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EAN : 9782100778874
224 pages
Dunod (23/05/2018)
4.43/5   22 notes
Résumé :
.
Comment Marcel Proust a-t-il révolutionné notre conception de la littérature ?
_
Lorsqu'il commence à publier " A la Recherche du Temps Perdu " en 1913 , Marcel Proust bouscule les lois du récit en rompant avec les modes romanesques d'alors .
Aujourd'hui encore ,référence incontournable des lettres , le grand roman de Proust continue de fasciner autant par sa peinture de la Belle Epoque que par la puissance de son style où la littératu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Remarquable ouvrage de Johan Faerber pour celles et ceux qui désirent pénétrer les arcanes de la pensée proustienne. Johan Faerber a effectué un excellent travail de pédagogie (bon il est professeur de lettres à la Sorbonne) des plus accessibles à tout lecteur ordinaire. Son analyse va de la vie de Proust à l'oeuvre de Marcel et l'on mesure l'impact de l'une sur l'autre, c'est passionnant.

Je dois cette découverte à notre ami Bernard – Berni 29, qui a su très bien rédiger un billet émouvant à l'adresse de Marcel Proust et se faisant, par cette jolie correspondance, appâter l'inconditionnelle que je suis.

Pour celles et ceux qui se posent la question, la photographie de mon profil représente Marcel Proust entouré de Robert de Flers et de Lucien Daudet qui le regarde amoureusement.

J'ai découvert Marcel Proust très jeune adolescente. Ce fut le coup de foudre. Des les premières lignes « du côté de chez Swann » j'ai eu comme une révélation, cette sensation est restée imprimée dans ma mémoire et ne m'a jamais quittée. le chapitre réservé au supplice du coucher, l'attente que sa mère vienne lui donner le baiser du soir, l'angoisse lorsque sa mère ne peut venir l'embrasser, ce chapitre m'a profondément bouleversée. Je pense que ce passage rentrait en résonnance avec mon propre vécu de l'époque d'où l'attraction irrépressible que j'ai toujours éprouvée pour Marcel Proust. Chez Marcel, cette angoisse s'est ensuite retrouvée dans toutes ses histoires d'amour.

Mon frère me disait ne pas comprendre l'intérêt que je pouvais porter à un auteur qui mettait quatre pages à décrire le clocher d'une église. Justement, il ne faut pas oublier que Proust est un esthète, il aime l'art sous toutes ses formes, ses perceptions, et je crois que cette exacerbation de la description participe à son art de l'hypotypose. Tout au long de la lecture de ses romans, cette pratique nous suggère les images, les senteurs, les sentiments proustiens. En un mot, elle nous permet de recréer une certaine réalité que le narrateur soustrait à la loi du temps et que nous-mêmes reconstruisons à l'infini. C'est le roman de la mémoire.

« L'oubli est un puissant instrument d'adaptation à la réalité parce qu'il détruit peu à peu en nous le passé survivant qui est en constante contradiction avec elle ». (Marcel Proust)

Johan Faerber analyse les passages qui ont fondé l'oeuvre de Proust : la fameuse « madeleine » et lorsque je relis ce sublime passage, page 111 du livre de Johan Faerber, la sensibilité de Marcel est entièrement restituée, affranchie du temps pour moi aussi, elle me secoue au plus intime de moi-même :

« Et d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s'étaient abolies ou ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir ; »

Si vous vous promenez à Cabourg-Balbec, allez prendre un café sur la terrasse du Grand-Hôtel, vous y ressentirez sa présence. Cabourg a su préserver son côté passéiste et romantique, Marcel Proust est partout - bon busines is business mais je ne parle pas de cela, c'est beaucoup plus subtil que cela-.

Si vous souhaitez voyager dans l'univers de Proust, il y a le blog de Patrice Louis « le fou de Proust ».

Vous l'aurez compris, j'ai dû être l'un de ses amants dans une autre vie.
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Cher Marcel, permettez-moi de vous appeler Marcel. Je dois reconnaître que jusqu'à présent votre grand roman, l'oeuvre sans doute de toute une vie, À la recherche du temps perdu, m'a plutôt résisté. Après plusieurs tentatives, j'ai pu lire le premier volume, du côté de chez Swann et je me rappelle y être enfin entré comme un surfeur qui parvient à trouver la bonne vague et se laisse porter longtemps sur sa crête. J'avais découvert un plaisir presque enivrant dans le phrasé de votre récit et j'étais fier aussi d'avoir trouvé la porte pour y accéder. Mais pour autant, je n'ai pas poursuivi vers les autres volumes... Je ne sais pas pourquoi. L'ampleur de l'oeuvre m'a sans doute effrayé et puis l'appel d'autres sirènes a fait le reste...
Je dois avouer aussi que je vous ai longtemps pris pour un écrivain mondain un peu pédant, oisif, superficiel. Et s'il est possible par cette chronique de réparer ce malentendu, je vous saurai gré de bien vouloir me pardonner cette erreur de jugement.
Alors, à la faveur de l'opération Masse Critique organisée par Babelio que je remercie au passage, je n'ai pas raté l'occasion de me remettre dans vos pas, lorsque j'ai eu la possibilité de découvrir cet essai intitulé Proust à la plage, écrit par un professeur de lettres de la Sorbonne, Johan Faerber.
Oui, je sais, le titre peut paraître cocasse, mais dans vos écrits, vous ne manquez pas d'humour non plus, aussi je pense que vous apprécierez cette idée d'amener cet ouvrage cet été dans nos bagages au bord de la mer. Ce ne sera peut-être pas le sable de la grande plage de Cabourg, ce sera peut-être celle de Crozon-Morgat, de Penestin, de Malbuisson, de Berck-sur-Mer ou de Bormes-les-Mimosas, qu'importe, c'est l'occasion inespérée de mieux vous connaître, avec ou sans marcel, pardonnez-moi ce mot léger, mais je ne pouvais pas y résister. Et puis le sous-titre précise bien : « La Recherche du temps perdu dans un transat. » C'est aussi la déclinaison d'une collection de chez Dunot qui propose une démarche de vulgarisation pour mieux connaître un auteur. Ainsi j'ai appris qu'il y avait également un Colette à la plage...
Cher Marcel, l'essai écrit par Johan Faerber s'impose pour mieux comprendre votre oeuvre, mieux comprendre votre vie aussi, du moins, toutes les passerelles, les allers-retours qui se sont construits progressivement entre votre vie et votre oeuvre, comme si l'un des pans nourrissait l'autre et ne pouvait plus s'en passer à la fin. Et je dois reconnaître tout de suite que j'ai aimé ce livre et senti rapidement au bout des doigts les fameuses clefs pour revenir à votre oeuvre.
Je ne vais pas faire ici le résumé de cet essai. Ce n'est pas l'objectif de cette chronique. Je vais plutôt parler de mon expérience personnelle liée à sa lecture et pour cela je prendrai deux ou trois exemples.
L'essai respecte la chronologie de votre vie. Alors forcément, il parle tout d'abord de votre enfance et lorsqu'on parle de votre enfance, vous voyez où je veux en venir... Je sens déjà le chagrin vous éteindre. Je veux parler de votre Maman. Elle était chère à votre coeur. Elle était tout pour vous et Johan Faerber restitue parfaitement l'émotion de quelques instants qui furent sans doute des moments fondateurs de votre oeuvre. Vous ressentiez un amour conditionnel pour elle mais aussi comme une souffrance, la peur continuelle de la perdre sans cesse.
Cela nous a valu de magnifiques pages, notamment cette scène du coucher où le soir, alors que vos parents recevaient des amis à dîner, vous attendiez impatiemment dans votre chambre, presque désespérément, qu'elle vienne délivrer le baiser salvateur pour la nuit. C'est peut-être votre Maman qui a donné naissance à votre grande oeuvre. Elle sera près de vous telle une compagne intellectuelle dans vos voyages. J'ai eu plaisir à vous imaginer ensemble à Rome, ville que j'adore. Et lorsqu'elle mourra, ce sera une déchirure dont vous ne guérirez jamais. D'ailleurs, toute votre oeuvre est accompagnée d'un cortège du deuil de vos proches.
Mais je me rends compte qu'en écrivant cela, je tombe déjà dans le piège tendu. Pourtant, Johan Faerber prend la précaution de nous mettre en garde dès le début : dans La Recherche, il ne faut pas confondre le Narrateur qui s'appelle Marcel et vous, son Auteur. Pas simple en effet, vous avez tout fait pour nous perdre, mais cette précision est indispensable pour comprendre votre écriture...
Ainsi, Johan Faerber a su saisir la coïncidence parfaite de votre oeuvre avec votre existence, celle-ci ayant pris la place de votre grand roman La Recherche et ce roman celle de votre vie. Je découvre alors que c'est un élément crucial pour comprendre votre oeuvre et donc une clé parmi celles indispensables pour y entrer... D'ailleurs Johan Faerber va bien plus loin, il considère que votre existence s'est nourrie de votre imaginaire.
Ainsi à rebours de l'idée commune que l'on se fait de l'imaginaire qui se nourrit de nos vies intimes, vous allez vous inspirer de votre roman, vous allez vous emparer de ses personnages multiples, de leurs chassé-croisé, pour construire votre existence, son épaisseur hors des salons mondains, vos passions amoureuses aussi. Alors là, je trouve cette idée prodigieuse et pour le moins fantastique. S'il y a des lecteurs passionnés d'ateliers d'écriture, voici une riche idée à explorer...
Sans doute par cette démarche, avez-vous pu exprimer le désir ardent de poursuivre l'écriture par d'autres chemins. Ainsi c'est Albertine, l'une des héroïnes de la Recherche, qui a inspiré votre liaison amoureuse avec votre amant, qui était aussi votre secrétaire particulier, Alfred Agostinelli. Vous étiez jaloux de ses fugues. Il était passionné d'aviation. Vous lui aviez même offert un avion. Il disparut à son bord, sombrant dans la Méditerranée et vous vous en êtes terriblement voulu, comme si cet accident tragique était survenu à cause de vous...
Johan Faerber nous parle aussi de la fameuse madeleine. La célèbre madeleine de Proust. Tout le monde la connaît ou presque, mais que sait-on d'elle précisément. ? Je comprends mieux à présent la puissance de ce concept, s'il est permis d'attribuer le terme de concept à une pâtisserie savoureuse. Votre oeuvre repose sur la mémoire, le passé enfui, le passé retrouvé. C'est par hasard que vous vous êtes aperçu que la mémoire involontaire était capable de faire resurgir les épisodes fondateurs du passé, lorsque la mémoire volontaire, celle qu'on maîtrise à peu près, cale subitement. Cher Marcel, vous allez alors découvert la puissance narrative et affective d'une médiation purement physiquement. Une madeleine trempée dans une tasse de thé de tilleul, quoi de plus banal. Cette banale madeleine devient brusquement une porte d'entrée vers tous les souvenirs enfouis, ignorés, oubliés. Et Johan Faerber nous en donne la clef. Alors, quand j'ai une porte devant moi qui résiste et cache derrière elle mille trésors cachés et qu'on me tend une clef, je ne résiste pas à ouvrir cette porte pour m'y engouffrer. Comme réminiscence, il n'y a pas que la madeleine, il y aussi le trébuchement des pas de Marcel, votre alter ego, sur les pavés d'une cour d'hôtel, ou bien le tintement d'une cuiller contre une assiette, le surgissement brusque d'une image qui revient du passé. Nous pourrions trouver cela ordinaire, mais Johan Faerber a raison de souligner que cette puissance narrative donne au lecteur que nous sommes la sensation que ces réminiscences se vivent sous nos yeux.
Maintenant je vous imagine, asthmatique, reclus depuis plusieurs années dans votre chambre capitonnée de liège. L'asthme vous a enlevé au monde trépidant que vous aviez connu jadis. Vous aviez peur de mourir, de ne pas pouvoir achever votre oeuvre. À force, c'est presque devenu une chambre mortuaire, précédant votre mort qui frappait à la porte de cette chambre, vous avez ainsi vu défiler toute votre vie à travers les 3000 pages que vous vous êtes empressé d'écrire, dans une forme d'urgence. Mais l'urgence n'est pas le mot qui vous convient. Alors, avec l'élégance qui vous sied, vous avez seulement pris le temps de reculer la venue de cette mort, puis de l'accepter une fois le temps retrouvé.
À présent, je dois vous quitter. Cher Marcel, grâce à ce livre que je viens d'achever, grâce à l'érudition mais aussi à l'esprit pédagogique de Johan Faerber et aux magnifiques dessins de Rachid Maraï, je possède deux ou trois clefs pour revenir vers vous, vers votre oeuvre, je ne sais pas où mes pas me mèneront.
J'espère vous rencontrer, être enfin devant vous. Je ne sais pas si je reviendrai vers vous comme un surfeur porté sur sa vague, je sais simplement que je vous connais un peu mieux à présent depuis mon transat, pour imaginer de merveilleuses retrouvailles...

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Remarquable! Que l'on ait lu A la Recherche du temps perdu, que l'on soit en train de le lire , ou que l'oeuvre ait laissé des bribes de souvenirs (là on est en plein dans le thème) d'une lecture passée, l'essai s'impose comme une évidence. De l'oeuvre à l'auteur et de l'auteur à l'oeuvre, les passerelles se succèdent, avec une déconcertante facilité, tant Proust consacra sa vie à la rédaction du roman.

L'essai propose des clés, ouvre des portes de compréhension de ces quelques 3000 pages, rédigées dans ce style si particulier qu'il est reconnaissable entre mille, et peut même constituer un obstacle lorsque l'on aborde l'oeuvre pour la première fois . Mais passé cet écueil quel bonheur de se fondre dans la complexité travaillée de ces phrases à la musique unique.

On connaît Proust mondain, Proust malade. Mais peut-on soupçonner que l'homme faisait de sa vie un chantier expérimental pour que son personnage Marcel rende compte de ces états d'âme et bien au delà de la simple confidence découvre son moi profond, sa vérité?

Adroitement mêlé à l'analyse du récit, l'auteur décrit la chronologie de la rédaction. Ainsi, on apprend que l'incipit célèbre, « Longtemps je me suis couché de bonne heure », fut ajouté au dernier moment , juste avant que les dernières épreuves de « Du côté de chez Swann » ne partent pour l'impression.

L'analyse de l'écriture n'échappe pas au propos :

« Vision et métaphore s'unissent dans le roman de Proust pour proposer, en définitive, la figure reine par laquelle Proust va faire revivre dans sa phrase le passé : l'hypotypose, cette figure de style par laquelle l'écrivain décrit les choses de manière si vive et si frappante que le lecteur a le sentiment qu'elles sont sous ses yeux. »

Sont-ce les illustrations , légères et humoristiques, qui , allégeant le propos, fournissent l'alibi du titre « à la plage »? J'ose le croire. Car s'il est très accessible, il n'en reste pas moins que le texte est sérieux et argumenté.

Très belle découverte , qui ne peut qu'inciter à lire ou relire ce roman qui compte parmi les plus importants du siècle dernier.
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Bien sur le titre de cette collection dite « à la plage » ne cesse de surprendre même si Balbec est en bord de mer et que la promenade maritime à Cabourg-l'un de ses modèles- porte bien le nom de Marcel Proust.

Le grand intérêt de ce très bel essai réside dans la contextualisation , en comparant « Jean Santeuil » et « La recherche du temps perdu », de l'apparition du « Je » dans l'oeuvre de Proust, véritable point de départ et commencement.
Il semble que la longue période de découragement de l'écrivain suite à l'abandon de Jean Santeuil et au décès de son père l'ai rapproché- si besoin était-de sa mère qui, angliciste confirmée, l'aida dans la traduction des oeuvres de Ruskin ( La Bible d'Amiens ou bien Sésame et les Lys précédé du célèbre « Sur la Lecture » de MP) qu'il pu retravailler dans un français plus littéraire, pour ensuite en souligner la pensée ultime, le rapport existant entre l'art, dont la littérature, et la vie véritable, la vraie et véritable vie,le temps perdu et le temps retrouvé.
Il y a en outre beaucoup d'éléments passionnants-dont last but not least l'évocation de la géniale et célèbre découverte de la mémoire involontaire et de cette sorte d'abolition du temps qu'elle induit- dans cet ouvrage très agréable à lire ou à consulter. Formidable!
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En dépit de son titre, qui évoque la détente et le farniente, et de ses illustrations humoristiques, “Proust à la plage” est un essai on ne peut plus sérieux sur l'oeuvre et la vie de Marcel Proust (et leur intrication), écrit par un non moins sérieux professeur de littérature, Johan Faerber.

Livre sérieux, mais d'une lecture extrêmement agréable (d'où le côté “à la plage”), qui se lit comme un roman sans du tout en être un, et qui, tout au long de ses deux cents et quelques pages, est aussi passionnant pour l'amateur proustien que pour le néophyte.

Avec beaucoup d'intelligence de l'oeuvre et de finesse, Johan Faerber explore les axes principaux de la Recherche et la matrice du roman par de constants (et pertinents) allers-retours entre la vie de Proust (l'auteur) et celle de Marcel (le narrateur) :

- la figure et l'amour absolu de la mère (“En un sens, il faudrait peut-être dire que c'est la mère qui a donné naissance à La Recherche comme si Proust n'était pas l'auteur mais, de manière surprenante, le fils de son propre roman”) ;
- l'enfance, ses repères et ses lieux emblématiques, futurs socles de la Recherche qui “ne doit (...) pas se lire comme un simple roman du temps mais comme un roman de l'espace, de la reconquête d'une géographie perdue dans l'espace de la mémoire et de la remémoration des heures défuntes” :
- le jeune mondain, charmeur et passablement snob, adepte des salons et du Ritz, qui observe, mémorise, affûte son regard critique et se fera le mémorialiste de la Belle Epoque ;
- l'écrivain en devenir et les premières ébauches (“Les Plaisirs et les Jours”, “Jean Santeuil”), la maturation lente, nourrie de réflexions sur l'art, de doutes et du deuil de ses parents;
- les années qui passent, stériles en apparence, le découragement, l'incapacité à écrire, et puis… la révélation de la mémoire involontaire, foudroyante - épisodes fondateurs, essentiels de “la madeleine” et des “pavés inégaux” qui donnent simultanément naissance au début et à la fin de la Recherche ;
- l'oeuvre qui se nourrit de la vie, et la vie qui se nourrit de l'oeuvre, le combat de chaque jour, de chaque heure, de chaque instant, jusqu'à son dernier souffle, à 51 ans, pour écrire, réécrire et corriger sans cesse “A la Recherche du Temps perdu”...

Amoureuse et passionnée de la Recherche, j'ai vraiment beaucoup aimé ce livre : agréable à lire, intelligent et bourré d'informations, “Proust à la plage” c'est… -comment dire ?- un sésame, un chemin, un trousseau de clefs, un fil d'Ariane, un guide, un vade-mecum, une lanterne, une débroussailleuse, un compagnon, une élagueuse, un ouvre-boîte, une tondeuse à gazon (non, là, je m'égare !)...

Bref, vous l'aurez compris, “Proust à la plage” est un excellent moyen d'appréhender sans peur (et sans reproche) l'oeuvre de Marcel Proust, et tout particulièrement pour tous ceux qui n'ont jamais osé gravir, par quelque face que ce soit, ce monument vertigineux et splendide qu'est "A la Recherche du Temps perdu"…

A lire. Sans hésitation aucune !


P.S : Petite bibliographie personnelle à l'intention des amateurs :
- Sur Proust : les biographies de Jean-Yves Tadié et de George Painter
- Sur La Recherche : “Proust et les signes” de Deleuze, “Dictionnaire amoureux de Proust” de Raphaël et Jean-Paul Enthoven, “Proust, la cathédrale du temps” et “Proust et le roman” de Tadié
- Sur les liens de Proust avec l'art : “le musée imaginaire de Marcel Proust” de Eric Karpeles, “Marcel Proust : l'écriture et les arts” de Tadié
- Sur le contexte socio-culturel de Proust et de son oeuvre : “le Paris retrouvé de Marcel Proust” d'Henri Raczymow et “l'art de vivre au temps de Proust” de Nadine Beauthéac, Joël Laiter et Lydia Fasoli.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
« Marcel Proust c’était notre jeune homme !», tels sont les quelques tendres mots par lesquels Maurice Barrès s'est ému, le 22 novembre 1922, du décès de Proust. Disparu alors qu'il n'était âgé que d’à peine 51 ans, l'écrivain, retiré depuis de nombreuses années dans sa chambre capitonnée de liège, est mort exténué par l'œuvre d'une vie à laquelle il avait fini par tout sacrifier: À la recherche du Temps perdu. Sans doute ce grand asthmatique n'a-t-il ainsi vécu, nuit après nuit, que pour cette somme romanesque, composée de sept forts volumes, qu'il considérait, aux dires de Céleste sa gouvernante, comme «son dieu».
Mais qui était véritablement Proust? Pourquoi son grand roman peut-il être considéré à bon droit comme l'un des chefs-d'œuvre absolus de la littérature du XX° siècle? Pourquoi en est-il venu à représenter un cas inoui et presque insensé dans l'histoire de la littérature, celui de la coïncidence parfaite
de l'œuvre à la vie où la vie a pris la place du roman et le roman celle de la vie?
Pourquoi cet homme qui, dans la première moitié de sa brève existence, a su être l'un des mondains les plus accomplis de Paris, s'est-il ainsi subitement retiré de toute vie sociale? Comment s'est opérée cette singulière révolution intérieure, peut-être sans équivalent, qui a fait renoncer cet arbitre des élégances à son couvert mis, tous les soirs, au Ritz pour s'enfermer dans une retraite sans retour? Pourquoi cet homme est-il devenue un véritable forçat de la littérature entièrement voué à la patiente édification de son œuvre? Comment enfin, à la mort successive des ses parents puis des êtres qu'il a pu aimer, a-t-il décidé de muer son grand roman en un infini tombeau dédié à la mémoire de ses disparus les plus chers?
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Commençant à lire bientôt l'ensemble de son oeuvre, Proust se familiarise peu à peu, au fil des mois, avec la pensée de Ruskin. Il apprend à en percevoir les axes majeurs comme autant de chemins à suivre pour sa propre pensée. Il découvre ainsi avec lui combien en art la vérité n'appartient pas à l'objet contemplé mais à l'homme qui la contemple tant l'art relève non d'une perception matérielle mais d'une perception morale et intérieure. Admirer une oeuvre renvoie à ce que Ruskin nomme "la faculté théorique" de l'homme qui, contre toute idée rationnelle, choisit de faire confiance instinctivement à une intuition de la Beauté. Nul doute que de telles considérations sont à l'origine des vues théoriques que Proust va notamment exprimer dans "Le Temps retrouvé", l'ultime tome de "La Recherche" quand Marcel va se demander si "la vérité suprême de la vie est dans l'art".


Page 65 et 66 John Ruskin, critique d'art anglais du 19ème siècle.
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Intuitivement, contre l'exercice tyrannique de la raison, Marcel va progressivement faire de la madeleine l'épisode fondateur de son récit qui devra pleinement faire confiance à l'expression de la sensibilité et à l'exercice retrouvé de la sensualité. Contre le célèbre "Je pense donc je suis" des Méditations métaphysiques de Descartes, Marcel découvre, à travers la madeleine, la puissance narrative et affective d'une médiation purement physique, celle d'un "Je sens donc je suis". La madeleine ouvre à la mémoire inespérée du sentiment. Proche ici de Nerval et Baudelaire qu'il admire pour être des poètes de "la plus frémissante sensibilité", il prend conscience alors que "la vérité n'est pas (dans le thé) mais en moi".
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(...) Proust ne s'est pas uniquement nourri de sa vie pour faire oeuvre. Il a su aussi bien transmuer son existence en un grand et puissant roman capable de montrer à chacun de ses lecteurs combien une vie ne vaut d'être vécue qu'à la mesure d'une écriture qui, à chaque instant, sait la recréer. La vraie vie, ne cessera de dire Proust jusqu'à sa mort, c'est la littérature car seule l'écriture sait être la vie véritablement et enfin pleinement vécue.
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Sans doute Proust constitue-t-il le cas inouï et unique dans l'histoire de la littérature d'un homme qui patiemment s'est laissé jour après jour dévorer par son œuvre au point de venir s'identifier à elle jusque dans son agonie.
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Jean Echenoz vous présente son ouvrage "Jean Echenoz" aux éditions L'Herne. Entretien avec Johan Faerber.
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