La prévention est noyée dans l'océan de l'incitation à consommer.
Il faut [...] comprendre la publicité comme toute démarche commerciale et non uniquement comme une démarche médiatique.
Si on attribue un jugement par un mot malencontreusement employé, on perd son crédit auprès du jeune. Or bon nombre de jeunes accordent déjà peu de crédit aux adultes. Soyons donc économes dans notre vocabulaire et nos concepts pour ne pas risquer de les éroder trop vite.
La consommation "festive" et le "je gère" sont des illusions du moi. Mais le moi tient beaucoup à conserver intactes ses illusions...
Réservons au mot "festif" sa dimension à l'ancienne : la fête, c'est quelque chose de rare, une situation d'exception. C'est le festival de Rio ; quelques jours de bamboche et le restant de l'année, on attend la prochaine. Or certains entendent faire le festival de Rio tous les jours de l'année, ou presque. Comme ces jeunes qui qualifient de festive une consommation quotidienne ou qui commence le mercredi soir et se termine dans la nuit du dimanche, toutes les semaines de l'année.
Ce n'est pas parce qu'on ne consomme pas qu'on est quelqu'un d'accompli, d'épanoui et de bien posé. ll y a des gens qui se refusent à consommer de l'alcool pour cacher ou se cacher une part d'eux-mêmes qui leur est impossible à assumer.
Autrefois l'opprobre, la honte se portait sur le cancre ou le débauché. Aujourd'hui, dans les classes et aux sorties de lycée, c'est l'inverse. Cela devrait soulever notre curiosité.
"En dehors de l'enfance et de l'oubli, il n'y a que la grâce qui puisse vous consoler d'exister."
Eugène Ionesco
La fête nous est nécessaire, vitale. Elle nous récompense de nos efforts, elle nous soulage temporairement des contraintes auxquelles nous consentons à nous soumettre. Soumission qui ne peut être tolérable qu'à condition d'en être délivrés pour un moment à tout le moins : "Fuir, ne fût-ce que pour quelques heures, son habitacle de fange" (Baudelaire). Il n'y a guère de société humaine qui ne fasse la fête de temps en temps. Et il n'y a pas de fête sans une forme ou l'autre d'ivresse, celle du vin ou de la bière, celle de la danse ou celle de la transe. Et c'est au champagne, pas au perrier-menthe, que l'on baptise les navires mis à l'eau pour leur première traversée.
L'alcool devient alors parfois l'élément central de la fête. On ne se dit plus "je vais en soirée et peut-être que je boirai un coup de trop", mais plutôt "je vais me bourrer la gueule, et peut-être que je passerai une bonne soirée".