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Critique de Tachan


Tachan
15 décembre 2021
Je vais me répéter mais Rue de Sèvres a vraiment un catalogue de BD engagées qui me parle énormément. Après
Alicia, prima ballerina assoluta et Idiss ces derniers mois, qui évoquaient Cuba et l'URSS, place à Lumière noire qui propose une uchronie assez sombre de la France et Paris.

Grâce à cette bande dessinée, je fais la rencontre de Claire Fauvel, illustratrice puis dessinatrice de BD depuis bientôt 10 ans, qui a déjà publié La nuit est mon royaume et La guerre de Catherine chez Rue de Sèvres, deux titres déjà engagés ; et Thomas Gilbert, qui lui a publié chez eux la saga de fantasy : Bjorn, le morphir. Ils se livrent ici à un vrai travail à quatre mains particulièrement réussi aussi bien du côté du scénario que des dessins et de leur composition.



Lumière noire, histoire complète en un volume, démarre comme le récit d'une danseuse chorégraphe en panne d'inspiration qui peine à imaginer son prochain spectacle et se fait embarquer par une copine pour aller voir de jeunes danseurs sortant de l'école. Elle a un coup de foudre artistique et romantique pour l'un d'eux, ce qui va l'amener à lui proposer de danser avec elle sur le prochain spectacle qu'elle n'a pas encore imaginé.

Tout commence de façon on ne peut plus classique mais très vite les auteurs nous font sentir que le récit va être plus qu'un récit autour d'une passion commune : la danse. En effet, si Ava a une telle panne d'imagination, c'est que, sans qu'elle s'en rende compte, elle vit très mal tout ce qui se passe autour d'elle. le Paris qu'elle connaît, est un Paris oppressif, excluant et violent, où il ne fait pas bon vivre. Alors quand elle croise, Ian, le jeune danseur engagé pour qui l'environnement et le futur sont des causes essentielles, sa liberté et son souffle l'attirent.

Les auteurs vont ainsi se servir de la collision de ces deux personnalités aux antipodes, de leur attirance imprévisible, de leur passion pour la danse qui permet à leur corps d'exprimer toutes leurs passions et angoisses, pour nous proposer un récit uchronique puissant et remuant. On souffre comme les héros, on est déchirés et perdus comme eux, on ressent leur malaise, on a envie de s'en sortir et la danse en sera peut-être l'un des moyens mais pas le seul.

J'ai aimé voir des héros passionnés. Les pages où ils s'expriment par la danse sont entêtantes et violente, faisant échos aux événements qui se passent. Si au début, j'ai pris la passion pour l'écologie du héros un peu par dessus la jambe, peu à peu, le tournant oppressif que prend la vie en France m'a interpelée et fait réagir, et j'ai compris son engagement. C'est très intelligent de la part des auteurs de parvenir à conjuguer ces deux personnalités si différentes autour d'une lente danse étrange et douloureuse mais cathartique.

Le propos n'est pas facile. La mise en scène est exigeante. Les personnages, en particulier Ava, ne sont pas toujours agréables. Mais ce que cherchent à nous raconter les auteurs avec ce lent glissement oppressif qu'on accepte l'air de rien alors qu'il nous bousille, est vraiment profond. J'ai adoré le parallèle qu'ils dressent entre entre les événements présents, la danse qu'imagine Ava, leur duo et le passé de celle-ci avec le conte qu'elle met en scène. C'est très intelligent et cela se goupille parfaitement !

Alors clairement, je ne m'attendais pas à un tel récit quand je me suis lancée mais j'ai adoré être surprise. Si je ne suis pas une adepte du trait des auteurs et de la colorisation numérique, je reconnais en revanche une vraie force dans la composition de leur planche. Que ce soit les scènes de danse, celles de leur passion, ou celles des violences auxquelles ils assistent, tout est vraiment percutant ! Et c'est en ça que, même si esthétiquement ça ne me plaît pas, c'est un très bon titre également graphiquement parlant.

Lumière noire, comme les autres titres engagés de l'éditeur, est un cri du coeur de ses auteurs, non pas sur un passé sur lequel il faudrait qu'on réfléchisse, mais sur un présent qu'on a trop tendance à laisser couler alors que les dérives font vraiment peur. C'est donc un titre résolument moderne, qui pousse à s'interroger sur ce qui se passe actuellement en Europe, notamment vis-à-vis des migrants et de nos réactions bien trop policières et violentes... Chapeau !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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