AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


La pièce a été créée en – 408, c'est à dire 5 ans après Électre ; même si l'action des deux pièces se suit, un certain nombre d'éléments sont redondants, puisqu'il fallait qu'Électre ait une fin qui dessine le destin des personnages et que les événements soient de nouveau exposés dans Oreste pour la compréhension des spectateurs. Si on ignore l'accueil réservé à la pièce lors de sa création, son renom n'a cessé de grandir dans l'antiquité, ce qui lui a permis de survivre grâce à des nombreux manuscrits.

Nous sommes à Argos, cinq jours après le meurtre de Clytemnestre. Oreste est alité, poursuivi par les Érinyes vengeresses. Les citoyens d'Argos doivent juger ce jour Électre  et Oreste, une condamnation à mort est la plus probable. Mais Électre  annonce l'arrivée de Ménélas et d'Hélène : leur oncle lui semble la seule chance de salut. Un dialogue entre Électre  et Hélène suit, cette dernière pleure la mort de sa soeur, même si elle s'apitoie vaguement sur ses neveux. Elle demande à Électre  d'aller sur le tombeau de Clytemnestre pour lui rendre hommage, ayant peur de l'hostilité de la foule à son égard. Électre  lui conseille d'y envoyer Hermione, sa fille, élevée par Clytemnestre. Électre et le choeur pleurent le terrible destin et l'ordre injuste d'Apollon qui a fait d'elle et de son frère des matricides. Oreste réveillé renchérit.

Arrive Ménélas, qui est plutôt favorable à ses neveux et qui les plaint. Oreste lui explique la situation et le jugement qui doit avoir lieu, en sachant que des proches d'Égisthe occupent des situations clés. Fait son apparition Tyndare, le père de Clytemnestre et Hélène, qui lance une condamnation sans appel d'Oreste et d'Électre. Même si Clytemnestre méritait la mort, ce n'était pas à ses enfants de la lui infliger. Il compte demander leur condamnation et menace Ménélas de lui enlever la royauté de Sparte s'il veut les aider. Ce dernier exprime son impuissance à Oreste pour l'aider. Suite à l'arrivée de Pylade, son grand ami, Oreste décide de se rendre au procès pour tenter de se défendre, même s'il pense avoir peu de chances.

Un paysan raconte le procès à Électre : malgré certains orateurs honnêtes, la foule s'est laissée manipuler par les amis d'Égisthe et par des démagogues habiles. Ils ont été condamnés à se donner la mort dans la journée. Électre pleure la fin de la race maudite dont elle est issue, qui enchaîne les meurtres et les atrocités.

Oreste revient, le frère et la soeur s'apprêtent pour la mort. Mais Pylade ne veut pas abandonner : il propose de tuer Hélène et de prendre Hermione pour otage, pour obliger Ménélas à les sauver, ou au pire à provoquer un carnage général, et à brûler le palais d'Argos. Ils mettent leur plan à exécution, la situation paraît devoir dégénérer en un bain de sang. Apollon en deux ex machina vient conclure d'une façon moins tragique. Hélène n'est pas morte, elle a été transformée en astre, car elle a joué le rôle assigné par les dieux de provoquer une guerre meurtrière. Oreste doit s'exiler provisoirement et subir un autre procès dont l'issue lui sera favorable, puis épouser Hermione et revenir régner. Électre épousera Pylade.

Oreste est une pièce beaucoup moins sobre qu'Électre. La fin est très outrée, les trois jeunes gens semblent presque en train de sombrer dans la folie, une folie homicide ; une envie de détruire le monde semble les saisir. On voit mal en quoi tuer la femme et la fille de Ménélas pourrait les aider, mais ils paraissent habités d'une sorte de démence et de fureur, être possédés, sans qu'il ait besoin d'invoquer les Érinyes, qui soit dit en passant n'apparaissent pas vraiment dans la pièce, on en parle, mais Oreste semble bien plus possédé par sa culpabilité et ses remords que par des agents extérieurs. Seule une intervention divine peut faire revenir un semblant d'ordre, d'une façon qui semble presque ironique : Apollon, considéré comme le responsable de leurs actes et de leurs malheurs par les jeunes gens vient les sauver, malgré leurs invectives. Tout en expliquant que la guerre de Troie a été décidée pour purger la terre d'un nombre trop grand d'hommes.

Oreste n'avait guère le choix : il a suivi les ordres du dieu, qui sans cela aurait risqué de le châtier cruellement. Mais il s'est retrouvé face à ses remords, à l'horreur d'avoir tué sa mère : compte tenu de ce qu'il a vécu, de ses épreuves, de sa traversée de la folie, on imagine mal comment il pourra retrouver une paix intérieure désormais. Il semble brûlé intérieurement. Il a été pris dans un enchaînement d'événements tragiques, bien antérieurs à sa naissance, dans une famille dans laquelle une transgression, une mise en cause de l'ordre des choses, provoque une novelle transgression, de nouvelles horreurs, sans qu'il semble possible d'arrêter la machine une fois en route. Oreste est en quelque sorte un coupable innocent : coupable parce qu'il commet le meurtre de sa mère mais innocent parce qu'il ne peut tout simplement pas faire autrement, à cause de la nécessité de venger son père, et aussi d'obéir à l'ordre d'un dieu. La discussion entre lui et Tyndare s'avère donc impossible : Oreste fait valoir ses raisons, mais les contre-raisons de Tyndare ont autant de légitimité ; son discours a un fond de sagesse (Clytemnestre méritait la punition mais pas par son fils) mais en poursuivant Oreste et Électre il arrive à se contredire : si un fils ne devait pas donner la mort à sa mère, un grand-père ne devrait pas non plus vouloir tuer ses petits-enfants. La situation est devenue inextricable, au-delà de la raison.

Même si le procès d'Oreste dans lequel les dieux auront le dernier mot et vont l'innocenter est évoqué à a fin , c'est un autre procès qui se déroule dans la pièce, et dans celui-ci, ce sont les hommes qui jugent Oreste et Électre. Une sorte de déplacement de la justice, de la justice divine vers la justice humaine semble se faire jour. Cette justice humaine apparaît comme très faillible : l'habileté d'un orateur peu scrupuleux de la justice, un rapport de forces politiques sont des éléments déterminants. La foule se laisse facilement manipuler, et il y a peu de chances que la vérité jaillisse des débats. La justice des hommes ne vaut pas mieux que les caprices et les injustices des dieux.

La résolution finale en paraît d'autant plus illusoire : la pièce pose des questions, des problèmes, mais ne répond pas, n'apaise pas vraiment, ne ramène pas d'harmonie dans le chaos. le spectateur ne repart pas forcément purgé.
Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}