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Critique de Presence


Ce tome regroupe les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2003, écrits par Garth Ennis, et illustrés par Glenn Fabry, avec une mise en couleurs de Paul Mounts. Il s'agit d'une histoire complète, indépendante de toute continuité, parue dans le label MAX de Marvel, soit des histoires destinées à un lectorat plus âgé.

En 1003, sur la côte de la Norvège, une bande de vikings se fait justice sur le village qui s'est plaint de leurs larcins auprès du roi. Ils incendient le village, massacrent les hommes et les enfants, violent les femmes avant de les exécuter. Après avoir bien ripaillé, ils repartent sur leur drakkar. Mais le sorcier du village a survécu, et il invoque une terrible malédiction sur eux alors que leur drakkar passe devant lui. Résultat : ce groupe de vikings met mille ans à atteindre leur destination, c'est-à-dire le nouveau monde. Ils débarquent sous forme de zombies belliqueux ayant retenu toute leur conscience à Manhattan en 2003. Seul Thor est présent pour s'interposer et enrayer leur avancée au cours de laquelle ils trucident tout ce qui bouge. Harald Jaekelsson le passe au fil de son épée et le jette au fond de l'Hudson River, sans plus de cérémonie.

Garth Ennis est un auteur avec un amour très relatif pour les superhéros. Ainsi, Thor passe pour un individu pas très vif d'esprit du début à la fin du récit. Heureusement pour lui, il reçoit l'aide de Stephen Strange (le maître des arts mystiques, sorcier suprême) dès le deuxième épisode. Strange est dépeint comme un individu disposant de sens pratique et doté d'une solide intelligence. Quand Thor lui demande pourquoi il n'est pas intervenu lorsque Harald Jaekelsson l'a passé au fil de l'épée, Strange lui réplique qu'il se rendait bien compte qu'il n'était pas de taille à affronter le viking et qu'il ne voyait pas de raison de mourir sans espoir de sauver Thor. Ce dernier en prend vraiment pour son grade puisque lors de ce premier affrontement contre Jaekelsson, il a les 2 poignets brisés et il se fait étrangler avec la chaîne de son marteau enchanté Mjolnir. Seule la scène finale permettra à Thor de regagner un peu de dignité.

Le lecteur ne doit donc pas s'attendre à un récit premier degré chantant les louanges du dieu nordique de la foudre, encore moins à un récit de superhéros juste plus violent du fait du label MAX. Ennis annonce la couleur dans le premier épisode : il s'agit d'un récit de zombies un peu plus futés que la moyenne, tout aussi avides de combat et de massacre (mais ils ne se repaissent pas de cervelle fraîche). Il y règne une forme d'humour sarcastique servi bien noir, avec des quelques moments énormes dont Ennis a le secret (Thor étranglé avec la chaîne de son arme). Stephen Strange est le seul individu avec 2 sous de bon sens, et une aptitude remarquable à sortir de réparties cassantes, faisant ressortir avec acuité le manque de bon sens chez les autres. Cela lui permet de manipuler à sa guise ses alliés, pour un effet comique assuré.

Au-delà de ces personnages au caractère marqué (Thor et Strange), Ennis développe rapidement 3 autres personnages immédiatement attachant : Sigrid (une femme viking à la carrure impressionnante) qui rêve de partir aux combats comme les hommes, Magnus le Danois (un chevalier de l'Ordre teutonique) à la foi inébranlable et voyant des infidèles partout (moment énorme quand Strange lui assure qu'un chaudron a été béni en bonne et due forme), et Erik Lonnroth (pilote de Messercheschmidt 109 pendant la seconde guerre mondiale). En 5 épisodes, Ennis n'a pas le temps de développer ses thèmes favoris sur les servitudes des combattants, mais il est visible qu'il éprouve une certaine tendresse pour ces trois personnages.

Cette histoire bénéficie des dessins de Glenn Fabry dont l'approche graphique restitue aussi bien le ton sarcastique et moqueur d'Ennis, que l'horreur des massacres commis par les zombies vikings. Fabry n'a pas peur de représenter les chairs tuméfiées, ou déchirées, les blessures ouvertes et autres mutilations barbares. Sans être outrageusement gore, le récit est à déconseiller aux âmes sensibles, ou aux lecteurs ne trouvant rien de drôle (de manière perverse) au sang giclant du cou d'un corps venant de perdre sa tête suite à un décollement à l'épée, à une hache s'enfonçant dans un crâne, à un monceau de têtes entassées au milieu de la chaussée, à un oeil volant hors de son orbite, etc. Fabry ne se contente de jouer dans le registre de l'humour, certains exactions sont aussi dessinées au premier degré pour ne laisser planer aucun doute sur le danger mortel que représentent ces vikings.

Au fil des épisodes, Glenn Fabry prouve qu'il sait tout rendre crédible, plausible et palpable, qu'il s'agisse de l'existence de ce village mis à sac par les vikings, du sang coulant sur la pierre runique, du cubitus et du radius visibles dans les poignets cassés de Thor, de la prestance improbable du docteur Strange dans son justaucorps bleu nuit, de la force d'Ingrid, de ces têtes plantées sur des piquets, etc. Grâce à la qualité des dessins, le scénario d'Ennis n'est pas rabaissé au niveau de la pochade grand guignol, mais bien mis en image comme un récit consistant et bien construit. En tant qu'artiste, Glenn Fabry apporte une consistance supplémentaire au récit, l'alimente d'images élaborées pour l'étoffer et le rendre plus substantiel.

Si le lecteur est venu chercher une histoire premier degré d'un Thor digne et majestueux, qu'il passe son chemin, ce récit n'est pas pour lui. Garth Ennis et Glenn Fabry racontent une histoire entre farce grand guignol et intrigue horrifique, mettant à mal la dignité de Thor, mais comprenant des personnages générant une forte empathie.

Par la suite, Garth Ennis écrira 2 autres personnages Marvel pour le label MAX : le Punisher à commencer par Born et Nick Fury (Fury, puis D'une guerre à l'autre).
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