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Critique de Enroute


En 1995, Jean-Marc Ferry prévoyait que la chute de l'URSS ne faisait que devancer la chute du "système capitaliste, à l'ouest". L'élément déstabilisateur est cette "idéologie Dallas" du capitalisme qui résume l'activité économique à un processus de conquête et une pulsion dominatrice. Comment expliquer autrement que le chômage règne au nord tandis que le sud a besoin de tout ? Comment expliquer, sinon ainsi, l'exclusion du travail d'un nombre toujours plus important de personnes en conséquence de l'automatisation des processus industriels ? Pour résoudre les déséquilibres sociaux, la réduction du temps de travail repose sur l'idée irréaliste d'une interchangeabilité des salariés. A contrario, si l'on cherchait à concevoir l'économie au service de l'être humain plutôt qu'à celui des profits, il serait possible d'assumer la transformation sociale de nos sociétés sans briser l'augmentation de la productivité industrielle. Un tel partage aurait pour but une redistribution des richesses qui mettent le citoyen à l'abri de la précarité et de l'angoisse du lendemain tout en accompagnant la flexibilité du travail du monde moderne. L'"allocation primaire universelle" - primaire car imposable, universelle car valable pour tous les citoyens majeurs (et non tout résident) - liée à la création d'un secteur d'activité quaternaire permettrait de récréer un lien social effiloché et de reconnaître honnêtement l'impasse où mène un modèle capitaliste perverti car fonctionnant pour lui-même. L'instauration de l'AU engendrerait de profondes réformes de systèmes qui eux aussi sont à bout de souffle comme la Sécurité Sociale et le régime des retraites. D'une manière générale, toute la panoplie d'aides sociales dont bénéficient les sociétaires seraient fortement diminuées du fait de l'AU. Il faut encore ajouter l'économie réalisé par l'élimination des organismes de contrôles du juste versement de ces aides. le coût réel de l'AU pourrait bien ne pas être supérieur aux dépenses actuelles. Jean-Marc Ferry suggère que l'allocation soit financé par un report de la collecte de la TVA sur un impôt sur les transactions bancaires des ménages, ce qui allègerait l'administration des entreprises, actuellement en charge de la collecte de la TVA. Afin que le système limite une inflation prévisible, l'auteur préconise qu'elle soit mise en place à l'échelle européenne. Cela nécessite la mise en place préalable de l'Union économique et monétaire (nous sommes en 1995). L'allocation ne prend tout son sens que liée à la création d'un secteur d'activité quaternaire (le primaire s'est reporté dans le secondaire au cours de la révolution industrielle, le secondaire dans le tertiaire, maintenant surchargé et mélangeant des activités diverses), c'est-à-dire d'activités personnelles, non mécanisables et non standardisables. Ainsi, le travailleur se trouve en pleine autonomie pour créer son activité s'il ne souhaite, se réorienter professionnellement sans craindre une chute de revenu ; l'étudiant peut poursuivre ses études ; le SDF a de quoi survivre ; le chômage diminue et le marché du travail peut se flexibiliser. Les opposants à l'instauration de l'allocation se limitant en général à soulever leur certitude de l'arrêt de toute activité économique par les bénéficiaires potentiels et l'organisation de l'exclusion par l'Etat-providence (l'allocation pouvant enfermer ceux qui sont déjà exclus dans plus d'exclusion), Jean-Marc Ferry ajoute que le montant de l'allocation n'a pour but que de subvenir aux besoins essentiels, non de constituer un salaire, et que le renforcement du tissu social permis par l'instauration du secteur quaternaire a vocation à combattre l'exclusion.
Ainsi, une conception plus objective de l'évolution du monde permettrait, plutôt que de s'enfermer dans un conservatisme qui voit un droit du travail là où ne se manifeste qu'une obligation de trouver des revenus, de mettre en place un droit au revenu qui prenne en compte la réalité déjà avérée d'une dissociation entre revenu et travail et dégage une perspective d'avenir à un modèle économique en déclin.
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