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3,98

sur 180 notes
Dans Les fidélités successives, roman feuilleton et fresque exceptionnelle, Nicolas d'Estienne d'Orves nous montre comment la mécanique des sentiments peut tout broyer sur son passage.

Il nous raconte une histoire de frustration et de jalousie familiale dans le meilleur de sa veine d'auteur qui possède à la fois l'élégance du style, une plume alerte osant les répliques qui font mouche, un humour au second degré confinant parfois à l'absurde et un vrai sens du conteur historique.

Le travail de recherche est dantesque, digne du journaliste, mais surtout digne de l'héritage du petit-neveu d'un officier de la marine française, Honoré d'Estienne d'Orves, héros de la Seconde Guerre Mondiale, mort pour la France en tant que martyr de la Résistance.

L'auteur opte pour une intrigue où Paris occupée par les allemands, Paris des collabos et des marchés noirs, devient une sorte de huis clos, refusant toute échappatoire à ses personnages, pris dans un engrenage fatal.
Le récit est jalonné d'humanité, d'amour, d'horreur et cette complexité compose une histoire déchirante.

NEO exploite le hasard des rencontres et la conjonction de destinées qui poussent les êtres à prendre des décisions incohérentes et paradoxales, devenant des jouets du sort, des funambules flottant entre deux mondes et s'accommodant d'une conscience modulable au gré des circonstances.

La fin est un régal d'intelligence et de sens de l'intrigue. En surplus le message en filigrane, calqué sur l'absence de jugement de la part de l'auteur, qui aimerait que le lecteur se questionne sur ce qu'il aurait fait s'il s'était retrouvé dans la peau des personnages.


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« Pour Laurence, qui a finalement acheté Les fidélités successives et qui fait la joie de son auteur…»

Oui oui, je me la pète avec cette dédicace.
C'est qu'au détour d'un mini salon littéraire du neuf-deux, NEO avait su gentiment me persuader de lire son dernier roman.
Il a bien fait.

Deuxième guerre mondiale. Déraciné de sa petite île anglo-normande pour rejoindre Paris occupé, le jeune Guillaume Berckeley se cherche. Ses expériences le mèneront d'un extrême à l'autre presque malgré lui, de l'opportunisme collaborationniste au supposé grand frisson du mouvement résistant. Les méandres complexes qui orienteront inéluctablement ce destin pour le moins ambigu se déploient au fil des rencontres et des péripéties qui jalonnent ce récit luxuriant.

Et il y en a pour tous les goûts : Les fidélités successives est une fiction romanesque doublée d'une chronique historique abordant cette période trouble de l'occupation de façon plutôt originale. Mais c'est aussi, et à mon avis le plus remarquable, un portrait intime illustrant sans manichéisme combien choix de vie et compromissions peuvent s'avérer paradoxaux et bien moins évidents qu'on aimerait le croire (« Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait de bonne foi, sans haine, sans animosité, avec une candeur sans doute excessive, une naïveté de jeune insulaire, une fraîcheur que j'ai peu à peu perdue au contact d'un monde vicié »). L'expression très juste de cette ambivalence douloureuse se trouve habilement portée par une écriture élégante et précise, le si joli titre du roman en est à lui seul une savoureuse illustration.

NEO… merci de m'avoir convaincue, j'ai passé un agréable moment à vous lire.


Lien : https://minimalyks.tumblr.com/
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Si je vous dis NEO, les plus cinéphiles d'entre vous m'évoqueront Matrix. D'autres, aussi férus de religion que d'à peu près, me parleront d'un gars qui construisit une barcasse avant le déluge. Certains, enfin, taperont dans le mille avec Nicolas d'Estienne d'Orves, romancier que j'avais déjà découvert avec Les Orphelins du Mal, petite comédie romantique traitant des Lebensborn et plus généralement des expérimentations nazies. J'en gardais un souvenir plaisant mais pas impérissable contrairement aux Fidélités Successives qui tape fort et juste.

Malderney, petite île Britannique, 1936.
Victor et Guillaume Berkeley,comme tous les étés, se languissent de voir débarquer leur ami Simon Bloch. Il faut dire que les occasions de se distraire sont plutôt rares et qu'il devient vite fatigant de se balader pour se demander au bout de 10 mn si l'on est pas déjà passé par là. Deux personnalités qui se complètent parfaitement. Victor, fort et intrépide. Guillaume, plus en retrait adorant dessiner. L'objet de la discorde, Pauline, la fille espiègle du beau-père fraîchement rapatriée d'Amérique et qui se fera un malin plaisir de titiller les susceptibilités. Début des emmerdes pour la fratrie. Amorce d'un exceptionnel destin pour Guillaume l'exilé.

Son parcours est inclassable. Façonné par l'hérédité, ballotté par L Histoire, il aura eu mille vies. Certaines magnifiques, d'autres beaucoup plus discutables en ces temps d'Occupation. Tout est question de déraison, de circonstances. Guillaume ne se projette jamais. Il vit juste l'instant présent, se laisse porter par ses aspirations. Son problème récurrent, un esprit de synthèse aux abonnés absents, une propension à se laisser déborder par ce qu'il ne maîtrise pas. Pour autant, il n'est pas un salaud. Juste un gamin influençable qui aura eu le tort de faire de mauvais choix aux mauvais moments.

Fresque historique, héros pathétique, NEO amalgame le tout avec brio. L'écriture est captivante. le contexte fascine tout comme ces illustres personnages - Cocteau, Marais, Céline...- intégrés à ce roman fiction. Les anonymes ne sont pas en reste. Truculents en ces temps de morosité, ils apportent la petite touche fraîcheur indispensable à un équilibre émotionnel parfait.
Les Fidélités Successives ou la chronique d'une mort annoncée. Passer à côté serait à l'aune du sentiment récurrent qui habita Guillaume Berkeley pour son plus grand malheur, irresponsable...


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C'est l'histoire d'une fraternité brisée, la séparation irrévocable de deux jeunes frères, amoureux de la même femme.

C'est l'histoire de celui s'éloigne, car il en faut bien un...

Guillaume laisse donc le champ libre à son frère Victor, jeune potentat britannique de son ile anglo-normande. Il part à la conquête d'un monde jusqu'alors inconnu, toujours magnifié depuis son rocher insulaire.
S'ouvre un parcours d'apprentissage dans la France des années de la drôle de guerre, le monde des Lettres, des idées, des artistes ( Aragon,Triolet, Céline, Gide, Picasso, Cocteau, Marais...), des courants de pensées antisémites, racistes, fascistes, communistes, colonialistes...
Entrainé par un pygmalion, grisé dans un tourbillon de nouveautés et de rencontres de hasard, doué pour le dessin et l'écriture, il se laisse porter dans la légèreté de ses vingt ans, encombré de ce tempérament d'observateur dilettante.
Cela devient un engrenage, une fuite en avant irréfléchie et irrésistible dans la collaboration, avec la toile de fond de Paris occupé, affamé et sous couvre-feu.

Les compromissions insidieuses avec les allemands dans les milieux artistiques, les opportunismes des mondains, de la presse, des artistes, la mentalité anti juive de bon ton, la mouvance fasciste, la gaité perverse et artificielle des fêtes faussement fraternelles, les trafics, Guillaume vivra tout, observera tout, tel un insecte piégé dans une toile.
Il lui faudra néanmoins faire des choix, des fidélités successivement choisies ou imposées.

Un livre dramatiquement passionnant, à la plume alerte, quasi historique en recréant une période ambigüe de la société française sous tutelle nazi, analysant avec précision les mécanismes des engagements individuels et les coups fourrés que la vie réserve aux hommes de bonne volonté.

Impossible de juger le passé avec la connaissance du présent. Qu'aurions nous fait?
"Une destinée marquée du sceau de l'infamie".
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Nicolas d'Estienne d'Orves m'étonne par les fins de ses livres qui me semblent aussi improbables qu'invraisemblables.

Les « orphelins du mal » m'avaient déconcertés par une conclusion totalement déjantée, « les fidélités successives » s'achèvent sur une page incroyable.

Le trio amoureux Guillaume, Pauline, Victor, ne m'a pas séduit et Pauline m'a semblé psychologiquement incohérente mais il est vrai que nous avons affaire à deux citoyens britanniques et à une américaine … personnages par essence incompréhensibles et ajoutons à leur décharge que survivre à Paris entre 1940 et 1944 devait être singulièrement compliqué.

Mais si la dimension romanesque de ce livre ne m'a pas convaincu, la dimension historique est remarquable et fait de ces pages un chef d'oeuvre !

Nicolas d'Estienne d'Orves est le neveu du héros de la Résistance, et donc apparenté à Antoine de Saint Exupéry et Louise de Vilmorin. C'est aussi l'exécuteur testamentaire de Lucien Rebatet, l'écrivain collaborationniste et il connait les moindres détails de ces années d'occupation notamment dans le monde de l'édition dont il rappelle les errements de Grasset, Denoël, Baudinère, etc.

Drieu la Rochelle et Rebatet, mais aussi Brasillach et les Luchaire, père et fille, Göring et Céline, Jean Cocteau, Sacha Guitry, Jean Marais, sont les acteurs tragiques de ce drame dont les victimes furent Simon Bloch et tant de juifs.

Le monde culturel s'est en partie prostitué durant l'occupation et ce roman nous le rappelle à juste titre.

Mais ne généralisons pas … Romain Gary, Antoine de Saint Exupéry, Jean Bruller (Vercors) et Irène Nemirovsky, pour ne citer qu'eux, ont écrit des pages sublimes qui les ont parfois menés au sacrifice suprême !

« la gloire des maudits » est dans ma pile de lecture … j'aurais donc l'occasion de revenir sur l'oeuvre de Nicolas d'Estienne d'Orves.
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Les fidélités successives évoque les pérégrinations d'un jeune ressortissant britannique, Guillaume Berkeley, venu s'émanciper à Paris après une jeunesse dorée vécue dans l'univers préservé de sa famille de notables sur une île anglo-normande. Il débarque en France au mauvais moment de l'histoire de notre pays, 1939, au mauvais moment de sa propre histoire, se croyant adulte en n'ayant rien vécu de ce qui forge un homme.

Projeté dans le monde artificiel du gotha de la culture par son chaperon, Simon Bloch, un riche producteur de cinéma, il rencontre tout ce que la vie publique de l'époque comporte de célébrités : Sacha Guitry, Jean Cocteau, Jean Marais, Céline et tant d'autres. Trop vite abandonné par son mentor, lequel a très tôt compris le tort qu'il y a à être juif sous le régime de Vichy, Guillaume est livré à lui-même, aux certitudes de son âge. Aussi, lorsqu'il est confronté au choix entre résistance et collaboration, il décide de jouer sur les deux tableaux.

Avec un tel personnage, vierge de tout pré requis politique, sociologique, sentimental, Nicolas d'Estienne d'Orves se livre à une étude de laboratoire quant aux atermoiements qui ont pu se présenter à tout homme ouvert à l'engagement en cette période noire. le périple de Guillaume Berkeley sera évidemment jonché de chausse-trappes auxquelles la naïveté de son âge ne l'aura pas préparé.

C'est ouvrage souffre de beaucoup d'invraisemblances. Il pèche par excès, en particulier quant aux innombrables rencontres prestigieuses que Guillaume Berkeley sera amené à faire lors de ses errements dans les domaines politique et culturel, tant français qu'allemands, jusqu'au docteur Petiot dont la célébrité est aussi funeste, au point de prendre une tournure caricaturale. On comprend toutefois bien que cette caricature n'est pas fortuite. Elle sert l'intention de l'auteur de placer son lecteur face au dilemme auquel ont pu être confrontés nos compatriotes de ces temps troublés quand il s'est agi de faire le choix entre le héros de Verdun et le renégat de Londres.

Juger est facile aujourd'hui. L'histoire a désigné celui qui avait eu la bonne intuition, et la force de caractère de l'assumer. Nul n'ayant vécu cette tragédie peut dire aujourd'hui s'il n'aurait pas trouvé dans la personnalité de Pétain celui qui allait sauver le pays une seconde fois, tant le traumatisme de la défaite avait été fort alors que la grande boucherie de 14 ne s'était terminée que vingt ans plutôt.

L'aspect caricatural que l'on peut reprocher à ce pavé est fort heureusement compensé par les rebondissements que connaît la vie de notre héros balloté entre amour et trahison. Un héros bien trop tendre, même s'il s'en défend, pour affronter la fourberie de plus aguerris que lui dans les travers de la nature humaine. Cela reste un bon moment de lecture qui tient en haleine.
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Quelle aventure incroyable je viens de vivre avec ce livre.
Il a un talent fou cet auteur.
Troisième livre que je lis de lui et tous sont complètement différents et fascinants.
J'ai longtemps hésité avant d'ouvrir celui-ci.
760 pages, ça ne faisait pas trop détente estivale.
Et puis la guerre, l'occupation, ça ne me tentait pas trop.
Et finalement, je l'ai lu avec passion.
Il y a la famille, l'amour, la guerre, les choix de vie, les traîtrises et les compromissions, la collaboration et la résistance.
Il faut peu pour basculer dans l'un ou dans l'autre.
Je ne vais rien raconter, plein de commentaires l'ont déjà fait
Juste dire que je viens de traverser cette période de l'occupation allemande avec un très grand intérêt par le biais de personnages fictifs et réels.
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J'ai reçu ce livre dans le cadre d'une commande auprès de la Kube. Je remercie sincèrement Margaux de la librairie Passion Culture de l'avoir choisi pour moi. Durant ces 766 pages, je n'ai pas arrêté de dire à mon mari que ce livre était fait pour moi.

Je ne vais pas vous parler de l'histoire. La quatrième de couverture donne assez d'informations. Et une des forces de ce livre est l'effet de surprise. de nombreux rebondissements m'ont fait écarquiller les yeux et souffler :"Waouh! Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais." Je peux simplement vous dire que le livre commence par la condamnation à mort de Guillaume Berkeley, pour collaboration.

Je vais juste vous révéler ce que j'ai pensé de ce roman.

Ce qui m'a plu en premier, c'est le style. J'ai retrouvé le plaisir de chercher le sens de certains mots. Contrairement à mon adolescence, ce n'était pas dans un dictionnaire papier mais sur internet, mais la joie d'enrichir mon vocabulaire était bien là. Mais l'écriture est fluide, je n'ai ressenti d'ennui à aucun moment.

Ensuite, l'histoire est tellement riche que j'ai eu l'impression de lire plusieurs livres en un.

J'ai beaucoup lu de livres se passant pendant cette période de l'histoire. Mais avec Les fidélités successives, j'ai découvert d'autres aspects sur la collaboration, la Résistance. J'ai énormément appris sur le comportement des Français durant 1936 et 1949.

Enfin, j'ai éprouvé différents sentiments : attachement à certains personnages, remise en question de mes certitudes sur cette période de la deuxième guerre mondiale, envie de connaître la fin, peur pour certaines personnes, etc... Par moments, j'ai trouvé ce livre dérangeant, j'ai ressenti un malaise mais ce n'est pas un aspect négatif, au contraire, c'est le type de malaise qui provoque le questionnement en nous, ainsi qu'une ambivalence.

J'ai vraiment aimé ce livre. Je pense que je vais encore y penser un moment. Il me colle vraiment à la peau. Il fallait vraiment que je le lise. Même la dernière page m'a surprise.
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Désolé, mais je ne peux me joindre aux louanges qui accompagnent ce roman. Si les cent-cinquante premières pages sont de qualité, j'ai trouvé le reste navrant pour ne pas dire irritant. Pourquoi ?
Commençons par la forme : le procédé qui consiste à utiliser une lettre de « confession-confidence » (celle-ci fait plus de cinq cents pages) pour dérouler une intrigue à rebondissements n'aboutit bien souvent qu'à des invraisemblances et des exagérations tout à fait nuisibles au propos. C'est le cas ici où l'on voit un Juif, furieusement antisémite (!), se dénoncer lui-même à la Gestapo. Un autre collabore et bâtit une fortune sur le marché noir tout en dirigeant un réseau de résistance qui, en réalité n'en est pas un et ne sert qu'à attirer d'autres Juifs tentant d'échapper à l'holocauste pour les détrousser puis les vendre à la Gestapo. Pour se sauver en faisant croire qu'il était un résistant jouant double jeu et une victime, il n'hésite pas à « confier à son réseau »…sa femme et ses deux filles ! Un dernier rebondissement ça vous dit ? Et si ce réseau qui envoie des familles entières à l'abattoir, utilisait finalement (ultime pirouette) l'argent ainsi dérobé pour financer la Résistance ? S'il fallait à tout prix démontrer que l'époque était abjecte, c'est réussi et s'il fallait le faire avec mesure et un semblant de vraisemblance historique, cela me semble particulièrement raté.
On frise assez fréquemment le grand guignol : nous sommes dans un vaste appartement parisien du quai de Conti, dont la particularité est d'abriter une phénoménale collection de peintures…« la (chambre aux) Picasso était la plus fraiche. Exposée au nord, elle servait parfois de boucherie. N'ai-je pas vu un soir, suspendu au crochet du plafond d'où le lustre avait été défait, un immense quartier de boeuf, que des bouchers clandestins découpaient à la va-vite ? Et que dire de ce cochon tué dans la baignoire, transformée en baquet sanglant l'espace d'une nuit ? » Plus loin, la viande fait déjà partie du décor : « s'appuyant à une demi-génisse qui pendait du lustre, comme on s'adosse à un réverbère, il a poursuivi à mi-voix… »
Que dire de la curieuse psychologie de bazar du malheureux qui s'est dénoncé lui-même, au moment où ses bourreaux viennent le chercher pour l'expédier où vous savez: « Dupin jouissait, je n'ai pas d'autre mot pour décrire ce qu'il pouvait ressentir. Il prenait un plaisir brut, animal, comme ces couples qui recherchent l'orgasme en pratiquant la strangulation. A mi-chemin entre l'extase et la mort, voilà bien où (il) se trouvait. »
Et le héros, le personnage principal, le récitant, sensé évoluer au fil de « fidélités successives » ? Quelles fidélités ? Il n'est fidèle à rien, ni à son amoureuse qu'il quitte à la première difficulté, ni à son pygmalion qui l'héberge, ni à l'ami qu'il laisse partir à la mort, pas plus qu'à sa mère qu'il laisse mourir sans un mot, ni à ses confrères journalistes collaborationnistes ou aux Allemands pour qui ils travaillent tous. Qu'est-il vraiment ? Un bouchon de liège emporté par un fleuve furieux ; il flotte mais que voit-il ? Rien. Qu'éprouve-t-il ? Pas grand-chose, il regarde, il observe une époque dramatique, de loin, sans prendre parti. Il se goberge, écume les cabarets et les « spectacles » de l'époque, fréquente le gratin de la vie littéraire et artistique dont il égraine la liste sans grand intérêt, un peu comme un générique de fin de film. C'est un personnage de carton pâte !
Il ose des répliques qui me laissent perplexe :« un visage doux et sensuel, avec quelque chose de décadent caché sous les paupières », ou bien « pour moi, les femmes sont comme les poires, je les aime un peu blettes.»
Je me demande ce qu'il peut y avoir de décadent sous une paupière. Je peux comprendre qu'on apprécie les poires bien mûres, mais blettes, cela me semble de mauvais goût. Comme de parsemer un roman historique de rebondissements extravagants et invraisemblables. En définitive, ce qui me semble peut-être le plus pernicieux dans ce personnage contestable c'est la généralisation qu'il pratique sans retenue : « Les Parisiens rechignaient, renâclaient…mais telle est leur nature. Après la gifle de la défaite, je sentais en eux comme un soulagement sourd. » ou « des gens exhibant les drapeaux de la France libre comme ils avaient brandi les croix gammées et les portraits de Pétain ».
Je pense qu'il est un peu facile, bien à l'abri de notre époque et de nos certitudes, entre la poire et le fromage, d'émettre ce genre de lieu commun et de raccourci sur « tous pétainistes, tous collabos, tous gaullistes ». Non, je ne crois pas qu'il y avait une foule compacte et homogène de Parisiens (et de Français), ayant, comme le pitoyable héros de cette lamentable aventure, évolué comme un seul homme, au gré du vent comme une gigantesque manche à air. Je suis convaincu que des choix douloureux ont été faits, que si certains ont choisi de filer dans le sens du vent mauvais, que si certains en ont profité, si d'autres s'en sont accommodés, d'autres l'ont subi et d'autres ont osé l'affronter ; que parmi ceux qui ont suivi le vent, tous ne se sont pas mal comportés, je crois que chacun a fait avec ce que les circonstances, sa situation personnelle et son caractère lui ont permis. J'ose espérer enfin que, parmi ceux qui, à la Libération, agitaient des drapeaux tricolores, il y avait, au-delà des collaborateurs reconvertis, des gens qui avaient de vraies raisons de se réjouir sans avoir à cacher d'inavouables fautes. Il me semble d'ailleurs que quelqu'un, dans la famille de l'auteur, aurait pu en être l'illustration.
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L'île anglo-normande de Serq a inspiré les auteurs de fiction. Après l'île aux trente cercueils de Maurice Leblanc, la voici à nouveau sous le nom de l'île de Malderney dans l'époustouflant livre de Nicolas d'Estienne d'Orves, Les fidélités successives.
Guillaume Berkeley est un personnage fictif, fil conducteur de ce roman historique sur la seconde Guerre Mondiale.
De l'île anglo-normande au Paris de l'Occupation, du jeune homme naïf et plein d'idéaux aux jeunes hommes aux fidélités successives, de l'avant guerre à 1949, l'auteur (qui a un lien particulier avec l'un des personnages du roman) nous entraine dans le tourbillon de la seconde guerre mondiale.
Des personnages bien réels qui ont marqué l'histoire de Paris (Marais, Cocteau, Guitry, Rebatet, Abetz…) s'entremêlent aux personnages fictifs, mais néanmoins bien vivants sous cette plume habile pour donner une fresque historique captivante.
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