AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gatsbi


gatsbi
05 septembre 2022
La Monture est un court roman aux allures de conte, récemment publié par les éditions Argyll. Il s'agit d'ailleurs de la première traduction française parmi la poignée de romans signés par Carol Emshwiller, parfaite contemporaine de le Guin qui en fait l'éloge.

À une époque indéterminée, une race extraterrestre a débarqué, conquis et domestiqué les êtres humains (« les nous »). Les Hoots, bipèdes à l'allure féline mais aux jambes atrophiées, voient essentiellement dans les hommes un parfait mode de locomotion.

Le premier chapitre, introductif, est très instructif, car on rentre dans la peau d'un représentant Hoot, justement. Dans la suite du roman, nous suivrons Smiley, un jeune adolescent promis à devenir la monture officielle du futur chef Hoot, qui n'est pour l'heure qu'un bébé.

Dès les premières pages, le style de l'auteure m'a rebuté. À vrai dire, je ne m'y suis jamais fait. Un style un peu vieilli, mais c'est surtout la façon de rendre les pensées et les paroles des Hoots d'une part et celles d'un Smiley plus tout à fait humain d'autre part, qui ma challengé. La traduction n'a semble-t-il pas beaucoup aidé.
Fort heureusement, ces premières pages nous plongent aussi au coeur du sujet, elles annoncent la couleur et cela a suffi pour me motiver suffisamment.

Ce conte explore avec une sensibilité folle les rapports de domestication, et plus généralement de domination. On y prend également la mesure de l'aliénation sous-jacente. On y voit bien sûr aussi la relation de maître à esclave disséquée, avec ses paradoxes perturbants, comme dans La planète des singes, ou encore l'excellent Dogville.
À côté de cela, d'autres thèmes forts sont explorés, comme le passage à l'adolescence (rapport aux parents, découverte de l'amour), la quête de soi-même, mais aussi l'amitié.

La Monture est un roman poignant qui fait réfléchir, forcément et intelligemment. La narration à la première personne nous plonge dans l'intimité psychique du Smiley, et c'est ici plutôt efficace. le climax se fait longtemps désirer pour éclater plus fort encore : larmes assurées ! le dénouement ne m'a pas déçu non plus.

Bref, un roman fort qu'on appréciera d'autant plus si l'on fait abstraction de l'écriture parfois laborieuse et de quelques invraisemblances somme toute normales pour un conte.


Si vous avez aimé l'ambiance et la narration de ce roman, Roche-Nuée, de Kilworth Garry pourrait vous plaire, avec des thèmes différents mais apparentés (quête de l'identité, tolérance et rapport à l'autre, races), même si personnellement cet autre conte ne m'a pas vraiment ému.


Carol Emshwiller s'est éteinte le 2 février 2019. Deux ans de plus et elle était centenaire. Deux ans qui ont vu le monde entier consentir comme un seul homme. Deux ans qui ont vu partir en fumée des libertés lentement et durement acquises.
Destin ironique ou mal pour un bien ? Je l'ignore mais je suis bien certain que cette grande dame eut été bien attristée.
Commenter  J’apprécie          115



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}