Page-turner efficace,
la théorie des six, de Jacques Expert, est un thriller au concept original.
Julien Dussart, inspecteur des finances publiques scrupuleux, aime faire des redressements fiscaux, manger du poulet chez sa maman une fois par semaine, commander à emporter au chinois du coin (non sans regarder le décolleté de la vendeuse), et, se balader avec un couteau caché contre sa cuisse.
Fasciné par la théorie de
Frigyes Karinthy et
Stanley Milgram ; il décide de prouver sa véracité à sa manière. Selon cette théorie, chaque individu est relié à n'importe quel autre, par seulement "6 poignées de main".
Julien Dussart connaît déjà l'identité du numéro 6 (c'est à dire, de la 6e et dernière victime). Il se lance, donc, dans une série de meurtres, la première victime devant connaître la suivante, et ainsi de suite, jusqu'à son objectif final.
Pour pimenter le tout, il envoie des lettres moqueuses adressées à madame le commissaire divisionnaire Sophie Pont, en charge de l'enquête.
Julien Dussart
Notre protagoniste coche toutes les cases du psychopathe, qui est excité à l'idée de tuer, et plus encore, de le faire selon son mode opératoire tordu.
Malgré ses penchants meurtriers et sa fréquence de masturbation hors norme, il pense être quelqu'un de respectable, parfaitement bien élevé par sa maman, rigoureux dans son travail.Toujours parfaitement bien habillé, il fait le ménage selon un calendrier hebdomadaire précis. Il aime juger les autres et ne manque pas de remarquer, par comparaison, sa supériorité.
Les passages "dans la tête de Julien Dussart " permettent de cerner la psychologie de ce fou, faisant également apparaître ses tocs, sa solitude - (son seul lien social étant sa maman,) et sa haute estime de lui même.
Sophie Pont, "pinpon"
Julien Dussart choisit son interlocutrice à la police, des le début du roman, en lui envoyant une lettre adressée personnellement. Au début, Sophie Pont ne prend pas ce courrier au sérieux.
Son personnage est, selon moi, doublement décevant :
Sur la forme, elle fait usage d'une vulgarité gratuite, non nécessaire, et franchement lourde.
Sur le fond, elle mène l'enquête de façon inefficace au possible - en se vantant de faire tout l'inverse : rétention d'information (pour être sûre de récolter seule les lauriers...), mépris pour ses collègues (notamment la pauvre Rachel, qui vise toujours juste), abandon des pistes qui auraient permis de coincer Dussart. Bref, elle a tout faux, et en plus, est insupportable.
La relation Dussart/Pont
Il est bien dommage qu'il n'y ait pas eu en face de Dussart une force policière avec de la repartie. Il n'y a, de ce fait, peu de suspens au niveau de l'enquête.
La relation Dussart/Pont constitue uniquement un jeu de moqueries l'un envers l'autre. Dussart nargue la policière avec ses lettres, et cette dernière l'insulte et bougonne derrière son bureau.
Preuve de l'ego surdimensionné de Pont, cette dernière était persuadée qu'elle était la cible finale, numéro 6 - et que cela lui donnerait l'opportunité de coincer personnellement Dussart.
Je regrette le caractere égocentrique de la policière : face a ce psychopathe de Dussart, j'aurais apprécié un personnage fort, pertinent et censé. Finalement, on a un tueur fou d'un côté, et une carriériste égoïste qui insulte tout le monde de l'autre...
Le dénouement
Arrivé à numéro 4, Dussart bloque : Il doit obligatoirement trouver la prochaine victime - numéro 5 - qui doit connaître l'objectif prédéterminé, numéro 6.
Il est persuadé de la véracité de la théorie des 6, et poursuit ses recherches. Sur une photo de classe récupérée chez les parents de numéro 4, Dussart trouve enfin le lien : sa maman professeur.
Premier "rebondissement", il n'hésite pas à tuer sa propre mère (après avoir dégusté une dernière fois son poulet). La dernière victime devient alors évidente : c'est Julien Dussart lui même.
Il se plante un couteau dans la poitrine au moment où les policiers, alertés par Luan - la chinoise vendeuse de nems - entrent dans son immeuble.
Pour une fois, l'as du couteau rate son coup, il est hospitalisé et sauvé. le livre se termine à l'aube de son procès, Dussart se disant alors "très excité" et ayant "beaucoup de choses à raconter aux juges et aux journalistes".
En conclusion, un thriller
qui se lit vite, rythmé, avec une trame originale, mais quelques bémols dans le choix de l'enquête policière.