Citations sur Le salon de beauté (27)
Karen trouvait étrange qu'à Bogotá les gens ne se réunissent dans la rue que lorsqu'il y avait un mort, un cambriolage ou un accident. Le reste du temps, tout le monde restait enfermé chez soi. Sur la côte, au contraire, les gens sortaient leurs chaises en plastique et leurs radios sur le trottoir, ils passaient des vallenatos, trinquaient à la santé du voisin avec uns Costeñita ou une Aguila bien fraîche, et ils passaient l’après-midi à écouter de la musique caribéenne.
Comme la thérapeute ou le confesseur, l'esthéticienne doit faire vœu de silence.
Le fauteuil de soins tient du divan. Le corps de la femme y est sans défense dans une posture de don de soi. Obéissant à l'injonction "Détendez-vous, éteignez votre téléphone portable", elle entre en cabine, prête à déconnecter un moment. Pendant quinze minutes, une demi-heure, parfois plus, elle s'isole du monde, se connecte a son propre corps, au silence, et souvent a une intimité qui l'encourage à confier des choses qu'elle n'avoue a personne, pas même ses proches.
Pour sa famille, ses amies et les gens qu'elle connaissait, coucher avec un préservatif revenait a se faire traiter de pute. "S'il y a de l'amour, il n'y a pas de capote", récitait dona Yolanda. Puis elle complétait sa phrase par l'une de ses nombreuses superstitions: "Quand un homme dit qu'il t'aime, regarde sa pupille. Si elle se dilate, c'est qu'il ment." Nixon lui avait dit qu'il l'aimait et sa pupille n'avait pas bougé.
Ces tout petits désirs qui me restaient, ils sont partis maintenant, et dans mes veines, il n'y a plus que de la tristesse qui coule.
Et me sentir belle et avoir les cheveux lisses, pour moi c'est pareil.
Je suis restée silencieuse. Je savais que Karen se lissait les cheveux, mais j'étais loin d'imaginer le martyre qui se cachait derrière.
Sa mère misait sur la beauté de Karen pour sortir de la pauvreté. (p. 36)
(...) Les gens n'y habitaient plus à cause de l'insécurité. Dans cette ville, il n'y a pas d'espace où rester entre la rue et à l'intérieur de chez soi. Il faut mettre des obstacles, des limites, des barrières de protection. Un gardien, voire plusieurs, une grille, si possible électrifiée, un chien féroce...( p. 88)
Si Lucia ne pensait pas que j'appartenais à cette catégorie de femmes, elle pensait en revanche que j'avais fui une société que je jugeais fermée, pour gagner un pays où je m'étais toujours sentie étrangère. J'étais un oiseau sans arbre, mais malgré tout, je me portais bien. Cela dit, je n'étais pas non plus tout à fait heureuse. comme il est difficile de trouver la juste mesure pour se donner. Se donner à l'autre sans se perdre soi-même. (p. 219)
La vérité est nécessaire quand la justice est rendue. Mais la vérité sans réparation est un poison pour l'âme. (p. 179)
Cette fille faisait des études bizarres. De la socio, je crois. Elle essayait de rassembler les gens, pareil que Nixon, elle leur parlait de fierté, d'ancêtres et ce genre de trucs (...) (p. 193)