AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ClaireG


Royaume de Castille, fin du XIIe siècle.

Décor : après les invasions des Romains (IIe siècle av. J.C.) et des Wisigoths (Ve siècle), la péninsule ibérique est conquise par les Maures au VIIIe siècle. Les chrétiens voient d'un très mauvais oeil l'installation des musulmans et l'imposition de leur religion. Ils n'auront de cesse de reconquérir leurs territoires (jusqu'à la fin du XVe siècle), tout en participant aux croisades pour délivrer Jérusalem.

Par contre, les Juifs (Séfarades) constellés dans la péninsule dès avant l'ère chrétienne, connaissent toutes sortes d'exactions sous les différents envahisseurs et préfèrent la relative bienveillance de l'administration musulmane. Disons donc que la coexistence put s'installer entre les trois communautés religieuses et des échanges scientifiques, culturels et artistiques féconds furent à l'origine de l'âge d'or islamique tout autant que celui de la culture séfarade. Cordoue, Séville, Grenade, Tolède sont des témoins de raffinement et d'élégance de cette occupation mahométane.

Le roman commence lorsque Alphonse VIII, roi de Castille, fait appel à Yehuda Ibn Esra, issu d'une famille de riches marchands de Séville, devenus musulmans sous la pression tout en continuant à réciter les prières du Livre en toute discrétion. Il doit remplacer l'argentier décédé du roi et l'aider à renflouer les caisses du royaume suite à plusieurs campagnes désastreuses pour ses finances. La présence des Juifs est tolérée parce que leur religion, seule, permet le commerce de l'argent, ce qui crée jalousie et haine, estime parfois, méfiance toujours. Et aussi parce qu'ils apportent un tribut considérable à une économie souvent déficitaire.

Ibn Esra devient le conseiller financier du roi à condition qu'il renonce à guerroyer pendant huit ans, le temps de mettre de l'ordre dans les affaires. Il redevient Juif et continue à vivre parmi tous les raffinements apportés par les Maures. Son fils deviendra écuyer du roi après sa conversion au catholicisme, sa fille, Rachel, « la Fermosa », deviendra la maîtresse du roi sur son ordre et par acceptation du banquier désespéré. En ces temps-là, les filles obéissaient à leur père et, heureusement, un amour fou consuma les tourtereaux.

L‘intérêt du livre ne se trouve pas tant dans cette histoire d'amour, devenue une légende en Espagne sans être accréditée par les historiens, que dans la vie tumultueuse et complexe des Juifs de l'Espagne médiévale, dans les conflits entre les nobles pour garder leurs privilèges, dans la haine du haut clergé vis-à-vis des Juifs qui payent leurs impôts directement au roi sans verser aucune dîme à l'Eglise. Et aussi dans les alliances qui permettent d'agrandir les territoires et de maintenir une paix provisoire.

Leonor de Castille, épouse d'Alphonse VIII, est la fille d'Aliénor d'Aquitaine et d'Henri II d'Angleterre. Férue de politique, comme sa mère, elle seconde habilement son mari qui ne rêve que de guerroyer, sa fidèle Fulmen Dei à la main. Avertie des amours coupables du roi et de la naissance d'un garçon, elle mande sa mère auprès d'elle, ce qui donne quelques pages fort instructives sur la manière de régler les conflits, sur l'art d'échafauder les alliances et sur le peu de cas fait des héritiers qui n'ont pas voix au chapitre.

A noter cependant que c'est ainsi que furent réunies la Castille et L Aragon et que Blanche de Castille devint reine de France en épousant le futur Louis IX.

En 1195, les armées du calife Almohade, al Mansour, intensifient leurs attaques et finalement, trépignant d'impatience après un long statu quo, Alphonse VIII repart à la guerre. Alors qu'il est un fameux pilier de la Reconquista, sa défaite à Alarcos l'oblige à signer un traité de paix de dix ans avec les Infidèles qu'il combat depuis tant d'années.

A Tolède, réfugiée dans son château, Rachel est privée de son fils, emmené secrètement par un ami de son père pour une destination inconnue. le roi veut le faire baptiser, l'appeler Sanche et lui donner le comté d'Olmedo. Rachel s'y oppose farouchement et la guerre évita le drame cornélien.

Yehuda Ibn Esra tient sa promesse de rétablir l'économie castillane dans sa splendeur, au-delà de toute espérance, mais les désaccords se multiplient autour de lui et de la position de sa fille. Ils sont assassinés à la Galiana peu après Alarcos.

L'auteur, Lion Feuchtwanger, est un écrivain allemand né en 1884 à Münich et mort en 1958 à Los Angeles. Spécialisé dans le roman historique, il devint mondialement connu en 1925 lors de la parution de son livre « le Juif Süss » qui dénonce l'antisémitisme et que les nazis détournèrent pour satisfaire la propagande anti-juive du Troisième Reich. La richesse des dialogues, l'érudition qu'il prête à ses personnages et la facilité avec laquelle il traduit le quotidien de cette époque compliquée, font de ce livre un petit bijou qui incite à la relecture.

Un tout grand merci à Pecosa car ce livre est encore une bonne pioche de sa liste consacrée à « Romans historiques à travers l'Espagne, du Moyen Age au XVIIe siècle » dont je ne me lasse pas. Difficile à trouver, je ne l'ai obtenu que dans une édition de poche de 1985 loin d'être avenante mais je suis enchantée de ma lecture.

Commenter  J’apprécie          788



Ont apprécié cette critique (73)voir plus




{* *}