AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Slava


Slava
23 décembre 2020
Guenièvre ou Guinevere est avec Morganne et Viviane, la femme la plus célèbre des légendes arthuriennes, épouse du roi Arthur qu'elle trompe avec le preux Lancelot. On a d'elle l'image d'une reine effacée, dissimulée derrière ses deux amours, le valeureux Arthur sauveur et défenseur des bretons et l'idéal Lancelot, une image véhiculé par les romans de Chrétien de Troyes notamment. Pourtant elle ne devrait pas être si accessoire qu'on ne le croit : son étymologie dit tout. Son nom gallois, Gwenwyffar veut dire " Blanc Fantôme" et dans les légendes celtiques, la dame Blanche n'est pas qu'un spectre quelconque mais une entité liée aux Sidhes dont l'apparition troublante annonce le malheur. C'est de cette signification que se base Jean-Louis Fetjaine pour composer ce dernier tome de sa saga des Elfes.
Avant toute chose, je préviens que je n'ai lu aucuns des volets elfiques et que j'ai découvert l'auteur par Guinevere, attirée depuis toujours par les réécritures sur la légende arthurienne et notamment par les membres du beau sexe qu'on dit " faible" et que par conséquent les mentions de guerre avec les monstres ou les nains m'avaient bien décontenancée. En revanche, pour le reste je me suis bien adaptée sans être perdue car ce tome-là se veut avant tout centrée sur le monde arthurien et guère des elfes et bien qu'il est la conclusion de la série si j'ai compris, il me convient également en tant que nouvelle version d'un grand roman médiéval, La Mort le Roi Artu dont j'avait consacré une critique et qui est souvent cité dans l'oeuvre présente d'ailleurs.
Aprés un temps de chaos où des guerres se sont succédés sans répit depuis la mort d'Uther Pendragon, son fils Arthur instaure la paix en prenant pour épouse la fille d'un de se soutiens Leodagan de Carmelide, la belle Guinevere dont la beauté angélique est chantée par les bardes. Malgré la menace des orcs voulant détruire le royaume sous l'impulsion du sombre Méléagant et la méfiance des barons qui guignent bien le pouvoir, tout semble aller pour le mieux. Mais ce que personne ne s'attend est que la mariée pourrait être un cadeau empoisonnée... car Guinevere est loin d'être la simple blonde sans cervelle et soumise à son époux...
Fetjaine s'inspire de la tradition arthurienne, et notamment ses codes, le royaume d'Arthur étant médiéval avec ses chevaliers, ses tournois et ses blasons et le langage en est coloré d'archaïsme. Les elfes sont bien là, traces de la féerie présente dans les mythes mais tout est dans un esprit mélancolique et inéluctable : dès le début, on est prévenu que tout va mal finir. C'est la fin d'un monde se déroule sous nos yeux, un monde baigné par la magie qui se dissipe sous la domination des hommes et d'une religion fanatique, les elfes quittent l'univers des hommes pour les île enchantées et se raréfient et que l'équilibre celtique agonise sous les passions humaines. Un sentiment d'amertume plane tout au long du récit, lié à l'impuissance de ses personnages qui quoi qu'ils fassent, ne peuvent arrêter le cours de l'histoire.
Les femmes jouent des rôles majeurs dans Guinevere, à commencer par elle. Guinevere est froide, insensible aux hommes dont elle inspire le désir pourtant, une femme qui manigance pour avoir le pouvoir, incarnant le destin inéluctable du monde des hommes dont ils lui dénient ses capacités. Une manipulatrice minutieuse bien loin de la mièvre reine demeurant dans le château, organisant même son propre enlèvement ! Elle n'est pas seule à conspirer : lumière faite sur Morgause la demi-soeur d'Arthur dont elle ne pardonne pas qu'il soit le fils de celui qui a usurpé sa mère, et qui veut son trône en jouant notamment de leur fils né de l'inceste, Mordred. Quant aux femmes elfes, elles demeurent en retrait, observant le déclin, entre Lliane la reine féerique qui regrette la fin du temps et sa fille Morgane qui apprend ses pouvoirs. Des femmes qui comprennent mieux le spirituel et les sens contrairement à leurs compagnons qui sont guère finauds. Il faut dire que la galerie masculine n'est pas très reluisant, Arthur est un vieil homme fatigué par les combats conscient de ses défauts et de ses faiblesses mais qui ne fait rien pour arrêter les désastres à venir, Mordred son fils est un adolescent perdu manipulé par tout le monde et qui n'est pas l'instigateur machiavélique et roué traditionnellement, tandis que Merlin l'enfant des forêts prend peu à peu une retraite constant qu'il ne peut changer les hommes. Seul Méléagant semble se distinguer, bien qu'il échoue aussi à sa quête, un individu dangereux et jaloux du destin.
La décrépitude est là aussi dans le monde humain, qui n'est pas aussi glorieux que dans les chansons des gestes, boueux et sanglant. Même le château de Camelot est austère et peu confortable. le royaume d'Arthur est décidément gris et sans éclat, emporté dans la violence naissant par les basse concupiscences humaines et se concrétisant par la bataille de Camlann, qui est d'un désespoir sans nom. Et même le rythme du roman est lent et morne, ce qui peut en décourager beaucoup.
Fetjaine à une jolie écriture, soignée sans être exceptionnelle, imitant bien le ton médiéval des romans moyenâgeux sans en faire trop. La sobriété du style convient justement à l'atmosphère lugubre du roman.
Un roman arthurien bien élégiaque et peu joyeux donc, mais qui réinterprète la légende bretonne et surtout un personnage souvent cantonnée à la simple épouse adultérine sans personnalité.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}