Jeunes et alcool : Génération jouissance

... pour les sujets [...] chez lesquels est à l'oeuvre une négativité, une destructivité de soi, tous ces messages préventifs leur donnent le mode d'emploi de leur anéantissement. Pour celle ou celui qui désire mourir, dormir à jamais, quitter sans regrets cette vallée de larmes, les mises en garde fonctionnent comme une injonction. "Si vous abusez d'alcool, si vous vous droguez, vous courez à la mort." Ils y courent, c'est leur voeu le plus cher. En les prévenant, nous leur indiquons la voie à suivre pour accomplir leur désir de disparaître, sans en avoir l'air, sans devoir chercher la corde pour se pendre, ni la fenêtre par où se basculer, ils iront vers la mort mais dans la jouissance, au travers d'expériences tellement intenses !

Nos ados ont aussi grandi avec une pression publicitaire importante et une sophistication dans le traitement de l'image. Ils en deviennent plus exigeants sur les créations publicitaires ou communicationnelles et demandent un discours plus vrai, plus clair, honnête et professionnel. Face à l'image, là où l'adulte se demande "d'où vient-elle?", l'ado se demande "comment a-t-elle été fabriquée?".

... lorsque nous apprenons à conduire, les instructeurs d'auto-école nous rappellent que le meilleur moyen d'éviter un obstacle qui surgit consiste à viser du regard l'échappatoire plutôt que l'objet à éviter. Agissons de même lorsque nous communiquons en prévention.

Une patiente racontait qu'avant sa première communion, ce qu'elle attendait de Dieu, c'est qu'il fasse le nécessaire pour que ses parents ne soient pas ivres morts le soir de la cérémonie. Son voeu n'a pas été exaucé. Elle en a conçu une déception abyssale et a perdu le respect pour ses parents et la foi...

... toute l'expérience des thérapeutes alcoologues depuis près d'un siècle permet d'affirmer que la cuite, même prise en famille, n'est pas un moyen approprié pour apprendre à tenir l'alcool en respect.

On peut discuter avec un juge, on ne peut pas discuter avec le syndrome du sevrage.

La perte de contrôle du sujet sur ses actes est désormais un des critères essentiels dans l'établissement du diagnostic psychiatrique pour établir le diagnostic de dépendance.

Des chercheurs estiment que la découverte du porno se fait aujourd'hui dès l'âge de 11ans. Les parents s'en doutent-ils ? En dépit de toute évidence, ne préfèrent-ils pas se persuader que leur enfant chéri reste à l'écart de ces horreurs ?

... à la différence des rituels décrits dans les sociétés traditionnelles par les anthropologues, ceux de nos ados ne sont pas efficaces pour construire une identité, fournir une réponse à une quête de sens. Et c'est aussi pourquoi, dans bien des cas, il doivent être répétés jusqu'à la nausée, faute d'avoir pu répondre et d'avoir assigné au jeune sa place dans le monde. Le rituel dans une société traditionnelle est une cérémonie d'exception, un événement unique et non renouvelable, la cuite "initiatique" en vient à se renouveler parfois tous les week-ends... et toujours dans une marge transgressive, loin de tout consensus social, dans un espace coupé des autres générations, voire hostile.

Faute de s'en voir assigner par les structures sociales, les ados improvisent des rituels, souvent plus sauvages et dangereux que ceux que l'on rencontre dans les sociétés traditionnelles. Et comme la brousse n'est plus disponible, il a fallu réinventer les procédures. C'est dans la jungle des expériences psychotropes, en exposant non plus leurs corps aux fauves, mais leurs cerveaux aux aléas chimiques, des épreuves d'enivrement, qu'ils se dégotent les défis les plus corsés. D'où les raves, les festivals, et tous ces moments de transe, d'excès et de prise de risque typiques des rituels d'initiation. La conduite de motos ou d'autres bolides façon James Dean fait partie du tableau, dans une course à l'ivresse de la vitesse.