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Critique de enjie77


Michelangelo Merisi, né à Caravaggio dans le duché de Lombardie, le 29 septembre, jour des saints Michel, Gabriel et des saints Anges, mort le 18 juillet à trente-huit ans sur la plage de Porto Ercole en Toscane dans des circonstances non élucidées.
Paulo Quinto Pontifice Maximo


Quelle passion, quel feu intérieur brûle à la fois Michelangelo Merisi dit « le Caravage », et son créateur littéraire « Dominique Fernandez » pour que les deux puissent entrer en résonance au point de nous entraîner dans une course à l'abîme fascinante. La projection de l'auteur sur le peintre mêle leurs deux intimités, c'est impossible autrement de pouvoir donner autant d'épaisseur, de réalisme, au récit inspiré par les tableaux du Caravage d'autant plus que cet artiste n'a rien laissé derrière lui ou pas grand-chose si ce n'est son trésor artistique.

Michelangelo Merisi est né en Lombardie. On sait qu'il aime les garçons, qu'il a séjourné à Rome, Naples, Malte pour finir assassiné sur une plage. Il n'en fallait pas plus pour laisser l'imaginaire de Dominique Fernandez combler, avec aisance, ce vide et nous emporter dans un tourbillon d'une érudition folle, où suinte son amour de l'Italie, sa connaissance du Baroque italien et son militantisme mais surtout son génie. Cette manière de s'approprier les épisodes inconnus d'une existence pour en compléter la trame, on la retrouve avec le Tribunal d'Honneur sur Tchaïkovsky du même auteur. Académicien, à l'oeil averti, il sait nous parler du beau. Véritable esthète, il est un guide à nul autre pareil. Son écriture exprime le moindre détail et nourrit, ainsi, notre représentation de l'histoire. Elle est empathique, tout en arrondi, sans heurt malgré les évènements parfois rapportés, malgré des passages crus, elle est comme une eau de source qui s'écoule, claire, en dépit des remous du récit, elle nous emporte bien au-delà du tangible, là où elle veut nous raconter la Rome baroque et ses joyaux.

Michelangelo est un peintre encore inconnu lorsqu'il arrive à Rome. Il suscite l'intérêt du Cardinal Francesco Maria del Monte qui va devenir son plus important commanditaire. le Prélat décèle-t-il chez le Caravage les qualités recherchées pour révolutionner la peinture, apporter un nouveau souffle à cet art, d'autant plus que c'est la période de la Contre-Réforme, l'Eglise met tout en oeuvre pour lutter, rivaliser, effacer le protestantisme. Ce renouveau donne naissance au Baroque, mouvement de grande ampleur qui va permettre aux plus grands artistes italiens de l'époque d'exprimer tous leurs talents, leurs émotions, leurs approches de la réalité en jouant avec les contrastes de la lumière tel le « clair-obscur » qu'utilise le Caravage dans de telles proportions que nait le « ténébrisme ». Cette période est une véritable explosion artistique. Ce renouveau n'épargnera pas le domaine musical, allant jusqu'à modifier la conception du concert de musique.

Le Caravage, ce peintre rebelle, anticonformiste, ce tourmenté qui ne peut s'accorder trop longtemps le bonheur, ce génie provocateur joue avec le feu sachant que l'Inquisition le surveille de près mais il ruse et tient à son indépendance artistique. L'auteur nous créé des échanges entre les prélats, des débats scolastiques sur des points de symbolique chrétienne, relevés dans la peinture du Caravage, d'un réalisme à couper le souffle. On tremble à l'idée que soient découverts certains détails provocateurs voire païens !

Dominique Fernandez a observé qu'un même visage de garçon se retrouvait à plusieurs reprises dans la peinture du Caravagio. de cette observation, lui est venue l'idée géniale d'imaginer l'histoire qui pouvait relier ce garçon au Caravage. Il utilise les modèles pour alimenter la fiction. Chaque tableau devient prétexte à la création d'un récit à la fois instructif sur les comportements de l'époque mais aussi d'une inventivité dans laquelle, on s'immerge avec enthousiasme. Son italophilie nous immerge dans l'histoire de la Rome baroque, dans les méandres du pouvoir temporel du Vatican et de sa diplomatie. L'Italie est divisée entre le camp des Espagnols et celui des Français. Nous retrouvons les négociations qui ont abouti au mariage d'Henri IV et de Marie de Médicis.

Après une lecture d'une telle finesse, d'une telle densité, le regard se modifie, il devient impossible d'admirer les oeuvres du Caravage sans le filtre de Dominique Fernandez.

Que d'horreurs commises au nom de Dieu mais que de splendeurs réalisées à sa Gloire.
Si Dieu a inspiré son Requiem à Mozart, il a inspiré le Caravage à son corps défendant, lui qui s'est toujours comporté en peintre rebelle.

J'ai refermé ce livre avec des étoiles plein les yeux. Merci Xavier @Aquilon62 de m'avoir incité à lire ce livre sans tarder alors qu'il dormait sur mes étagères depuis quelques temps et ravie aussi de partager nos ressentis avec Bruno @Pancrace.

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