Qui aujourd'hui vit intensément, non pas au travers d'un écran mais en ressentant les choses réellement ?
Décider de ne pas ouvrir le feu peut entraîner le risque d'être exposé au tirs ennemis en ayant perdu l'initiative. Il faut donc, en son âme et conscience, bien peser les conséquences de chaque décision. Au final, c'est bien la stricte connaissance des règles d'engagement, le bon sens dans la réflexion et une part d'instinct à ne pas négliger qui permettent de prendre une décision rapide et saine.
Tuer n'est pas, et ne sera jamais un acte anodin. le considérer comme tel serait une dérive dangereuse qui mènerait hors de l'éthique du métier des armes.
Car la guerre moderne a beau être une vitrine de nos industries technologiques, les soldats d'aujourd'hui ont beau se battre avec des engins valant plusieurs dizaines de millions et nécessitant des mois, voire des années, pour être maîtrisés, il n'en reste pas moins que la véritable force d'une unité provient de ses hommes et de la relation qui les lie. Le courage et la combativité du groupe sont proportionnels à son niveau de cohésion et non à la performance de tel ou tel appareil.
La confiance mutuelle entre chefs et subordonnés est une donnée essentielle à la réussite d'une opération. Quel que soit son niveau dans la hiérarchie, un soldat qui n'a pas confiance en son chef sera réticent à avancer; il remettra en question tous les ordres reçus parce qu'il croira bon de vérifier toutes les décisions prises par ce supérieur. [...]
De même, un chef qui n'a pas confiance en ses subordonnés perdra son temps en vérifications interminables de leur travail, tombant inévitablement dans le piège de l'ingérence qui entraînera incompréhensions et frustrations.
Enfin, un soldat qui a la sensation que son chef n'a pas confiance en lui aura du mal à prendre des décisions importantes, comme celle de l'ouverture du feu. Inhibé par le souci de la réaction de sa hiérarchie, sa réflexion sera envahie de doutes et ses actes empreints de timidité.
Un soldat a beau se préparer psychologiquement - et peut-être spirituellement - à donner la mort, cet acte implique pour toute personne normalement constituée un choc émotionnel inévitable. Je sais d'ores et déjà que mon premier tir en combat réel, qui s'est soldé par deux insurgés afghans tués, restera à jamais gravé dans ma mémoire.
Je garde néanmoins au cœur la crainte de tuer un innocent. Donner la mort à un soldat adverse est déjà assez difficile en soi, je n'ose imaginer combien la mort d'un civil doit peser sur la conscience.
Il est toujours aisé de juger la manière de commander de ses propres chefs; c'est une autre affaire d'être soi-même à la hauteur.