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Critique de Arimbo


Choses vues dans ce monde à priori déshumanisé d'une ville nouvelle Cergy, ville sans passé, sans racines, et dans les transports, train, RER, entre cette ville nouvelle et Paris.
Mais la relation de ces choses vues par Annie Ernaux n'est ni neutre, ni simple. Derrière l'observation, il y a, si l'on sait lire entre les lignes, l'engagement d'une « sacrée bonne femme », et de multiples réflexions sur notre société.

Entre 1985 et 1992, Annie Ernaux va écrire quelques fragments de cette vie des gens « du dehors », sous forme d'instantanés où se mêlent observation sans concession des moeurs et des gens, empathie pour les délaissés: sans domicile fixe, femmes perdues, chiens rabroués, et un regard à la fois féministe et attentif aux classes sociales, aux dominants et dominés.

Ce n'est pas à proprement parler, un journal. A part l'année qui est citée, l'auteure ne nous dit précisément, ni le jour, ni la saison, même si parfois, on s'y retrouve..
Ce n'est pas non plus un journal intime, Annie Ernaux n'évoque que rarement sa vie personnelle, ses états d'âme, et si elle le fait, c'est qu'en tant que représentation de traits communs à la condition féminine ou sociale.
Non, on pourrait qualifier ce texte d'hybride entre portraits des gens et des lieux, et essai sociologique.

Mais, une fois de plus, pour moi qui il y a quelques mois, ne connaissais que peu de choses de cette auteure nobelisée, c'est un texte d'une formidable originalité, marqué d'un regard acéré sur la vie des gens, d'une formidable compréhension de ce qui anime les humains, et d'une véritable compassion pour les faibles et les déclassés.

Car Annie Ernaux restitue la vie de ce monde que beaucoup de dénommés « intellectuels » méprisent, et dont les politiques sont déconnectés (cf.son commentaire sur les propos d'un François Mitterand, pourtant socialiste, sur les « petites gens »). C'est celui des caissières, des vendeuses et des client.e.s des hypermarchés ou celui des petits commerces (des observations parfois bien cruelles témoignant de l'inégalité sociale), des employées des salons de coiffure ou de « beauté », ou encore celui des gens de toutes sortes rencontrés dans les transports en commun, les couloirs de métro.

Et, comme en palimpseste, ce récit apparemment simple, nous raconte, sans grands discours, sans développements philosophiques, le statut dévalué des femmes, la violence inhérente aux inégalités sociales, aux couleurs de peau, etc….et c'est malheureusement toujours d'actualité.
Mais aussi, car ce n'est pas un tableau misérabiliste que l'auteure nous fait, le récit nous montre des instantanés quasi-photographiques montrant avec beaucoup de tendresse, l'affection ou l'amour entre les gens.

Un livre passionnant et instructif.

N.B. Annie Ernaux a poursuivi cette « chronique » pour les années 1993 à 1999, par La vie extérieure, que je n'ai pas lu, puis par une chronique de ses passages dans l'hypermarché de Cergy entre 2012 et 2014 dans Regarde les lumières mon amour, dont j'ai fait un commentaire sur ce site.




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