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Critique de Lucilou


Avec l'automne et la teinte mordorée des feuilles mortes me viennent toujours des rêves de plaids tartans, de longues promenades aux châtaignes et champignons, de feu crépitant dans la cheminée, de thé fumant et de brioches à la cannelle, de vent et de pluie, de soudaines mais froide éclaircies... de ces rêves aussi douillets que réconfortants aux cottages britanniques qui font la joie des photographes, il n'y a qu'un pas et il est vite franchi. En automne, j'ai des envie d'Angleterre, d'une ambiance so british (ou du moins, d'une ambiance so british telle que je l'imagine, carte postale et d'Epinal que moquerait sans doute la réalité...), de scones, d'Hercule Poirot et de "Downton Abbey".

"Passé Imparfait" qui traînait depuis quelques temps dans ma bibliothèque m'est donc apparu et en toute logique comme le roman parfait pour angleterriser mon mois d'octobre, d'autant plus parfait qu'il est signé Julian Fellows: Monsieur Downton lui-même dont j'avais par ailleurs beaucoup aimé "Belgravia" il y a quelques années.

Le narrateur de "Passé Imparfait" (dont à l'instar de la narratrice de "Rebecca" nous ne connaîtrons jamais le nom) est un écrivain reconnu, issu la petite aristocratie britannique.
Un beau jour, cet homme proche de la soixantaine et qui semble cultiver un certain flegme allié à un désenchantement encore plus certain, a la surprise de trouver dans son courrier, au milieu des factures et des invitations aux cocktails mondains, une lettre manuscrite, une lettre comme on n'en écrit plus. Elle émane d'un certain Damian Baxter et le nom seul de cet émetteur surgi du passé ainsi que nous le comprendrons fait bondir notre narrateur. Damian Baxter... Damian... Qui fut son ami autrefois... Qui fut son ami jusqu'à un séjour au Portugal quarante ans plus tôt qui fit voler en éclat leur amitié.
La curiosité étant plus puissante que les vieilles rancoeurs, notre écrivain décachète la lettre et la dévore. Son meilleur ennemi l'y invite à une rencontre dans son domaine du Surrey. Il est, écrit-il, très malade et présente sa requête -aussi surprenante soit-elle- comme une dernière faveur à accorder à un mourant.
Bien sûr, le narrateur accepte -sans quoi, il n'y aurait pas d'histoire- et se rend à cette version fort sombre d'un "Ultime Souper" sans se douter que cette visite fera resurgir son passé dans ce qu'il a plus douloureux...
Pouvait-il se douter de la mission que lui confie Julian? Aurait-il accepté s'il avait su?
L'ancien séducteur, richissime transfuge de classe, lui demande en effet d'identifier parmi les enfants de ses anciennes conquêtes celui ou celle qui pourrait être aussi le sien, bien qu'illégitime, afin de lui léguer sa fortune puisqu'il est seul. Puisqu'il est mourant.
Commence alors pour le narrateur qui n'a d'autres choix que celui d'accepter (comment refuser quoique ce soit à un mourant sans passer pour un barbare sans coeur de la pire espèce?) un voyage qui le mènera de la campagne anglaise la plus verdoyante au soleil de Los Angeles et au coeur de son passé surtout, de ces années soixante, soixante-dix, en ce temps où lui et ses comparses avaient encore toute la vie devant eux, des rêves et des idéaux.

"Passé Imparfait" est une enquête sans crime ni meurtrier, une intrigue simple et intelligente qui mêle à la fresque sociale permettant de revenir sur quarante années d'évolution sociale au Royaume-Uni un récit intimiste et presque poignant de la part du narrateur qui prend douloureusement conscience que le temps passe et ne revient pas, que les retrouvailles avec ceux qui ont tellement compté autrefois peuvent être bien amères.

Le roman est nimbé de nostalgie voire de mélancolie et explore les failles et le coeur d'un homme vieillissant avec beaucoup de tendresse. Pour autant, il est aussi plein d'humour, de cet humour caustique, grinçant qui confine parfois à la cruauté et dresse un portrait satirique autant que savoureux de l'aristocratie anglaise des années soixante en plein délitement, de cette aristocratie qui se raccroche désespérément à ses traditions agonisantes. le constat n'est pas des plus optimistes concernant notre époque que fustige aussi le narrateur au détour d'un chapitre, d'une page, d'un paragraphe. C'est sans doute moins douloureux que de constater la mort de sa jeunesse…

Il est d'ailleurs bien attachant ce narrateur anonyme dont on saisit bien quel jeune homme sensible il était. Les personnages qui l'entourent sont quant à eux bien campés. Quant à l'intrigue, elle est accrocheuse et on se prend à enquêter avec autant de curiosité que le personnage. On se prend aussi à lui en vouloir un peu de ne pas nous parler autant qu'on le voudrait du Portugal. Patience, les révélations attendues arriveront pourtant, au terme d'un très bon roman qui pèche toutefois peut-être par excès de longueur et par une chute qu'on aurait espéré plus fracassante.



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