Quand la charité se fout de l'hôpital

Total est exactement sur le même ratio avec 1,8 milliard pour les actionnaires et 50 millions pour les hôpitaux, mais remporte la palme de la mesquinerie puisque son don a pris la forme de bons d'essence dans ses stations-service.

En France, non seulement nos milliardaires contournent l'impôt, mais ils donnent très peu. L'Oncle Picsou serait fier d'eux. Ils achètent des médias ou des clubs de sport à perte, ce qui leur vaut beaucoup de prestige - des investissements très rentables en termes de soft power.

Désigner d'un même mot l'action des Noailles et celle de Bernard Arnault revient à employer le même terme pour évoquer l'abbé Pierre et Pablo Escobar au motif que tous deux aidaient les pauvres.

Sur les deux plateaux de la balance, on a d'une part les poches toujours un peu plus vide de l'Etat et de l'autre, celles des nababs qui débordent...

Les ouvrages cognant sur la philanthropie ne sont pas légion pour des raisons diverses : peur de fragiliser les ONG, censure directe ou supposée des puissants philanthropes, également patrons de presse ou de maisons d'édition et annonceurs importants...

Par ailleurs, les mécènes délaissent les sujets "clivants". Le sort des femmes battues, des mineurs violentés ou des migrants abandonnés dans des campements indignes ne trouve presque aucun écho chez eux. Hélas, peu d'entreprises mécènes s'impliquent dans l'accompagnement des plus fragiles.

Un constat s'impose. L'idéal charitable diffère très largement de celui de la solidarité, l'un s'accommodant fort bien des inégalités quand l'autre les combat.

En France, l'important n'est pas "combien" on donne, mais "à qui".

"Voler en grand, restituer en petit, c'est la philanthropie."

Paul Lafargue

Pour les autres grandes entreprise, la situation est du même ordre. Le géant pharmaceutique Sanofi a versé 4 milliards d'euros à ses actionnaires et 100 millions à un fonds de lutte contre le Covid, avant d'annoncer... la fermeture d'usines en France - oubliant qu'il a été perfusé au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pendant des années.