Citations sur Axion Esti (suivi de) L'arbre lucide et la quatorzième .. (25)
Lundi (saint)
Harassé par les vicissitudes célestes, je me suis jeté, au petit matin, dans mon lit.
Par la vitre, la vieille Lune me regardait, portant le masque du Soleil.
AXION ESTI/LA PASSION
Psaume XV
MON DIEU tu m'auras voulu mais vois : je te rends
la pareille
Le pardon — je ne connais pas,
la prière — je n'en veux pas,
à l'isolement j'ai fait pièce ainsi qu'un caillou.
Quoi, quoi, quoi d'autre inventer pour moi ?
Quand j'oriente vers tes bras la transhumance des étoiles
si l'Aurore, insidieusement,
m'en pervertit le cours vers ses madragues outre-mer,
c'est toi qui l'as voulu !
Collines avec des cités mers avec des vergers
je les ente dans le vent
si la cloche me les boit tout doux dans le crépuscule
c'est toi qui l'as voulu !
Si je croîs aux herbes et je m'écrie parmi tout mon délire
ah vivement qu'à nouveau elles fanent
sous la machette de Juillet
c'est toi qui l'as voulu !
Quoi enfin, quoi de neuf, quoi d'autre inventer pour
moi ?
Tu n'as qu'à parler, vois-tu, pour que moi je réalise.
La pierre quitte ma fronde et me retombe dessus.
J'approfondis les puits de mine et je pioche le fir-
mament.
Je chasse les oiseaux et disparais sous leur fardeau.
Mon Dieu tu m'auras voulu mais vois : je te rends la
pareille.
Ces éléments qui sont toi,
les journées et les nuits,
les astres et les soleils, le calme et les tempêtes
si j'en renverse l'ordonnance et si je les engage
à rebours de ma propre mort
c'est toi qui l'as voulu !
p.134-135
La fille qu’apportait le vent du Nord
« Après un long cheminement dans le parfum de la menthe j’ai cherché où aller et songé pour desserrer l’étreinte de la solitude à trouver un oratoire afin d’avoir l’occasion de parler.
La clameur de la mer me broutait comme une chèvre quelque noire humeur et me laissait au cœur une trouée toujours plus propice à d’éventuels Bonheurs.
Mais rien personne.
Ne flamboyait autour que la prescience propre à l’olivier sauvage.
Et toute du lointain poudroiement de l’écume jusque là-haut par-dessus ma tête la pente prophétisait et susurrait par la transe mauve et chérubinique de milliers d’insectes
Oui oui j’étais bien d’accord les mers que voici se vengeront.
Quand sur ces entrefaites à sa ruine arrachée surgit gagnant en hauteur et d’une inaltérable beauté tous les cris des oiseaux accompagnant sa surection la fille qu’apportait le vent du nord et que moi j’attendais.
A chaque élan nouveau ses petits seins pommés frondaient le vent et c’était à chaque fois terrorisée en moi une joie qui montait jusqu’à me faire trembler la paupière.
Ah les emportements ah les folies de chez nous !
Explosant derrière elle des gerbes de lumière délivraient en plein ciel comme d’insaisissables signaux de Paradis.
J’ai réussi un bref instant à voir agrandir la fourche de ses jambes et toute son intimité nacrée d’encore un peu de la salive de la mer.
Ensuite me vint son odeur tout de pain frais et de réglisse musqué des montagnes.
J’ai poussé le portillon de bois et j’ai allumé un cierge de ce qu’une idée en moi se soit éprouvée immortelle. »
(p. 175 et 176)
Courage : la mort c’est ça
Dans le coquelicot épanoui
Et dans la fine, fine camomille
Le môle raboté par le sirocco tenace
Le pope des nuées qui change d’opinion
Les pauvres maisons patientes qui l’une contre l’autre
S’acagnardent avec délice et s’assoupissent
La Mer fait glisser ses baisers sur le sable caressé – Éros
la mouette offre à l’horizon
sa liberté bleue
Viennent les vagues écumantes
questionnant sans trêve l’oreille des coquillages
Qui a pris la jeune fille blonde et bronzée ?
la brise de la mer avec son souffle transparent
fait pencher la voile du rêve
Tout au loin
Éros murmure sa promesse – Mer qui glisse.
Et les garçons furent très effrayés, et les types aux faces de plomb, aux cheveux de paille et aux lourdes bottes noires, pâlirent comme cire. Ensuite il y eut effervescence d'allées et venues comme lors d'un séisme, et des étincelles autour des masures : en bien des endroits le papier goudronné tomba des fenêtres et l'on vit au loin, derrière le soleil, des femmes qui pleuraient, à genoux, sur le malheureux terrain, plein d'orties et de noirs caillots de sang. Alors que douze coups exactement sonnaient à la grande horloge des anges.
Bien des années après le Péché qu’ils ont baptisé Vertu dans leurs églises et qu’ils ont béni. Vieilles reliques d’astres et recoins du ciel plein de toiles d’araignées, balayés par l’ouragan qu’aura fait naître l’esprit de l’homme
II
Les eaux joueuses
les traversées ombreuses
disent l’aube avec ses baisers
qui commence
horizon -
Et la sauvage colombe
fait vibrer un son dans sa caverne
bleu éveil dans le puits
du jour
soleil –
Le noroît offre la voile
à la mer
caresses de chevelure
pour ses rêves insouciants
rosée –
Vague dans la lumière
à nouveau donne renaissance aux yeux
Là où la vie cingle vers le large
Vie
vu du lointain –
De la mer Egée (Orientations 1939)
Érotas
1
Éros
l’archipel
et la proue de l’écume
et les mouettes de leurs rêves
Hissé sur le plus haut mat
le marin fait flotter un chant
Éros
son chant
et les horizons de ses voyages
et l’écho de sa nostalgie
sur le rocher le plus mouillé la fiancée
attend un bateau
Éros
son bateau
Et la douce nonchalance de son vent d’été
et le grand foc de son espoir
sur la plus légère ondulation une île se berce
le retour.