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Critique de saigneurdeguerre


Comme tout jeune Italien de sa génération, Umberto Eco a vécu le fascisme. Pas le choix ! Il a porté la chemise adéquate et a discouru pour célébrer le grand maître de l'Italie, Benito Mussolini.

A la libération, il découvre qu'il peut exister un autre système de gouvernement que celui du parti unique dirigé par un « Duce », qu'il peut y avoir plusieurs « couleurs » en politique.

L'auteur précise ce qui différencie le fascisme italien de pouvoirs totalitaires tels que ceux d'Hitler ou de Staline.

Il relève toutes les contradictions : un pouvoir qui se veut républicain et qui marche main dans la main avec la monarchie, Mussolini se dit athée et signe un concordat avec l'église qui vient bénir les fascistes, il se dit révolutionnaire et est financé par les gros propriétaires qui aspirent à une contre-révolution… Cependant Umberto Eco précise bien que le fascisme italien n'a rien à voir avec la tolérance : « c'était un exemple de désarticulation ordonnée, d'une confusion structurée », écrit-il.

Pour Umberto Eco, le fascisme primitif repose :

1. Sur la tradition : il ne peut y avoir d'avancée du savoir. La vérité a déjà été énoncée une fois pour toutes et l'on ne peut que continuer à interpréter son obscur message.
2. le traditionalisme implique le refus du modernisme. Les fascistes comme les nazis adoraient la technologie, tandis qu'en général les penseurs traditionnalistes la refusent, la tenant pour la négation des valeurs spirituelles traditionnelles. Ce fascisme primitif peut être défini comme « irrationalisme ».
3. L'irrationalisme dépend aussi du culte de « l'action pour l'action ». le fascisme primitif se méfie des intellectuels.
4. Pour le fascisme primitif, le désaccord est trahison.
5. le fascisme primitif est raciste. le désaccord signifie la diversité. le fascisme a peur de la différence.
6. le fascisme primitif naît de la frustration individuelle ou sociale. Il s'appuie sur les classes moyennes frustrées, défavorisées par une crise économique ou une humiliation politique et effrayées par les pressions des groupes sociaux inférieurs.
7. Ceux qui n'ont aucune identité sociale, le fascisme primitif leur dit qu'ils jouissent d'un privilège : être nés dans le même pays. C'est cela la source du nationalisme. Ce fascisme est obsédé par les complots, si possible internationaux, mais il en faut aussi à l'intérieur. Les juifs sont la cible idéale étant à la fois dehors et dedans.
8. Les disciples du fascisme doivent se sentir humiliés par la richesse visible et la force de l'ennemi. Les ennemis (tant de l'intérieur que de l'extérieur) s'appuient sur des réseaux secrets d'assistance mutuelle. Malgré cela, il faut persuader les disciples qu'ils vont vaincre les ennemis.
9. le pacifisme est mauvais car la vie est une guerre permanente. Être pacifiste, c'est être de mèche avec l'ennemi. Mais il finira par y avoir une bataille finale que le fasciste emportera. Viendra alors une période de paix, un Âge d'or…
10. L'élitisme est réactionnaire et fondamentalement aristocratique. le fascisme primitif prône l'élitisme populaire. Les masses étant faibles, elles ont besoin d'un dominateur qui a conquis le pouvoir par la force. le groupe est organisé hiérarchiquement. Chaque leader subordonné méprise à son tour ses subalternes.
11. Chacun est éduqué pour devenir un héros. le héros fasciste aspire à la mort, annoncée comme la pus belle récompense d'une vie héroïque. Ce héros-là est impatient de mourir. (Mais il préfère tout de même faire mourir les autres.)
12. le fascisme primitif transfère sa volonté de puissance sur des questions sexuelles. Machisme : mépris des femmes, condamnation des moeurs sexuelles non conformistes, chasteté, homosexualité…
13. Pour le fascisme primitif, les individus en tant que tels n'ont pas de droits. le peuple doit avoir « une volonté commune », et comme c'est impossible que le peuple y parvienne de lui-même, le Leader va « interpréter » cette volonté. Ce fascisme doit s'opposer aux gouvernements parlementaires « putrides ».
14. le fascisme primitif parle la « novlangue », inventée par Orwell dans « 1984 ». Elle se caractérise par un lexique pauvre et une syntaxe élémentaire, afin de limiter les raisonnements complexes et critiques.
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