Il parvient jusqu'à Paris, où il se cache chez sa mère, cliente de la crémerie, et sera dénoncé par Julie Poissonard. Mais il parviendra à rejoindre la France libre, où il parfaira son éducation sentimentale et politique, rejoignant la Résistance.
Cependant l'histoire de Léon m'a moins accroché que celle de la famille Poissonard, il est trop faible et influençable malgré ses grandes aspirations.

« Au bon beurre » est paru en 1952, c'est-à-dire peu après la fin des coupons de rationnement, et dans une période où le traumatisme de l'occupation était encore proche. Les caractères des uns des autres nous paraissent un peu outranciers maintenant, mais je pense que c'était voulu, Jean Dutourd a sans doute exorcisé de cette façon les démons qui rôdaient encore. J'ai vu l'adaptation de Molinaro, qui selon moi rend bien l'atmosphère du roman, Roger Hanin et Andréa Ferreol sont des Poissonard tout à fait abjects et crédibles !

Je pense qu'il faut lire ce roman en ayant vraiment en tête le contexte dans lequel il est paru pour en apprécier toute la saveur, si on est trop ancré dans l'ici et maintenant on risque de le trouver daté et lourdaud. Et ce serait dommage de passer à côté de cette gourmandise bien crémeuse !
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