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Critique de sylviedoc


En ces temps covidesques, il me semblait tout à fait approprié de lire un roman intitulé "L'épidémie", surtout en sachant...que ça n'avait rien à voir avec un quelconque virus !
Non non, nous sommes en Suède, et l'épidémie que souhaite juguler le premier ministre Johan Svärd est d'un tout autre ordre : il s'agit d'éradiquer l'obésité, génératrice de frais médicaux et qui selon lui menace l'équilibre du pays. Soyons beaux, soyons sains, soyons minces et nous serons plus heureux, fiers de notre pays où règne la santé. Veillons à maintenir notre IMGM (Indice de Masse Grasse et Musculaire) aussi bas que possible et mangeons de l'Airfood goût noisette, ça ressemble à de la nourriture, mais ça ne nourrit pas ! Allons à l'église, non pas pour écouter un sermon, mais pour faire de l'exercice, puisque les lieux de culte se transforment l'un après l'autre en salles de sport.
Mais tout ceci ne suffit pas à Johan Svärd, les élections approchent et il voudrait bien rempiler. Problème : les gros ne voteront pas pour lui, ces porcs ! Il va donc falloir aller bien plus loin pour éradiquer l'obésité, et le temps presse.
Parmi ces vilains gros non coopératifs, il y a Helena dont la fille Molly a du intégrer une classe "spéciale" pour enfants en surpoids dont les programmes tiennent plus du bourrage...de crâne que de l'instruction. le jour où la fillette rentre avec une brochure sur la chirurgie bariatrique, c'est l'humiliation de trop pour Helena : elle quitte la ville pour se réfugier dans la vieille maison de son père. C'est là qu'elle va rencontrer Landon, jeune chercheur séparé de sa fiancée Rita qui est entrée dans une spirale mortifère d'amaigrissement forcené.
A Stockholm, Gloria a perdu son poste d'enseignante à l'université d'Uppsala, à cause de son surpoids. Depuis, elle se morfond seule dans son appartement où seule sa voisine Bibi vient la voir. Un jour, elle reçoit une mystérieuse convocation...
Le décor est planté, les personnages en place.
A partir de là, l'auteure nous emmène dans le délire d'un dirigeant barré dans son délire totalitaire, qui rêve d'un pays sans gras où tout le monde respirerait la santé, qui serait un exemple pour le monde entier, et surtout pour les USA et la France, pays que Johan exècre depuis qu'Amy, son amour de jeunesse l'a quitté à New York pour un frenchie.
Les mesures de rétorsion passent de simples incitations à des brimades de plus en plus intrusives, que ce soit dans la vie professionnelle ou privée. Les personnes en surpoids sont stigmatisées, moquées par les "normaux" et la violence psychologique à leur égard s'insinue dans tous les domaines.
Moi qui suis un peu "limite" au niveau poids, je vous jure qu'à certains moments je me rongeais les ongles pendant ma lecture, en pensant au chocolat que j'avais mangé pour accompagner mon café ! L'angoisse monte progressivement jusqu'à atteindre un paroxysme, on suit, haletants, Helena, Landon et Gloria qui cherchent à échapper à ce régime (!) de nazis de la minceur. le parallèle est d'ailleurs facile à établir entre les partisans de Johan Svärd et ceux qui cherchèrent à éradiquer une autre partie de la population, jugée elle aussi "indésirable" en son temps. Simplement l'intolérance et la haine sont placés sur un autre plan : l'apparence physique, le culte de la forme (et non des formes !).
J'ai parfois eu des difficultés à poursuivre ma lecture, je me sentais presque mal à l'aise en me disant que oui, ce n'est pas totalement irréaliste, cela pourrait même arriver, tellement certains sont obsédés par le culte du paraître, de la minceur. le masque peut cacher les boutons, mais pas les kilos !
Mais malgré une lecture discontinue, j'ai apprécié ce roman bien construit, plausible même si l'idée peut sembler invraisemblable au départ. J'ai eu peur pour les trois héros et la petite Molly, j'ai espéré que quelqu'un réagisse et dise "stop, vous êtes de grands malades ! ", j'ai détesté ces moutons qui adhèrent à une idéologie totalitaire sans comprendre la manipulation dont ils sont complices. Et je me suis dit avec inquiétude que certains pays d'Europe ne sont pas loin de basculer dans des dictatures de ce type, même si l'approche n'est pas la même.
J'ai alterné ce roman avec "Né d'aucune femme" de Franck Bouysse, guère plus joyeux, et un traité sur la déconsommation ! Autant vous dire que mon pauvre cerveau en a pris de tous les côtés entre ces trois bouquins...
Bon, je m'en vais manger un yaourt à 0% en réfléchissant à tout ce que je pourrais jeter dans ma maison, et j'espère ne pas rêver de dictateur fou ou de forgeron psychopathe !
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