AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de GribouilleChat


Que dire de ce roman énorme – dans tous les sens du terme ? D'abord son titre : on aurait pu autant l'intituler « Les trahisons successives » ou « Les lâchetés successives ».
Deux frères adolescents sur une île anglo-normande : ils sont les seigneurs de l'île où ils vivent avec leur mère et l'amant de celle-ci, le bailli, un homme plutôt falot qui, d'une liaison éphémère, a eu une fille qu'il ne connaît pas mais dont il annonce la venue régulièrement ; le seul lien qu'ils ont avec le monde extérieur – leur mère les empêche de quitter Malderney – est Simon Bloch, un producteur de cinéma qui y passe chaque année un mois de vacances et leur raconte Paris, le Paris brillant du monde des arts. Les deux frères aussi différents, qu'on peut l'être, s'adorent : Victor, l'aîné est un grand blond, sportif et c'est le préféré de la mère ; Guillaume le cadet est brun, rêveur, artiste, Bloch est le critique auquel il confie ses dessins.
L'harmonie fraternelle va être bouleversée par l'arrivée de Pauline, la fille du bailli : tous deux en tombent éperdument amoureux mais c'est Guillaume qui parvient à la séduire grâce aux conseils de Bloch. Surpris par Victor, Guillaume fuit avec Bloch et s'installe dans le magnifique appartement de celui-ci au Quai Conti; il se met à fréquenter le tout Paris et se lance dans une vie facile et fascinante.
Mais la Drôle de Guerre est déclarée, Bloch fuit et Guillaume refuse de rentrer à Malderney, pour rester dans l'appartement. Au lendemain de l'occupation de la ville par les troupes allemandes, il rencontre Marco Dupin, un juif antisémite et suicidaire, qui va s'installer au Quai Conti et l'entraîner dans une spirale qui passe par la collaboration et la fréquentation des personnalités les plus sulfureuses du Paris des années 40-44.
Cela commence comme un de ces romans sentimentaux qui plaisent aux adolescents ; cela continue comme un roman d'apprentissage et cela se termine en tragédie.
Commençons par un reproche: j'ai parfois trouvé les ficelles un peu grosses mais ce n'est qu'un détail.
Ce qui, pour moi, est particulièrement attrayant dans ce roman c'est qu'il est dérangeant : j'ai pensé à certains moments à Lacombe Lucien, ce film de Malle qui, par un concours de circonstances, se retrouve dans la milice, alors qu'il aurait aussi bien pu être résistant.
Mais en même temps, Guillaume, s'il a des circonstances atténuantes, n'a pas les excuses de Lacombe, garçon peu éduqué. le regard qu'il pose sur tout ce qui l'entoure, comme, par exemple le bombardement de Paris en mai 1940, est celui d'un esthète de 19 ans, que la question morale n'effleure pas au moment-même mais sur laquelle il revient a posteriori.
Un garçoLa question est celle de la responsabilité individuelle, du choix de chacun, ce n'est pas vraiment original mais le fait qu'elle concerne cette fois un très jeune homme fait particulièrement mouche.

D'un autre côté, nous lisons le livre que Guillaume, condamné à mort mais dont la condamnation a été commuée en détention à perpétuité, a écrit dans sa cellule de Clairvaux. le récit de son parcours est-il sincère, n'est-ce pas, un plaidoyer pro domo – non exempt au pire d'un certain cynisme, au mieux, d'une certaine inconscience, celle dont il a fait preuve tout au long de son parcours, de la collaboration à ce qu'il croit être la résistance ?
En résumé donc, un roman passionnant, qui se lit sans difficulté et est bien plus profond qu'il n'y paraît au premier abord. Et à ajouter encore, comme élément positif, la pirouette finale : suspens garanti jusqu'au bout, on reconnaît là l'auteur de thriller que N. d'Estienne d'Orves!n, séduisant jusque dans ses outrances, pour qui tout est jeu.

Lien : http://artetlitterature.blog..
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}