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Critique de nilebeh


Un homme, un jour, se décide à vendre quelques-uns de ses livres chez un soldeur bien connu à Paris (on reconnaît la librairie en trois boutiques du Bd Saint-Michel...). Il affronte la queue en extérieur, les étages sordides, l'accueil goguenard ou désagréable des « blouses grises » quand soudain son regard est accroché par une jeune femme qui lit en attendant son tour. Vaguement androgyne, look décontracté et chevelure sombre, il extrapole rapidement et s'en fait une certaine idée. Ayant parfaitement senti l'intérêt qu'il lui porte, elle lui propose un jeu étrange : s'il veut la revoir et nouer une histoire avec elle, il devra apporter des livres de sa bibliothèque choisis en fonction d'un mot donné par elle, lui raconter ces livres et en choisir un qu'il lui offrira. le premier mot sera « enfance ». Et l'homme de rassembler des livres lus dans son enfance, chargés de souvenirs et d'émotion, hésitant sur ceux qu'il va abandonner pour elle, sur celui qu'il lui offrira.

Ainsi, progressivement, sa bibliothèque va se vider, au rythme des exigences de la belle. Jeu de séduction un peu pervers, douloureux (elle l'oblige à de cruels renoncements sans toutefois lui offrir ni sa présence ni son attention, encore bien moins son amour). L'écriture se fait incisive, charnelle, érudite, et nous entraîne dans des méditations sur la bibliothèque et son principe de rangement, sur le sens des mots et des idées, sur les grands « genres » littéraires (la part est belle consacrée à l'érotisme!), sur la charge affective portée par chacun des livres que nous gardons soigneusement.
Michel Field se garde d'un passage en revue des auteurs qui serait fastidieuse et pontifiante, il accorde une place essentielle au département « philosophie » de sa bibliothèque (et pour cause). Il écrit avec facilité et humour (même si certains jeux de mots sont bien un peu lourdauds) et nous réserve une belle « chute ».
J'ai particulièrement apprécié le chapitre consacré à Paris et l'on sent bien que nous avons affaire à un homme né dans un milieu « bobo »et intellectuel, dans l'Ile Saint Louis, petit garçon à qui on offrait pour ses sept ans deux livres consacrés à Chopin et à Lully. C'est ce côté un peu « nous sommes entre gens intelligents et érudits » qui peut agacer par moments mais bon...il s'agit certainement du personnage, pas de l'auteur !

J'apprécie bien aussi le passage sur ce paradoxe de la philosophie qui veut que les ouvrages de commentaires et d'exégèse dépasse très largement en nombre de lignes et en poids les textes qui leur ont donné lieu.
En dépit de certains passages un peu indigestes (notamment celui consacré aux livres de cuisine...), c'est un livre à la fois plaisant et intéressant, notamment pour son approche de la création littéraire et du lien auteur-personnage.
Il raconte comment Agatha Christie fit mourir Hercule Poirot et annoncer sa mort dans le New York Times du 6 août 1975. Cinq mois plus tard elle mourait à son tour : la revanche des personnages sur leurs auteurs.

Merci à l'inconnu qui a mis à disposition les épreuves non corrigées de ce livre dans un lieu qui m'a été accessible !

Pour moi : chute étonnante : dans une dernière lettre remise au narrateur, la femme révèle qu'elle n'est qu'une création littéraire de cet homme, l'histoire n'est donc qu'une supercherie, il n'y a pas de roman, mais une réflexion sur la création littéraire et le lien qui unit le narrateur et son personnage.



« A la question stalinienne d'hier - « le pape, combien de divisions ? » - était venue se substituer la question télévisuelle d'aujourd'hui - « l'auteur, combien de rééditions ? ».
Sur Paris : « La ville comme une bibliothèque dont les artères seraient un entrelacs d'étagères disposant ses vivants volumes au gré des nécessités de l'histoire et des impromptus de la fantaisie, proposant au lecteur-promeneur son univers de signes, qui emprunterait un livre comme il emprunte une voie, pour ses voix où les mêmes mots ne disent jamais la même chose. »

Une info importante : le chausseur Louboutin situé Passage Véro Dodat et l'explication de sa semelle rouge : reproduire le trait de rouge à lèvres gras observé chez une collaboratrice et s'en servir pour égayer la chaussure noire ! 
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