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Critique de Fleitour


Que voulais-tu qu'on dise?
Fait remarquer Louise aujourd'hui.
Nous ne pouvions pas parler de maman, nous n'en parlions pas.
Page 117 du roman les Bourgeois d'Alice Ferney.
Je suis bouleversé par ces mots, qui résonnent de façon si troublante, dans mon propre passé, ce déni des moments perdus, cette difficulté à respirer nos deuils, pour retrouver notre mémoire.


Ces mots, comme ces heures encagées dans le silence du père, Henri même remarié ne vibre plus à l'unisson de ses enfants ; "dans le deuil Henri n'eut pas un mot" page 117.
Alice Ferney avec une délicatesse de maman, évoque, dénombre, raconte les blessures les plus vives, les plus inconsolables, celles qui marquent à jamais l'enfant qui sait mais qui ne comprend pas, et à qui, on ne dit rien. Ils sont plusieurs entre 3 et 10 ans à se rassurer, se réchauffer, ce sont Louise, Claude, Jérôme, Guy.


La mort de Mathilde, à sa 10 ème grossesse, marque un tournant essentiel dans le déroulement du roman, un deuil que la guerre ne fera qu'amplifier, déstabilisant toute la famille.
Les sourires s'étaient couchés comme le soleil, personne n'entendra plus la voix de Mathilde quand ses doigts se posaient sur les touches noires et blanches


Dans la première partie ce sont les souvenirs de la guerre 14/18 qui dictent le tempo du texte, et les photographies, font remonter les visages, et présentent déjà une nombreuse famille, campée dans une tradition catholique immuable, La famille est plutôt très bourgeoise, conservatrice voire maurrassienne. C'est aussi une famille qui voit dans l'engagement militaire une vertu et un devoir que les enfants et petits-enfants d'Henri et de Mathilde suivront.


Avec l'avènement d'Hitler, les idéaux et les options des enfants d'Henri se fissurent, certains iront vers la résistance, d'autres resteront fidèles à Pétain, ils sortiront meurtris du procès fait à l'homme de Verdun.
L 'engagement militaire de plusieurs des enfants d'Henri, après la libération de Paris, ouvre une épopée familiale qui s'égraine de l'Indochine à l'Algérie sur toute la période de la décolonisation.


C'est par ce biais, que l' histoire, récente de la France s'écrit dans ce roman, « les Bourgeois « devient le témoignage des militaires engagés, soutenus ou injuriés au gré des hommes politiques devenus fébriles .
Le rôle du général de Gaule et ses décisions arrogantes ou incomprises, seront largement commentées, notamment les morts de la rue d''Isly , et l'abandon des harkis.


Cette fresque mérite d'être lue avec attention, les positions parfois divergentes des enfants devenus militaires éclairent ces moments tragiques.
Alice Ferney n'a toutefois pas oublié de nous parler des familles, Claude et Jérôme sont sans doute ceux que nous allons connaître le mieux. Claude qui a vécu l'accident dramatique de Jérôme, dans cette famille forte en thème, a du mal à trouver sa voie, quand un certain Jean Emile Guggenheim lui offre un avenir. Jérôme lui sera cette figure attachante, il séduit, il amuse avec cette fantaisie et ses bras qui guérissent, et ses brins d''humour et de compassion.


Comme dans tous les autres livres Alice Ferney entretient cette grâce, cette légèreté de la plume, cette élégance des mères, cette passion pour les enfants qui m'enchante.
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