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Critique de nilebeh


Cette histoire semble surgir du fond des âges, d'une société primitive, à peine parvenue à un degré minimal de civilisation.
Pourtant, nous sommes au XXième siècle, dans le Nord-Est de l'Albanie. Mais cela, nous l'apprendrons seulement en lisant les lignes d'Emmanuelle Favier à la fin de son tout premier roman. En découvrant la quête qu'elle aura dû mener au sujet de cette tradition extraordinaire des « vierges jurées » d'Albanie, ou le destin si particulier de ces femmes qui, pour des raisons familiales, sociales, sentimentales parfois, ont renoncé à leur condition de femme et endossé des vêtements d'homme lors d' un serment accompagné d'un rituel où se mêlent le sang (symbole de virilité) et le lait (de féminité) : elles ne transmettront pas ce lait si faible qui coule dans leurs veines, cette faiblesse inhérente à la condition de femme.
Pourquoi ? Parce qu'elles ont la charge de jouer le rôle du garçon dans une famille où il n'y a que des filles et épargner la honte à leurs parents ; parce qu'aucune fille ne pouvant recevoir et transmettre le patrimoine, ce sera à ce faux-garçon de le faire ; parce que, parfois, c'est la seule échappatoire à un mariage arrangé odieux. Parce que nous sommes dans une société patriarcale où il ne fait pas forcément bon d'être une femme. Également parce que les hommes finissent par faire défaut dans cette société où on lave dans le sang la moindre offense. Alors, aux « vierges jurées » de les remplacer pour maintenir l'équilibre social ! Tel est le droit coutumier dans cette région.

Les deux personnages principaux de ce roman sont donc deux femmes : Manushe la « vierge jurée », et Adrian, jeune homme étranger un jour survenu au village qui l'accueille dans le respect de la tradition : tout étranger est un hôte sacré auquel tout un chacun doit montrer la plus grande considération.
Et nous allons découvrir les secrets qui se cachent dans la vie d'Adrian et cette relation sensuelle et intime qui va se nouer entre les deux personnages. le roman foisonne de notations sensorielles, d'observations précises et poétiques à la fois des paysages somptueux qu'offrent les Balkans, d'évocations à la manière d'un peintre paysagiste qui entourent cet amour de beauté, de douceur et d'un charme sensuel infini. Rien de mièvre pourtant dans cette histoire contée en une langue travaillée et fluide à la fois.
Ce livre est une petite merveille de sensibilité, de justesse du regard sur un sujet - celui du genre - à la fois dans l'air du temps et périlleux. Emmanuelle Favier, blogueuse et critique littéraire sur Médiapart par ailleurs, nous offre là quelques heures de pure grâce.
Un très beau premier roman, lu dans le cadre des 68 1ères fois.
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