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Critique de MarcoKerma


Décidément je trouve que Annie Ernaux est une écrivaine que je trouve intéressante et de valeur. J'apprécie ce qu'elle dit et la manière dont elle le fait, précisément, clairement, justement, lucidement, très intelligemment et sans concessions, sans effets de style recherché, visible.
Dans la Femme Gelée, elle dit ce qu'il s'est passé - quelle mémoire, qui reconstruit peut-être en écrivant - et surtout ses pensées et sentiments de ses années encore élève dans une école privée religieuse jusqu'à son mariage, la naissance d'un enfant.. Entre ces deux événements, le développement de son intérêt, attirance, curiosité pour l'autre sexe, avec discrétion (ou ellipse élégante) ses premières expériences dans ce domaine, un peu son époque étudiante (beaucoup plus présente dans l'Événement. Il y a d'ailleurs ce fait dans sa vie, dont elle ne parle pas dans ce bouquin -ci mais qui s'est produit dans ces années-là. Elle devait garder le récit de ce fait majeur pour un livre seul, l'Événement, justement).
Annie Ernaux, ça paraît facile à lire ( en tous cas pour moi qui ne suis pas du tout dérangé par sa syntaxe parfois bousculée) et à comprendre, c'est fluide, les mots sont compréhensibles - parfois même du langage parlé - mais, régulièrement, un bout de phrase dans le flot de la lecture, entre 2 virgules, est plus intrigant - pas saisissable au premier coup d'oeil - suscite la curiosité et donnerait matière à réfléchir, mais A. Ernaux continue, ne s'y arrête pas, ne développe pas, n'explicite pas, ne précise pas.
Bref, c'est plus riche et complexe, nuancé, que cela peut en avoir l'air au premier abord.
Je trouve que la Femme Gelée pourrait être utilement lu par les jeunes femmes - pour ne pas faire les mêmes concessions, aux autres et à soi, ne pas avoir les mêmes renoncements - et, aussi et peut-être surtout par les jeunes hommes, pour qu'ils s'interrogent, en étant amenés à être centrés sur les ressentis et la réflexion d'une femme, pour qu'ils jaugent leur attitude, leur comportement, souvent inconscients car conditionnés, par rapport aux femmes. C'est ce que j'ai fait et je trouve cela fort utile, concrètement applicable. La femme Gelée, comme un livre de prévention..
Et puis j'apprécie sa hargne générale, sa rage - mais pas le regret, le ressentiment ni la tristesse, sentiments qu'elle garde peut-être pour elle - le côté entier et indépendant dans la pensée qu'elle a mis dans ses livres sinon dans sa vie ( " toute mon histoire de femme est celle d'un escalier qu'on descend en renâclant"..).
Je me suis interrogé sur le choix de cet adjectif dans le titre. Cette image de l'escalier descendu m'aide à comprendre : dans le processus de gel la température descend peu à peu. Chaque degré peut correspondre à un renoncement, un concession, une erreur, une impossibilité, une difficulté, un choix etc et degré àprès degré, comme ceux d'un escalier, la température passe la barre du zéro et l'eau, vivante, se fige. gèle. C'est par ce genre de formule, disséminée dans le texte, que tout un chacun peut comprendre Annie Ernaux.
Annie Ernaux c'est, par le récit minutieux, détaillé sans que cela soit long et pesant, des guides d'émancipation, pour les femmes, et aussi pour les hommes !
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