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Critique de LiliGalipette


Sous-titre : le temps venu de tuer le veau gras et d'armer les justes.
John Kaltenbrunner est né à Baker, minable bourgade du Midwest qui compte nombre d'alcooliques, de consanguins, de racistes violents, de bigots dégénérés et d'émigrés agressifs. « Les bars étaient le creuset de l'idiosyncrasie de Baker. » (p. 265) Unique rejeton de Ford Kaltenbrunner, gloire locale décédée dans des circonstances floues, John est un enfant asocial, généralement considéré comme attardé et pourtant doué d'une formidable intelligence. À dix ans, il est déjà à la tête de sa propre exploitation agricole et se désintéresse complètement de l'école. Volontaire, ambitieux et dur à la tâche, John est malheureusement victime d'un nombre extraordinaire de revers de fortune, chaque jour apportant son lot de galères et d'emmerdements. « Sa vie entière resta par définition un incroyable enchaînement de coups de poisse. » (p. 20)

En prison à quinze ans pour avoir ravagé la propriété familiale, John enchaîne ensuite les boulots les plus minables de Baker, tant à l'usine d'abattage de volaille qu'à la décharge publique. Continuellement rejeté de la communauté à laquelle il désespère d'appartenir, sans cesse en proie à des vexations et à des injustices, John nourrit en lui un ressentiment si profond que celui-ci ne pourra s'exprimer que dans une manifestation extraordinairement putride. Dans le sillage de John, les laissés pour compte et les minables de Baker se rassemblent et se préparent à se venger de la ville dans une révolte boueuse et sanglante.

Le seigneur des porcheries est le récit de l'existence tourmentée de John Kaltenbrunner, homme capable de se tailler une légende de son vivant, dont l'histoire suscite l'effroi dans une ville où il a laissé tant de décombres. « Son nom était devenu une marque familière généralement associée à tout ce qu'il y avait de pourri dans la Création. » (p. 16) Mais pour rendre justice à cet homme responsable de plusieurs incendies, d'un nombre incalculable de bagarres, d'inondations, d'émeutes et d'un déferlement d'ordures sur Baker, il faut un travail patient et objectif autant qu'il est humainement possible. « D'où ce récit : une tentative de mêler archives publiques, folklore local et épopées de basse-cour en un récapitulatif chronologique, basée sur des faits et d'une lecture agréable, compilée par le contingent des nègres verts/torche-collines de Pullman Valley. » (p. 576) Plus victime que coupable, John Kaltenbrunner est un antihéros magistral, un poissard mythique dont il est impossible de ne pas prendre le parti. L'homme est infâme, odieux, rongé jusqu'à l'os par l'alcool et la colère, mais il suscite la sympathie que méritent les magnifiques perdants oubliés par la fortune.

Ce roman m'a souvent rappelé le roi des Aulnes de Michel Tournier. À l'instar d'Abel Tiffauges, John Kaltenbrunner est un être dérangeant et brillant qui s'épanouit dans le chaos. Baker est un monde âpre et dur, violent comme dans un roman de John Steinbeck qui serait frappé d'éthylisme morbide et trempé dans un bain d'immondices. Attention âmes sensibles ! le récit en lui-même est déjà à la limite du supportable, mais le ton qui le délivre va vous vriller les nerfs. Les situations n'ont rien de drôle, mais il en résulte un humour ravageur et vachard, tant l'absurde côtoie l'irrévérencieux et l'improbable. Rien n'est épargné dans ce texte, et surtout pas les bigots. « Chacun savait que les pour les catholiques Jésus était le fils de Maris, pour les baptistes il était le sauveur, pour les juifs il n'était rien et pour les méthodistes il était une déduction fiscale. » (p. 170)

Vous cherchez un roman qui vous fera rougir et suffoquer à chaque page ? Lisez le seigneur des porcheries. Vous voulez choquer Belle-Maman lors du prochain repas de famille ? Parlez-lui du Seigneur des porcheries. Vous avez besoin d'un texte qui vous sorte de votre torpeur et vous rassure sur votre santé mentale ? Ouvrez le seigneur des porcheries. Je vous promets des nuits sans sommeil : ce livre colle aux doigts et aux yeux comme une poix, et on en redemande.
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