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Citations sur Toutes fenêtres ouvertes (1)

Alors, pourquoi et de quel droit ai-je qualifié cette femme admirable d’« exaspérante » ? Sans doute parce qu’elle a reporté sur moi sa folle passion pour mon père. Et que cet amour était étouffant, au point qu’il m’est arrivé de me demander s’il n’expliquait pas, en partie, la fuite de mon père…
Une des plus grandes souffrances de ma mère fut indéniablement de peser sur ma vie et d’être matériellement à ma charge. Elle ne l’aurait pas été si la maladie ne l’avait pas rendue incapable du moindre travail. Je suis sûre que, si cela n’avait pas été le cas, elle aurait fait n’importe quoi pour subvenir elle-même à ses besoins, et qu’elle y serait arrivée. Cela lui était physiquement impossible. Il était évident, à mes yeux, que je devais assumer sa charge. Je ne suis pas certaine que cela m’ait tellement étonnée. Ma grand-mère l’avait sans doute prévu ; en tout cas, elle m’avait confié ce devoir. En 1943, dans la lettre qu’elle m’adressa à l’occasion de mon quatorzième anniversaire, voici, en effet, ce qu’elle m’écrivait : « Je suis tranquille maintenant, car je sais que tu sauras toujours garder ton rang [ce qui, dans son esprit, signifie que je serai toujours fidèle aux vertus qui m’ont été inculquées] et que, lorsque je ne serai plus là, tu sauras entourer dans ses vieux jours ta mère comme elle le mérite.»
Que ces temps semblent lointains, où, en pleine guerre, sachant sa vie et celle de sa famille en danger, une aïeule se préoccupait d’indiquer à une adolescente ce que seraient, dans vingt ou trente ans, ses obligations familiales !
En raison de problèmes matériels que ma grand-mère n’avait pas imaginés, ce ne fut pas facile. En 1955, j’appris par sa banque que ma mère n’avait plus un sou. Je me souviens de la gentillesse et de la tristesse du banquier qui m’en avertit. Dès que j’ai commencé à toucher un salaire – ce fut heureusement en cette même année –, celui-ci servit à régler le loyer de l’appartement, où nous vivions ma mère, sa sœur aînée, Tante Hélène, et moi-même. Ma sœur, qui était médecin, décida de payer le salaire d’une employée de maison, dont, à juste titre, la présence lui semblait indispensable. Mais elle ne pouvait faire plus : elle avait deux enfants.
Si ma mère ne me parlait jamais de mes propres difficultés qu’elle devinait, elle ne cessait de s’inquiéter pour moi, de me demander si elle pouvait m’aider en quoi que ce soit et de me prédire une réussite en toutes choses. Cette sollicitude constante et cette confiance aveugle, qui me paraissait absurde, m’insupportaient. Je me reproche aujourd’hui de l’avoir parfois rabrouée brutalement, de n’avoir pas compris que ses défauts, qui n’en étaient pas, n’avaient guère d’importance au regard de ses qualités exceptionnelles. Je me console en pensant que ma mère ne m’en a pas voulu de mes mouvements d’humeur à son encontre, car, une fois pour toutes, elle avait décidé que tout ce que je faisais était bien. Cet irréalisme m’agaçait, certes, au-delà de toute mesure. Et c’est pour cela que j’ai tendance à voir en elle non seulement une sainte, mais une sainte exaspérante…
Tout récemment, au travers des lettres qu’elle écrivait avant ma naissance, j’ai découvert une troisième face de son personnage, qui m’a heurtée : une femme en proie à une passion et à un désespoir tels qu’ils la conduisent à oublier ce qui est sa règle de vie : faire le moins de mal possible aux autres. Elle inflige ainsi à ses enfants des traumatismes qui n’ont rien de bénin.
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