Je ne crois pas à la destruction imminente. […] J’ai simplement voulu souligner la puissance de destruction de l’homme dans son impossibilité de résoudre la question de l’altérité.
Si [les révisionnistes] n’ont rien compris, s’ils ne veulent pas se rendre compte, c’est pour pouvoir un jour sans la moindre culpabilité (certains Allemands en avaient parfois) réaliser enfin le rêve d’Hitler : un monde sans juifs, devenu totalement profane, sans opposition ni contestation, le juif étant et restant le modèle de l’homme des questions (comme l’a bien compris E. Jabès) à l’humour dévastateur.
Détruire la communauté juive est donc le préliminaire indispensable pour édifier un Etat à la fois puissant et conquérant. […] Si les Juifs sont contre l’Etat [parce qu’ils se revendiquent comme peuple autre, relié à Dieu par un lien personnel], l’Etat pour devenir Etat total, sûr de lui et de son emprise sur ses ressortissants, va être contre les Juifs.
Plutôt l’apocalypse que la vie quotidienne. Tel est le credo de l’Etat dictatorial. Il n’est pas étonnant qu’un tel credo porte ses fruits.
La conjugaison des deux sacrés : l’argent (et son corollaire le travail) et l’Etat-Nation donne ainsi à la pulsion de mort dans nos sociétés une force encore jamais atteinte et absolument inenvisageable dans les sociétés antérieures.
La domination issue de la Révolution française est […] la domination de l’argent sur le travail, du fétiche sur les rapports sociaux, […] du signe [de l’argent] sur l’effort réel (muscle ou cerveau). […]
A une société de rang succédait une société de classes, à une société à sacré transcendant une société à deux sacrés [l’argent et le travail], à la fois autonomes et fortement liés l’un à l’autre.
Avec le triomphe du monothéisme commence l’histoire de l’aliénation et de l’exploitation de tous les hommes.
Le monde profane où ne se rencontreraient que les interdits nécessaires au fonctionnement social ne serait que le monde de la domination des forts sur les faibles, le monde de la répétition […], un monde sans jouissance. Un sacré qui ne serait que de respect ne serait en fait qu’un monde profane déguisé.
Il ne peut y avoir de sacré sans péché, de sacré sans culpabilité. Ainsi l’objet ne devient pleinement sacré que lorsqu’il est menacé de sacrilège.
Le sacré ne peut se comprendre que sous son double aspect : respect et transgression.