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Critique de le_Bison


Froide et sombre la nuit, la lune est absente. Ni bleue, ni lumineuse, elle s'en est retournée vers un autre monde, celui de la lumière. Moi, je reste allongé sur mon lit, dans le monde des ténèbres. Eteins-moi cette cigarette, souviens-toi des dangers de fumer au lit. Tout peut prendre feu en un instant, ta vie, ta mort, ton âme. Partie en cendres, cette dernière t'a tourné également le dos. Les yeux clos, le corps marqué, tu respires une dernière fois, respirer cet air suffocant, sentir cette humidité comme sur un vieux livre aux pages jaunies. Un jour, on retrouvera ton cadavre allongé dans la même position, les os blanchis par le temps, une cigarette encore plantée dans ton crane, comme une peinture de van Gogh. Mais en attendant, tu sens ce parfum de mort qui t'enveloppe, de chair en putréfaction, de peur et de tristesse. de l'Argentine à l'Espagne, tu voyages autour de la mort, avec des jeunes filles mal dans leur peau, des femmes qui ont peur, des fantômes…

Allongé sur ton lit, tu écrases donc cette dernière cigarette qui un jour te tuera et tu replonges dans tes pensées, dans l'abîme profond de ton malaise. Des fantômes pleurent, alors tu déterres des os, sous cette poussière, un poulet, un coyote ou une grande soeur. Des enfants disparus reviennent des années après, sans même changer d'apparence… Si tous les disparus de la Dictature pouvaient en faire autant… Tu fais appel aux esprits, sur une musique de sang et de sueur, et s'ouvre à toi un monde dont tu n'oses pénétrer, une odeur de chair morte qui t'envoute, rêvant à coeur ouvert de futur, de passé et de tristesse. Alors tu ouvres ton recueil de nouvelles, pour t'envoler vers un monde onirique, tu reçois en échange une poésie sombre et noire qui te saigne les veines et ton âme.

Mariana Enriquez, une autre voix de l'Argentine qui parle aux morts, qui discute avec les esprits, qui frissonne dans le lit, qui bouffe de la viande crue… Un susurrement au milieu d'une dictature… « Si tu as faim, mange mon corps. Si tu as soif, bois mes yeux. »
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