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Critique de aranzueque-arrieta


Le cimetière de Prague
Umberto Eco
Grasset

Paris, mars 1897. Simon Simonini entreprend d'écrire le journal de sa vie, suivant la suggestion d'un jeune juif, le docteur "Froïde". Il raconte les différents épisodes qui l'ont mêlé aux grands événements du XIXème siècle en Europe.
Après des études de droit, à la mort de son grand-père, il travaille pour le notaire Rebaudengo, un filou qui falsifie et invente toute sorte de documents. Simonini devient maître dans l'art de l'embrouille. Sa réputation de faussaire l'emmène à collaborer avec les services secrets piémontais où il intervient dans différentes affaires politiques passant des intrigues des carbonari, à celles de Cavour, Mazzini ou encore Garibaldi.
En 1861, il s'exile à Paris où il entre en contact avec les services secrets français puis russes. Au cours de ces années, il assiste et participe à des événements historiques (la Commune de Paris ou l'affaire Dreyfus) et à des complots montés de toutes pièces (la création du canular antimaçonnique de Léo Taxil instigué par les jésuites ; l'élaboration d'une conjuration juive mondiale qui débouchera sur Les Protocoles des Sages de Sion, l'oeuvre de sa vie).
Auteur de plusieurs assassinats dont il a caché les corps dans les égouts, il est contraint par les russes, sous peine de dénonciation, de mettre une bombe dans le métro parisien, en construction, afin de donner crédit aux projets terroristes annoncés par les Sages de Sion ; il n'en reviendra pas.

Difficile de résumer le nouveau roman d'Umberto Eco, tant les épisodes sont divers et se succèdent, tels les feuilletons à rebondissements publiés dans la presse du XIXème siècle.
Cette accumulation d'informations est d'ailleurs un des points négatifs du livre. On a parfois l'impression que l'auteur fait l'inventaire extravagant de ses connaissances.
La pluralité du discours narratif n'est pas une réussite ; il y a le Narrateur qui observe et résume parfois l'évolution du récit du faussaire, puis une dualité entre deux autres narrateurs, Simonini et l'abbé Dalla Piccola, qui sont en fait la même personne.
Le roman est basé sur la misanthropie de Simonini ; l'Alceste de Molière est un enfant de choeur à côté. Il vénère une trinité de la haine dont ses sujets de détestation sont les jésuites, les francs-maçons et surtout les juifs. Il développe une série de thèses antisémites, des plus simples aux plus élaborées, basées exclusivement sur le fantasme.
Un des intérêts du livre est l'exhibition des mécanismes de la haine ; « le sentiment de l'identité se fonde sur la haine » ; « l'ennemi est l'ami des peuples » ; « il faut toujours quelqu'un à haïr pour se sentir justifié dans sa propre misère » ; « la haine réchauffe le coeur » (p. 426).
Néanmoins, en ces périodes d'obscurantisme, de repli nationaliste et de goût malsain pour toute sorte de théories des complots, il ne faudrait pas mettre le livre dans les mains de tout le monde.
Tous les personnages du roman, excepté le narrateur et de rares personnages secondaires, ont existé. Cependant, on a souvent l'impression qu'Umberto Eco a du mal à trouver un fil rouge pour broder son tissu narratif, pour trouver une cohérence dans son abracadabrantesque récit, pour que les rencontres entre Simonini et ses autres personnages - aussi divers que le docteur "Froïde", Dumas, Garibaldi, Taxil, etc. - soient cohérentes ; elles n'apportent pas grand chose.
Le roman est long, très long, trop long (555 pages) ; on s'ennuie souvent, car on a du mal à croire aux hasards qui mènent le narrateur des intrigues piémontaises à l'élaboration des Protocoles des Sages de Sion ; autant dire que Simonini est présenté comme un des piliers du XIXème siècle européen, sans lui, L Histoire n' a pas de crédit...
D'un point de vue strictement littéraire, mis à part le jeu narratif entre le vrai et le faux ou la fiction et la réalité, le cimetière de Prague a quelque chose de poussiéreux, de désuet, bien que la narration s'inspire par moments des techniques du feuilleton.
En 2011, nous sommes en droit d'attendre un projet littéraire plus ambitieux, surtout lorsqu'il s'agit d'un auteur tel que Umberto Eco.

http://faranzuequearrieta.free.fr

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