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Critique de Chouchane


Le motif du roman est celui d'un amour empêché. Franz est musicologue et professeur, il vit à Vienne. Un matin il reçoit une missive du Sarawak. C'est Sarah une orientaliste dont il est amoureux depuis ses années d'études qui la lui envoie, réveillant ainsi l'énorme dragon de ses souvenirs avec elle et son inextinguible amour. Cet amour fou de Franz pour Sarah fait écho à celui de la légende orientale de Majnoun et Layla (une sorte de Roméo et Juliette des années 750 en Asie mineure) mais aussi de l'amour de l'écrivain pour la Perse et tout le moyen orient devenu aujourd'hui quasi inaccessible. Franz crie son amour pour Sarah pendant 400 pages toutes fourmillantes d'anecdotes historiques sur la musique, la littérature, les mythes, l'histoire. Chaque ligne de ces souvenirs sont d'une érudition confondante et c 'est difficile à suivre. C'est une encyclopédie sur l'Orient que nous livre Matthias Enard. Faut dire qu'il a ses lettres de noblesse en la matière. Traducteur et enseignant le Perse, il connaît cette région comme sa poche et nous emmène sur les traces de ses passions et de ces fous d'Orient qui on façonné la vision occidentale du Moyen-Orient. S'emmêle à la fiction la longue histoire de l'orientalisme, celle de la colonisation et de l'expansion du rigorisme puis du fanatisme religieux dans le monde arabe. Cela débute par une longue réflexion autour de la possibilité que Vienne soit la porte de l'Orient. Ce qui nous vaut dès le début le très pointu ""Vienne porte de l'Orient me paraît très idéologique, liée au désir d'Hofmannsthal quant à la place de l'Empire en Europe. La phrase est de 1917...".
Franz est malade, gravement on ne sait pas ce qu'il a mais l'ambiance n'est vraiment pas à la fête. Il regarde derrière ses vitres pluvieuses le tramway et il pense. Il pense à Charles Valentin Alkan maître oublié du piano, ami de Chopin, de Heinrich. Il pense à ces moments où amoureux de Sarah, il vivait des extases d'érudits : lui lire des poèmes d'un traducteur persan du XIX°, Friedrich Rückert, dans un livre dédicacé par l'orientaliste Hammer-Purgstall daté de 1836 ; cependant qu'au dehors le bruit des roseaux rappelle un lieder de Schubert et Schuman. Les plus grands y passent aux travers d'anecdotes peu connues, Talleyrand, Hugo, Balzac ou Beethoven,Malher, Schubert, Schonberg, mais aussi Balzac, Flaubert, Khayyam ou Hafez, une aventurière qui désirait être la première femme à entrer à la Mecque et bien sûr Goethe. On y lit des réflexions sur les qualités de traduction du Masnavi de Roumi. Par moment on se passionne pour ces savoirs mais très vite on perd la boussole car Boussole est un livre pour savant comme disent les non-érudits dont je fais partie mais qui ne l'est pas devant ce recueil de science, cet état des lieux de l'orientalisme au XIX° ? En remuant ses souvenirs avec Sarah, Franz ressuscite les hommes et femmes qui les ont précédés en Orient, cette foule venue des 4 coins de l'Occident pour explorer le fantasme oriental au 19° siècle. C'est à Téhéran et à Palmyre que se nouera cet amour inaccompli. le dernier tiers du roman est moins pointu et on se laisse emporter par la fiction.
La boussole c'est ce qui permet de retrouver la bonne direction, celle vers laquelle on veut se diriger. Il parait qu'on la trouve partout dans les hôtels musulmans, elle est même parfois tissée sur les tapis de prière. Si Matthias Enard tient le cap de son récit le lecteur peut parfois perdre le nord devant ce récit truffé de références.
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