AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de NMTB


Lu dans la traduction de Leconte de Lisle.
Ce qu'il y a de curieux avec le mythe de Prométhée, ce sont les lointaines correspondances avec le christianisme. On peut voir Prométhée à la fois comme une figure satanique et christique. Dès les premières lignes, Eschyle raconte l'enchaînement de Prométhée par Héphaïstos sur les ordres de Zeus. Les Carpates (il semble que ce soit le lieu où Eschyle situait le supplice de Prométhée) c'est le Golgotha, Héphaïstos lui cloue un bras, puis l'autre, puis il lui enfonce un coin d'acier dans la poitrine. La crucifixion, en quelque sorte, d'un Dieu qui a trop aimé les hommes, « un sauveur d'hommes » qui leur a donné le feu. Prométhée c'est donc aussi le serpent qui a révélé la science aux hommes, le porteur de lumière, Lucifer, la divinité rebelle chassée du ciel par Zeus. Zeus est le roi des dieux dans cette pièce, un tyran ; « Nul n'est libre, si ce n'est Zeus » dit Kratos à Héphaïstos, on n'est pas si loin du monothéisme.
Les correspondances s'arrêtent là, il est certainement davantage question, dans l'esprit d'Eschyle, de la tyrannie humaine, il songeait peut-être même à des évènements politiques précis. le feu de Prométhée n'est pas la connaissance du Bien et du Mal, pas plus que la charité chrétienne. La problématique d'Eschyle est tout autre, elle est grecque, c'est l'essence de la tragédie, la réflexion devenue si subtile au fil du temps, sur la liberté et la nécessité. Avec cette pièce on se trouve juste au début de cette réflexion, c'est une négation brutale de la liberté sur terre, tout n'est que fatalité.
Et c'est justement dans cette fatalité que réside l'espoir de l'immortel Prométhée. Pour tout le monde sa situation est désespérée, il est condamné à souffrir éternellement, mais lui s'obstine dans sa révolte car l'avenir lui a été révélé. Il sait donc que Zeus n'est pas si puissant qu'il y parait et que sa libération viendra en son temps. « Qui donc gouverne la nécessité ? » lui demande les Okéanides, il répond : « Les trois Moires et les Erinnyes qui n'oublient rien », Zeus n'est donc pas le démiurge, il n'est pas tout-puissant, juste un roi très-puissant, et il « ne peut échapper à ce qui est fatal ». Même si Eschyle situe son action dans un monde entièrement mythique, il ne sépare pas radicalement le royaume des cieux et le royaume terrestre, et il n'y a pas de liberté possible, tout est absolument fatal, les chaînes de Prométhée sont les chaînes du destin.
Commenter  J’apprécie          111



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}