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Critique de pixton


Je viens de relire American Psycho.
Troisième fois que je le lis, je pense, je ne suis pas sûr. Qu'importe. J'avais oublié à quel point les scènes de violence sont... violentes. C'est vraiment du gros gore qui tâche, toutes les descriptions sont détaillés à l'extrême, comme dans les meilleurs/pires romans du genre.
Je me suis surpris à me sentir choqué, alors que non seulement je l'ai déjà lu, mais que j'ai une certaine expérience du trash dans la littérature et le cinéma. J'imagine que je vieillis.

Sans ces pitreries hardcore, le bouquin serait totalement jubilatoire, car ce croisement entre le Loup de Wall Street et le bûcher des vanités donne une critique acide et hilarante du petit monde cynique des yuppies de Wall street. Vraiment, certrains passages sont à pleurer de rire. Mais sans ces pitreries gore, le bouquin ne serait que jubilatoire et comique. Alors qu'il devient.... beaucoup plus.

Le roman se passe à la fin du mandat de Reagan, qui avait ouvert en grand les vannes du capitalisme le plus sauvage, sous prétexte de relancer l'économie américaine. S'en était suivi une dérégulation totale du marché qui avait profité à une frange mineure de la population, au détriment de tous les autres et de l'ensemble des services publics. Un désastre social que les USA n'en finissent pas de payer.
C'est l'univers de cette infime portion des cols blancs, issue des facs élitistes de la côte est, que Brett Easton Ellis dépeint avec un talent hors pair.
La descrition de leurs vaines routines quotidiennes, de leurs journées creuses, de leur incroyable vacuité, est un pur délice, un elixir littéraire. En ce sens, oui, la description en détail des vêtements qu'ils portent est indispensable.

Ce monde est celui de l'avant 11 septembre, l'avant crise des subprimes et la chute de la banque Lehman brothers, celui de l'absolue domination de Wall street, tel qu'on le voit dans le film d'Oliver Stone. Un monde grand ouvert aux délires des golden boys, tous interchangeables, qui dans le roman ne cessent de se confondre, miroir aux reflets multiples.

Aujourd'hui, le cynisme des annés 80 perdure, mais les codes ont changé. Les créateurs de start-ups et inventeurs mégalos d'IA de la Silicon valley ont pris l'ascendant sur les investisseurs de Manhattan. Mais la psyché qui les construit reste la même.
Plusieurs études (par exemple les chercheurs suisses de l'Université de Saint-Gall) ont démontré que les personnes à très haute réussite sociale, comme les traders, présentaient des traits de personnalité que l'on retrouve chez les psychopathes : absence d'empathie, manipulation, intolérence à la frustration, angoisse narcissique.
(Après tout, si l'on vous révélait demain qu'Elon Musk était un tueur en série, est-ce que vous seriez vraiment surpris ?)

American psycho dépeint une Amérique malade, coupée en deux, dans laquelle l'argent autorise absolument tout. Il est assez fascinant de voir l'adoration confinant a l'idolâtrie que le héros accorde à Donald Trump (rappelons que le roman a été publié en 1991).
Dans une interview, l'auteur avoue avoir eu peur qu'on se rende compte à quel point il avait mis de lui-même en Patrick Bateman. (Car oui, les auteurs sont souvent narcissiques, plus ou moins vaniteux, ne coyez pas ceux qui prétendent le contraire.) Ellis, comme Bateman, avait 26 ans. Comme Bateman, il vivait à Manhattan dans l'immeuble de Tom Cruise et comme Bateman, il n'était pas certain de comprendre le sens de sa réussite et sa place dans le monde.
Étude sociologique, comédie noire, roman (ultra) gore, livre de tueur en série, American Psycho est un livre qui ne peut laisser indifférent.

"Le mal, est-ce une chose que l'on est ? Ou bien est-ce une chose que l'on fait ?"
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