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Citations sur Proust à la plage (9)

« Marcel Proust c’était notre jeune homme !», tels sont les quelques tendres mots par lesquels Maurice Barrès s'est ému, le 22 novembre 1922, du décès de Proust. Disparu alors qu'il n'était âgé que d’à peine 51 ans, l'écrivain, retiré depuis de nombreuses années dans sa chambre capitonnée de liège, est mort exténué par l'œuvre d'une vie à laquelle il avait fini par tout sacrifier: À la recherche du Temps perdu. Sans doute ce grand asthmatique n'a-t-il ainsi vécu, nuit après nuit, que pour cette somme romanesque, composée de sept forts volumes, qu'il considérait, aux dires de Céleste sa gouvernante, comme «son dieu».
Mais qui était véritablement Proust? Pourquoi son grand roman peut-il être considéré à bon droit comme l'un des chefs-d'œuvre absolus de la littérature du XX° siècle? Pourquoi en est-il venu à représenter un cas inoui et presque insensé dans l'histoire de la littérature, celui de la coïncidence parfaite
de l'œuvre à la vie où la vie a pris la place du roman et le roman celle de la vie?
Pourquoi cet homme qui, dans la première moitié de sa brève existence, a su être l'un des mondains les plus accomplis de Paris, s'est-il ainsi subitement retiré de toute vie sociale? Comment s'est opérée cette singulière révolution intérieure, peut-être sans équivalent, qui a fait renoncer cet arbitre des élégances à son couvert mis, tous les soirs, au Ritz pour s'enfermer dans une retraite sans retour? Pourquoi cet homme est-il devenue un véritable forçat de la littérature entièrement voué à la patiente édification de son œuvre? Comment enfin, à la mort successive des ses parents puis des êtres qu'il a pu aimer, a-t-il décidé de muer son grand roman en un infini tombeau dédié à la mémoire de ses disparus les plus chers?
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Commençant à lire bientôt l'ensemble de son oeuvre, Proust se familiarise peu à peu, au fil des mois, avec la pensée de Ruskin. Il apprend à en percevoir les axes majeurs comme autant de chemins à suivre pour sa propre pensée. Il découvre ainsi avec lui combien en art la vérité n'appartient pas à l'objet contemplé mais à l'homme qui la contemple tant l'art relève non d'une perception matérielle mais d'une perception morale et intérieure. Admirer une oeuvre renvoie à ce que Ruskin nomme "la faculté théorique" de l'homme qui, contre toute idée rationnelle, choisit de faire confiance instinctivement à une intuition de la Beauté. Nul doute que de telles considérations sont à l'origine des vues théoriques que Proust va notamment exprimer dans "Le Temps retrouvé", l'ultime tome de "La Recherche" quand Marcel va se demander si "la vérité suprême de la vie est dans l'art".


Page 65 et 66 John Ruskin, critique d'art anglais du 19ème siècle.
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Intuitivement, contre l'exercice tyrannique de la raison, Marcel va progressivement faire de la madeleine l'épisode fondateur de son récit qui devra pleinement faire confiance à l'expression de la sensibilité et à l'exercice retrouvé de la sensualité. Contre le célèbre "Je pense donc je suis" des Méditations métaphysiques de Descartes, Marcel découvre, à travers la madeleine, la puissance narrative et affective d'une médiation purement physique, celle d'un "Je sens donc je suis". La madeleine ouvre à la mémoire inespérée du sentiment. Proche ici de Nerval et Baudelaire qu'il admire pour être des poètes de "la plus frémissante sensibilité", il prend conscience alors que "la vérité n'est pas (dans le thé) mais en moi".
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Sans doute Proust constitue-t-il le cas inouï et unique dans l'histoire de la littérature d'un homme qui patiemment s'est laissé jour après jour dévorer par son œuvre au point de venir s'identifier à elle jusque dans son agonie.
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(...) Proust ne s'est pas uniquement nourri de sa vie pour faire oeuvre. Il a su aussi bien transmuer son existence en un grand et puissant roman capable de montrer à chacun de ses lecteurs combien une vie ne vaut d'être vécue qu'à la mesure d'une écriture qui, à chaque instant, sait la recréer. La vraie vie, ne cessera de dire Proust jusqu'à sa mort, c'est la littérature car seule l'écriture sait être la vie véritablement et enfin pleinement vécue.
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Et la mort ne tarde pas, comme un amour qui, revenu, cherche à étreindre Proust jusqu'à la suffocation ultime.
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Longtemps Proust s'est interrogé sur la manière d'ouvrir son grand récit qu'il désire consacrer à la recherche su temps perdu et révolu [...]. Comment atteindre ces souvenirs qui seuls peuvent permettre de dévoiler ce « moi profond » que la Narrateur entend redécouvrir ? Comment ainsi restituer au moyen de la mémoire la vérité de son être la plus enfouie afin d'y découvrir combien
« l'homme est cet être sans âge fixe, cet être qui a la faculté de redevenir en quelques secondes de beaucoup d'années plus jeune, et qui entouré des parois du temps où il a vécu y flotte ... » ?
Telles sont les questions initiales qui, sans attendre, président au commencement de « Combray », première partie du roman que Proust ne réécrivit pas moins de seize fois.
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Car l'histoire de la naissance d'À la recherche du Temps perdu, c'est, avant tout, l'histoire par Proust de la recherche de son écriture.
P. 42
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Comme [Proust] le confiera à Anna de Noailles, il réunit enfin ces « deux façons différentes » entre lesquelles il doit choisir pour bâtir son œuvre : d'une part, le côté de l'essai et, d'autre part, le côté du roman. [...]

L'écrivain comprend enfin qu'à l'image du côté de chez Swann qui finira par rejoindre le côté de Guermantes, les deux genres qui font concurrence en lui peuvent s'unir dans l'expression d'un « Je » critique. Dire « Je » permettra à la fois de raconter la souffrance liée à la perte de se parents mais aussi bien dans le même temps de la dépasser en jetant sur chaque événement un regard distancié et analytique. [...] Son œuvre ne sera pas tant l'écriture d'une histoire que l'histoire d'une écriture. Loin d'éluder son impuissance à faire œuvre, Proust fera de cette impuissance même le sujet de son livre : son impossibilité à écrire fournira le sujet premier de son récit.
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