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Critique de Yaena


Assis en tailleur à même le sol pour faire la manche, installés à l'écart cannette à la main et clope au bec, en marche arpentant les rues, couché sur un banc en quête d'un peu de sommeil et de quiétude. Nous les croisons tous les jours ils viennent d'ici ou d'ailleurs et semblent n'aller nulle part. Âmes errantes, fantômes de nos cités nous les voyons sans les regarder. On les appelle SDF, clodos, sans abris, clochards, jusqu'à oublier leur nature d'êtres humains. Des hommes des femmes, nos semblables qui ont un passé, une enfance, un présent difficile et un avenir qui se dérobe sous leurs pieds.

Ervé est dans la rue depuis toujours, malgré la mauvaise opinion qu'il a de lui c'est un gars courageux qui se bat contre ses démons tel « un chat sauvage sans griffes ». Il faut une sacrée dose de courage pour se regarder en face sans se mentir, mais encore plus pour s'écrire quand on sait qu'on va être lu. Surtout pour se raconter comme ça, en se mettant à nu et en posant ses tripes sur la table. Respect. Sans détour il raconte sa non-enfance, le gosse fracassé qu'il était, comment il s'est construit sur des fondations branlantes, l'âme déchirée, le coeur balafré avec l'absence et la tristesse comme compagnes de route. Il raconte le manque d'amour, le manque de cadre, le manque de famille, le manque de tout. Il raconte la DDASS, l'absurdité de l'institution, sa cruauté ses dérives, l'inhumanité, la honte, l'injustice et l'innommable.

Il raconte cette envie d'une vie meilleure lovée comme une couleuvre au creux du ventre et qui vous fait plus de mal que de bien. Parce qu'il y a Elle qu'il aime comme il peut, parce qu'il ne sait pas trop comment on fait. Et Elles, ses 2 filles, ses 2 poumons, sa vie, il les aime à en avoir mal.

Pour survivre, ne pas suffoquer, Ervé écrit. de la prose, des poèmes, des chansons. Il écrit la rue, ses potes, ses rencontres, les cafés, ses fugues, les bons moments et les moins bons.

Son écriture est surprenante, franche, sans détour, férocement poétique. Derrière ses mots on sent sa bonté, sa fragilité sauvage, sa solitude et la douleur sourde qui l'accompagne et qui s'apaise si peu, si brièvement.

Une vie torturée, abîmée avant même d'avoir éclos, racontée sans haine, sans misérabilisme ni atermoiement. Une plume ingénieuse qui joue avec les mots et recèle de trésors d'humanité. Un vocabulaire riche, varié et un amour du mot juste qui trahissent l'intelligence et la sensibilité.

Un récit rude, âpre et tellement beau qu'il en est douloureux.
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