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Critique de Elamia


Me voilà conquise par cette vision du mythe arthurien, assez différente de ce que j'ai pu lire jusqu'à présent.

Il n'est plus utile de présenter Jean-Louis Fetjaine, l'un des maîtres incontestés de la fantasy arthurienne française.
C'est toujours un plaisir pour moi de retrouver ce registre que j'aime tant, alliant le merveilleux aux codes chevaleresques. Si j'avais bien aimé les deux premiers tomes de sa trilogie des elfes, (et un peu moins le troisième) je suis vraiment convaincue par cette réinterprétation de la légende arthurienne. Comme d'habitude, l'on va retrouver les figures propres à la matière de Bretagne, Arthur, devenu roi grâce à Excalibur, son mentor et ami le mage Merlin, les braves chevaliers de la Table Ronde menés par le valeureux et torturé Lancelot, sans oublier la famille proche d'Arthur, sa mère Ygraine, sa soeur Morgause, Mordred, le fils illégitime et j'en passe. Morgane est absente du récit, mais c'est donc Morgause qui incarne la demi-soeur traitresse et avide de pouvoir.
Malgré un récit assez trivial où la guerre est au centre des préoccupations, ce sont bien les femmes qui mènent la danse ici. Elles incarnent à la fois la soif de pouvoir et la domination érotique et sont nettement les grandes instigatrices des complots qui se trament tout au long de l'histoire.
Relativement loin du mysticisme des Dames du Lac de Bradley, Jean-Louis Fetjaine manie une plume qui n'en est pas moins enchanteresse. le style illustre parfaitement les subtilités du vocabulaire médiéval et c'est sans grand difficulté que le lecteur sera ainsi propulsé à travers les siècles pour revivre l'exaltation des tournois et prendre part aux enjeux politiques de la noblesse d'épée.
Entre fragments littéraires traduits du vieux français et imagination très fertile, l'auteur nous emporte au coeur d'intrigues complexes, où la noirceur et la brutalité n'épargne personne. Les personnages sont tous impliqués plus ou moins indirectement et à leur insu dans des engrenages politiques et des histoires de vengeance aux conséquences bien souvent tragiques. Malgré cette trivialité non dissimulée, il reste quand même un tout petit peu de place pour la magie elfique, avec la présence très discrète ici de Lliane (figure principale des ouvrages Les chroniques des elfes et de la Trilogie des elfes). le point positif est le plaisir évident de retrouver une figure bienveillante, et connue du cycle arthurien de l'auteur, et pour les autres, cela vous donnera peut-être envie de découvrir les précédents romans écrits par l'auteur.

La quête du Graal n'est clairement pas le propos du livre, et l'accent est plutôt mis sur les relations entre personnages et sur le développement de leur psychologie et de leurs rôles assez contradictoires.
J'ai vraiment apprécié ce que Fetjaine a fait du personnage de Merlin. le récit se gausse presque de cette légende qui veut que Merlin soit le fils du Diable (interprétation qui pour moi rime avec affabulation, puisque je ne vois clairement pas en quoi un mage celte héritier d'Avalon pourrait être lié à une image typiquement chrétienne...désolée Chrétien de Troyes). Ceci étant dit, le Merlin de cette histoire n'a rien à voir avec l'enchanteur manipulateur que l'on a tendance à imaginer. Vieil homme au coeur lourd, dépassé par les évènements, son incompréhension face à la religion unique, et sa peine de voir les anciennes coutumes disparaître sont assez touchantes.
Mais tandis qu'il nous montre un Merlin vieux, fatigué et nostalgique, il fait de la jeune reine Guinevère la détentrice d'une aura sombre et funeste. Si à l'accoutumée ce n'est pas un personnage très adulé, ici elle devient réellement un personnage détestable et redoutable.Alors, est-elle la victime d'une fâcheuse manipulation, ou est-ce la révélation de sa véritable nature ? C'est ce que ce roman nous invite à découvrir.
Il est également bon de retrouver un Arthur qui, pour une fois, n'est pas omnipotent. Tiraillé entre son devoir, et en proie aux doutes, il est perdu et plus faible que jamais face à une femme à la beauté vénéneuse et aux desseins mystérieux.
Nous retrouvons aussi un Lancelot, dont la bravoure ne fait aucun doute, mais qui n'est pas exempt de faiblesses, et qui est complètement perdu et malheureux face à l'amour impossible qu'il nourrit vis à vis de la reine.
Ce n'est donc clairement pas l'amour courtois qui est visé dans ce récit, mais plutôt un jeu d'intrigues et de complots, de trahisons et de vengeance où la domination par les armes est une préoccupation de chaque instant. La quête du Graal est donc pour une fois, laissée de côté au profit de talismans plus antiques, mais tout aussi importants symboliquement.
A l'aide de chapitres d'une longueur idéale, la narration est parfaitement maîtrisée, on alterne passages contemplatifs et scènes d'action, on découvre les points de vue des différents personnages, le tout savamment dosé, sans aucune lassitude ni perte de rythme.

Finalement, Jean-Louis Fetjaine nous propose un duel au sommet entre deux personnalités relativement effacées dans la légende arthurienne, Morgause et Guenièvre. Il tisse une intrigue palpitante et puise directement dans les codes chevaleresques et dans les influences celtes pour nous proposer une version originale de cette légende épique.

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