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Critique de le_Bison


Cet été. le hasard d'une lecture fait que j'ai commencé ce roman le jour où je découvris une photo de l'organisation Sea Shepherd montrant la vente promotionnelle d'un requin-renard sur les étals d'un grand supermarché où des mousquetaires jouent de l'épée. Une espèce protégée, il va de soi, qu'il est donc interdit de pêcher mais visiblement pas interdit de vendre si elle a été pêchée par « erreur ». Et ne serait-ce pas là le véritable problème que, à travers cette société pourrie par l'appât du gain, l'entreprise ne s'offusque pas d'afficher de tels étals sauf s'il y a quelques remous médiatiques…

Mais je m'égare, et gare mon regard vers l'autre rive, l'océan est si grand, qu'il me faut revenir au bouquin, et lui rendre hommage. Parce que je ne connaissais pas l'écriture d'Alice Ferney, mais le sujet m'a depuis longtemps intéressé, ayant notamment suivi les frasques et flibusteries de Paul Watson, fondateur de cette ONG. Parce qu'à travers ce roman, il s'agit bien évidemment d'un hommage au courage et à la détermination de cet homme qui à la barre de vieux rafiots n'hésite pas à se mettre en travers de l'économie mondiale, de la toute-puissance des états, et de ces impunis de la mer.

Comme il est si bien écrit, la sauvagerie envers des animaux terrestres est maintenant souvent réprimandée (même s'il reste toujours des progrès à faire, notamment dans l'élevage intensif), mais en mer, les lois semblent être tout autre. La raison en est presque basique : les poissons ne parlent pas, les requins ne crient pas, les baleines ne hurlent pas. Leurs morts se font dans un silence assourdissant, sans que personne ne bouge ou presque (je me mets bien évidemment dans ce silence et cette inaction, puisque apparemment mon seul militantisme est de m'abstenir d'acheter certaines boites de thon parce que leurs pêches non sélectives ramassent dans leur filet, aussi bien des thons que des requins…). Et des images fortes, le roman n'épargne pas mon oeil de lecteur avisé. du sang qui coule, des amas de chair et de graisses qui s'écoulent, l'oeil d'un requin qui pleure, ce silence lourd si lourd si lourd si lourd qu'il ne m'en est plus supportable. Rien que pour ces sensations, ce livre est indispensable, histoire de ne pas oublier que les enjeux de la survie de notre écosystème et de notre planète se jouent aussi loin de nos terres, à l'abri des regards, dans les eaux froides et inhospitalières de l'océan. Dans des eaux silencieuses.

Je reconnais, avec une certaine honte, autre époque autre moeurs, que, gamin, il m'était souvent arrivé de prendre une soupe aux ailerons de requin dans les restaurants asiatiques d'antan. J'ai donc contribué à ce massacre. Je reconnais, avec cette même honte, que si j'ai peur des requins, c'est uniquement dû au film de Spielberg, « les Dents de la Mer », qui à l'insu de son réalisateur a tant oeuvré pour l'extinction de toutes les espèces de requins. Mais voilà, je ne suis qu'un bison silencieux, lui aussi – ouf – en voie d'extinction, ma voix compte si peu dans cette société-là que j'admire celle de Magnus Wallace ou de Paul Watson. Mais que ne donnerai-je pas pour plonger au milieu des requins ou pour m'approcher dans le silence d'un kayak ces majestueuses baleines et ainsi me sentir si petit face à la beauté de ce monde, le règne du vivant.
Lien : https://www.seashepherd.fr/
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