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Critique de Kiyoaki


A partir d'une très riche documentation, comprenant de nombreuses références (auteurs, études, et très belle bibliographie) et beaucoup d'enquêtes, d'exemples et de chiffres, la Sociologie des publics se déploie suivant les grandes thèses de "la réception" qui obéissent à 6 logiques distinctes (les 6 premiers chapitres) : 1) le public serait déterminé par l'objet-dont-il-y-a-public (ch.1) ; 2) point de vue des enquêtes statistiques sur les publics (ch.2) ; 3) le public serait une "masse manipulée" par les logiques commerciales des objets (ch.3) ; 4) la relation entre l'oeuvre et le public serait d'abord déterminée par la hiérarchie des classes sociales (Bourdieu et sa suite, ch.4) ; 5) le public serait défini à partir des divisions sexuelles, culturelles ou nationales (ch.5) ; 6) le public pensé par la tradition contemporaine de l'ethnographie, qui privilégie l'idée d'interactions (ch.6) ; enfin, le 7ème et dernier chapitre présente essentiellement la question des effets des produits culturels sur la vie des publics (et ce que devrait être la sociologie des publics dans l'avenir).
La clarté du plan et l'analyse détaillée de l'auteur donnent une image nette de ce champ sociologique et permettent d'examiner en détail ce que peut être un public et comment le discerner. Mais malgré cet effort de clarté, le problème de l'hétérogénéité du public, son caractère varié, n'est pas réduit et garde un rôle dominant tout au long de l'ouvrage. Pourtant, la complexité de la notion de public rend la tâche intéressante et donne encore plus envie de saisir la formation et l'identité (ainsi que la dynamique) des publics d'un objet culturel. Sont donc beaucoup étudiés les publics de la télévision, ou du cinéma, et un petit peu de la lecture (moins de l'art ou du théâtre). Finalement, une fois lu et compris les 5 premiers chapitres, ce sont surtout les deux derniers qui paraissent riches de promesses pour la suite de la sociologie des publics. En effet, les perspectives compréhensives du public font une place à la question de l'interaction suscitée par la réception et à l'acceptation d'un public hétérogène qui serait alors capable de plusieurs usages des médias dans la vie quotidienne. La réception engendrerait ainsi des "assemblages hétéroclites" sur un même objet culturel ; c'est dire que le public a un pouvoir (en puissance, pas toujours effectif) de "prise" et donc que l'engagement culturel est possible.
Il y a donc bien un "jeu de la réception" où plusieurs acteurs ont leur rôle à jouer (des logiques commerciales et des industries culturelles, aux stratifications sociales, en passant par les critiques légitimes, sans oublier bien évidemment le public de l'objet, avec tout ce que cela comporte d'enjeux sociaux). C'est-à-dire qu'il y a ce qu'Esquenazi nomme au ch.7 des "cadres de participation et des cadres d'interprétation" où le public est toujours au premier rang. Autrement dit, le spectateur peut accomplir des actes, Esquenazi insiste : il faut aussi "considérer la réception comme une activité" (p.107). La réception n'est certainement pas une chose figée : elle n'est pas uniforme et il y a en elle du mouvement.
Enfin, le problème du public n'est pas clos d'un point de vue sociologique : l'étude des processus d'interprétation ne fait que commencer (peu exploitée jusque-là), alors qu'il est manifeste que "le public-interprète est un acteur fondamental de la construction du sens" nous dit l'auteur. D'ailleurs cette construction de sens est dynamique et intense, et fait appel à l'énonciation (une théorie du langage est ici possible) et l'interprétation au sein d'un "processus social dont l'oeuvre est l'occasion" (p.111). Plusieurs problématiques se dessinent alors, posées avec pertinence par l'auteur à la fin de son ouvrage, avec toujours cet effort de clarté qui est le bienvenu. Par conséquent la question du public demeure toujours, mais elle se trouve moins fuyante et plus riche (et presque fascinante), après ces explications qui montrent la double nécessité de : rassembler les approches pour plus de résultats et pour une meilleure vue d'ensemble, et comprendre aujourd'hui plus encore (dans cette société du divertissement) les attitudes des publics -en délimitant les contours du travail (en assumant les limites) afin "d'augmenter son pouvoir de résonance" (p.116).
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