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Critique de Ingannmic


Voilà un excellent titre pour pénétrer l'univers de Faulkner sans être rebuté par la complexité narrative qui rend la lecture de ses romans parfois difficile.

Mississippi, au lendemain de la première guerre mondiale. Bayard Sartoris, petit-fils du "vieux Bayard", rentre d'Europe, sans son frère jumeau John, dont l'avion a été abattu par les allemands. Il retrouve le domaine familial sis dans le comté de Yoknapatawpha (que l'on retrouvera, ainsi que certains de ses habitants, régulièrement dans l'oeuvre de l'auteur), où cohabitent, hormis son aïeul, sa tante octogénaire l'inflexible et dévouée Miss Jenny, et la famille de domestiques noirs qui sert les Sartoris depuis des années.

Les Sartoris constituent une légende dans ce coin du Sud. Fanfarons, orgueilleux, on prétend qu'aucun de ses membres mâles n'a connu de mort naturelle. La figure la plus célèbre de la lignée est sans doute le père du vieux Bayard, John, tête brûlée et héros de la guerre de Sécession, dont les exploits alimentent encore la mythologie familiale.

Le jeune Bayard ne fait pas exception à la règle. Depuis son retour au bercail, il met toute la bourgade en émoi, en conduisant son bolide à travers les rues de Yoknapatawpha et les chemins alentour, au grand dam notamment de Narcissa Benbow, qui éprouve pour le jeune homme un sentiment trouble, mêlé de fascination et de répulsion. C'est sa manière à lui de réagir au traumatisme de la Grande guerre et de la mort de son frère, qu'il n'exprime jamais, mais qui le hante à coups de cauchemars et de crises de désespérance, et qu'il noie aussi, en compagnie de divers compères, dans l'alcool de contrebande.

"Sartoris" évoque le déclin, entamé avec la Guerre de Sécession, d'une dynastie dont le premier conflit mondial sonne le glas. C'est aussi la fin d'une époque, celle de la domination incontestée de ces grands propriétaires blancs sudistes, à la mentalité ancrée dans la tradition esclavagiste. A l'image de certaines pièces endormies de leur domaine où les tentures éternellement fermées et les housses sur les meubles semblent constituer un temple à la mémoire des fantômes familiaux, la superbe des Sartoris s'étiole, avec l'inéluctabilité que William Faulkner, suivant son goût pour la tragédie grecque, imprime à leur chute, soumettant les individus à la tyrannie de leur destinée.

Si sa structure narrative est moins complexe que ce à quoi l'auteur a pu nous habituer par la suite, on retrouve tout de même dans "Sartoris", son troisième roman, certains des éléments qui constitueront son empreinte, notamment cette écriture foisonnante, ce lyrisme qui convoque les images d'un sud aux collines "à l'infini mystérieux et serein" ou les sons nocturnes de la campagne, lyrisme auquel se mêle naturellement la rudesse truculente et énergique du jargon rural ou du parler "nègre", qui rend le récit si vivant.

Et bien que l'intrigue prenne parfois des chemins qu'elle ne suit pas jusqu'au bout, les lecteurs de William Faulkner, en reconnaissant parmi les personnages secondaires des figures récurrentes dans sa bibliographie, comprendront que "Sartoris" s'inscrit dans un ensemble qui dépasse le roman pour embrasser l'oeuvre.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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