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Critique de lebelier


Umberto Eco se propose, dans cet ouvrage assez vaste, de réfléchir sur de nombreux problèmes que se posent les traducteurs d'une langue à l'autre. Il part d'une expérience avec le traducteur d'Alta Vista en ligne, traduit dans un sens puis dans l'autre et voit comment la signification fléchit, devient parfois incompréhensible voire obscure. Car un même mot, bien sûr, possède des polysémies différentes selon les langues et c'est justement celle-ci que le traducteur électronique ne reconnaît pas. La traduction –mais on le savait déjà – ne saurait être le placage d'un dictionnaire à un autre. Eco, fort de son expérience de traducteur en italien De Nerval notamment, montre comment le traducteur peut compenser la perte d'un jeu de mots, d'un rythme particulier, d'un système de sonorités. Pour ce faire – et c'est là que cela devient intéressant – il offre de nombreux exemples du français à l'italien en passant par l'anglais, l'allemand et l'espagnol.
Evidemment, un lecteur qui comme moi ne lit pas toutes ces langues pourrait être désorienté si la démonstration n'était si limpide. Tous ceux qui s'intéressent aux langues y trouvent leur compte. le professionnel de la traduction, à mon sens, retrouvera tout ce qui fait son pain quotidien et, vieil angliciste que je suis devenu, la lecture de cet ouvrage révèle bien sûr ce que l'on sent instinctivement lorsque l'on traduit un texte. La tâche d'un traducteur n'est jamais aisée, il doit être sensible à la langue qu'il traduit et en même temps se référer aux lecteurs potentiels, de culture différente, aux références propres à leur peuple mais en même temps il faut garder l'esprit du texte. Ainsi le renvoi à un proverbe, à une maxime populaire doit être adapté ; mais si une scène se passe à Paris, sur le Boulevard Saint-Germain, on ne peut bien sûr la transposer à Rome. Tout est question de bon sens et d'intuition.
Mais l'auteur ne s'arrête pas uniquement sur le passage d'une langue à l'autre. Il en appelle aussi aux adaptions de romans en films, de musiques en ballet pour bien montrer ce qu'il se passe lorsqu'on change radicalement de système sémiotique. Il reste une vision propre de tel auteur ou scénariste, la création d'une autre oeuvre qui n'est forcément une copie conforme de l'original. Il faut démontrer que « interpréter n'est pas traduire. »
Eco passe en revue les traductions de ses propres livres, en fait la critique, observe comment s'y sont pris les traducteurs pour rendre ce qu'il avait en tête. Eco cite aussi d'autres ouvrages qu'il a écrits sur la traduction et la sémiologie, étant universitaire en cette spécialité. Bref, Eco se la joue « je » et, comme disent les jeunes « se la pète un peu… ». Bien sûr il s'agit de parler de ses propres expériences mais parfois le propos se noie parfois dans ses références bibliographiques dont moult ouvrages comme il l'écrit si modestement en notes de bas de page, « sont dirigés par moi.»
Hormis cette propension de l'auteur à s'auto citer, l'ouvrage se lit avec un grand intérêt et les exemples offerts sont passionnants et posent de vraies réflexions. Eco bien sûr renvoie aussi aux fondateurs de la sémiotique dont Jakobson. Cependant, quelques passages, un peu ardus, requièrent souvent une bonne concentration de lecture. Sachant qu'il n'existe pas de « langue parfaite » qui traduirait tous les sentiments ou les impressions, comme il n'existe pas de système chromatique exact pour traduire les couleurs, la traduction finit par faire fi de l'exactitude pour rester le plus fidèle possible au texte et à l'esprit de son auteur original selon une interprétation propre à son traducteur.
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